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En 2017, la moitié du duo Key & Peele, Jordan Peele, étonnait tout le monde avec sa première réalisation : un film d’horreur politique et très maitrisé qui l’a soudainement et un peu trop abruptement élevé au rang de nouveau maître de l’horreur. Deux ans plus tard, il revenait avec Us et au vu de la qualité plus que bancale du long métrage, on se demandait si Jordan Peele n’avait pas eu simplement un éclaire de génie avec son premier film. Son nouveau long, sobrement intitulé Nope, était donc pour lui l’occasion de prouver qu’il en avait encore dans le ventre.
On ne va pas vous faire attendre plus longtemps pour vous donner la réponse, mais avant de détailler, sachez que Us semble être plutôt une erreur de parcours tant Nope est brillant du début à la fin.
« Je jetterai sur toi des impuretés, je t’avilirai, Et je te donnerai en spectacle. »
C’est sur ces mots tiré du Livre de Nahum dans l’Ancien Testament que s’ouvre Nope, Nahum étant un des douze apôtres, qui lui avait prédit la destruction de l’Empire assyrien. En fond sonore, ce qui semble être un sitcom des années 90 dont on finira par voir le tournage à l’écran, tournage qui se finira dans une marre de sang. Dès les cinq premières minutes, le ton est donné, et surtout tous les thèmes abordés de Nope y sont traités en quelques lignes. Retour au présent, dans un vieux ranch dans la plaine américaine. Otis Haywood Sr. y entraine des chevaux avec son fils OJ. Six mois plus tard après la mort étrange de son père, OJ retrouve sa soeur Em pour continuer à vendre les services de leurs chevaux pour le cinéma. Jusqu’au jour où ils semblent voir une soucoupe volante en train d’enlever certains de leurs bêtes.
Difficile d’en dire trop sur Nope sans dévoiler de nombreux spoilers majeurs, mais le film réserve son lot de surprises et une galerie de personnages passionnants. Formellement, c’est impeccable. Jordan Peele sort de ses quasi huis-clos pour livrer un film grandiose au sens premier du terme. Il s’amuse à filmer les superbes plaines américaines et surtout, les jeux d’échelles y sont totalement maîtrisés. Le gigantisme de l’OVNI y est merveilleusement mise en scène et n’aide en rien le spectateur à se sentir à l’aise. Car oui, Nope fait peur. Pas tout le temps, mais il arrive à construire son ambiance glauque et pesante petit à petit jusqu’à un dernier acte sombrant presque dans le film de maison hantée et un final, étonnamment en plein jour, haletant et ô combien stressant. Le trio Daniel Kaluuya, Keke Palmer (qui crève l’écran) et Brandon Perea accompagné de Steven Yeun et son personnage complètement « fucked up » y sont tout aussi brillants.
Mais surtout, c’est dans les thèmes qu’il aborde que le film brille le plus. Moins explicite que Get Out, Nope va aborder le grand spectacle et son industrie. Quand les deux personnages principaux sont les descendants (inventés) du premier jockey et son cheval filmé au monde, Steven Yeun incarne lui un ancien enfant-star traumatisée et les deux camps ont des visions bien précises de ce à quoi devrait ressembler un divertissement et surtout son industrie. Et forcément, ici, on comprend que le film dénonce un système Hollywoodien et son grand spectacle prêt à tout pour attirer, avilir et annihiler le spectateur, le tout non sans ironie vu l’ampleur du film qui est définitivement un des blockbuster les plus intelligents de l’année.
Difficile quand on parle de films d’invasions extra-terrestres de ne pas penser aux chefs d’œuvre de Spielberg. Mais Nope n’a rien à leur envier, tant le film dégueule d’amour pour son genre et se situe quelque part entre Rencontre du Troisième Type et La Guerre des Mondes, en plus gore, avec quelques touches d’Hitchock, avec ça et là des références savamment dosées à la pop culture (dont une à Akira qui vous filera les poils).
Une très grande réussite et sans aucun doute le film de l’été !
Nope, de Jordan Peele – Sortie le 10 août 2022