Critique : Ninja Turtles Teenage Years

Les Tortues Ninja et le cinéma ne sont pas forcément une histoire d’amour. Trois films dans les années 90 ont tenté leur chance mais on ne retient vraiment que le premier volet de Steve Barron. Tout comme la sympathique mais vieillissante tentative animée par Kevin Munroe au début des années 2000 (avec Chris Evans en Casey Jones !).

A l’inverse, du coté de la télévision, les héros de Eastman & Laird n’ont connu pratiquement connu que des programmes de qualité. Omettons la tentative « live action » pour évoquer l’inévitable série devenue culte qui a fait le bonheur de Fr3 dans les années 80 mais aussi différents reboots tout aussi sympathiques, comme la série 2D de 2003 plus orientée action, la version CGI de 2021 (Booyakasha !) et même la fameuse série Rise Of dont certaines scènes sont le haut du panier de l’animation actuelle.

Tout cela pour dire que, même si on n’a jamais vraiment été en manque de Tortues (et encore moins au vu du remarquable travail éditoriel de Hi Comics en France), il a quand même fallu l’union magique de Jeff Rowe (Les Mitchells contre les Machines) et de Seth Rogen à l’écriture et à la prod pour livrer une version des Ninja Turtles toute aussi belle que jouissive.

Après une courte origin story, les Tortues version adolescentes finissent par sortir des égouts. Pour mieux croiser la route d’une jeune lycéenne amatrice d’infos et de reportages, April, et un gang de criminels en train de monter une armée de mutants. Sorties de leurs coquilles, les TMNT vont donc devoir, tout simplement, sauver New York.

Réalisé par Jeff Rowe, animé par les Français de Mikros, Ninja Turtles Teenage Years est la bombe visuelle vendue dans la bande-annonce. Poussé par Spider Verse et dans la lignée des Mitchells mais aussi du Chat Potté 2, le film s’inscrit dans la continuité de ses nouveaux artistes bien décidés à vouloir bousculer les lignes. Une nouvelle fois, les artworks d’innombrables talents prennent vie et l’univers des Tortues, mêlant à la fois le quotidien de New York et des créatures mutantes s’y prêtent parfaitement. Certes, le film a sa propre identité visuelle, sans chercher à ressembler aux auteurs de comics qui s’y sont succédé mais ça fonctionne. Rowe l’avait déjà prouvé avec son précédent long : son univers mêle à la fois création visuelle et rafraichissante folie.

L’apport de Seth Rogen permet au film de s’offrir un humour un peu trashouille inattendu pour l’univers. On n’est plus dans l’innocence de la série des années 80 mais bien dans un film moderne (jusque dans sa conclusion) qui, à travers ses mutants, parle d’inclusivité. Quelle est la place des Tortues, de Splinter ou même de Rocksteady dans notre société ? Enchainant les scènes d’action et offrant un triple climax à la James Cameron, les Tortues posent la question, tout en citant des œuvres pop culturelles comme l’Attaque des Titans.
L’autre bonne idée est d’en faire pour la première fois les adolescents de leur titre, non seulement en allant chercher un casting vocal très jeune mais en donnant aux personnages de vraies préoccupations de jeunes, quand les séries précédentes abandonnaient cette notion.

Si le film abandonne l’aspect japonais, et si les tortues sont un poil interchangeables (alors qu’on est tous « Team Leo », non ?), le reste est une belle réussite. Certes, le résultat n’est pas aussi impressionnant qu’un Across the Spider Verse mais par ici on a plutôt tendance à mettre la faute sur le matos d’origine plutôt que sur le boulot de Rowe, Rogen et les autres. Avouons le, les Tortues, ça a toujours été un peu moins bien que Superman ou Spider-Man.

Difficile de bouder son plaisir devant un nouveau banger, prêt à bousculer lui aussi les lignes de l’animation tout en donnant envie au spectateur de se ruer sur une pizza. En espérant qu’il inspire comme ses prédécesseurs lui ont servi de modèle.

Ninja Turtles Teenage Years, de Jeff Rowe – Sortie en salles le 9 août 2023