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Critique : Let Us Prey
Le Jameson Film Festival de Dublin s’est terminé il y a quelques jours.
Arkaron a pu y voir un dernier film, un long métrage horrifique ayant fait le tour des festivals de genre notamment Bruxelles en 2014. Let Us Prey affiche notamment à son casting le toujours très bon Liam Cunningham, vu notamment dans la série Game of Thrones dans le rôle de Davos.
On part pour les grandes plaines écossaises ?
LA CRITIQUE
Let Us Prey – pas de date de sortie en France
Réalisé par Brian O’Malley
Avec Liam Cunningham, Pollyanna McIntosh, Bryan Larkin
La première journée de travail de la policière Rachel Heggie dans une petite ville d’Écosse prend un tournant inattendu lorsqu’un homme mystérieux escorté à la station de police fait resurgir les secrets les plus sombres des prisonniers comme des policiers…
Les images puissantes captant la splendeur du paysage écossais, couplées à une atmosphère sonore envoutante, font du prologue de Let Us Prey une promesse qui ne sera jamais tenue. Pourtant, tout dans cette ouverture est réuni pour établir une approche du cinéma que chaque spectateur pourra rejeter ou embrasser en quelques secondes : le cadrage travaillé, soulignant la silhouette mystérieuse d’un homme inquiétant, et les peintures giallesques (jeux de couleurs, contrastes, imagerie lugubre et malsaine) créent un univers hypnotique dont certains amateurs d’horreur se délectent. Si tout le film avait suivi dans cette voie, il n’est pas impossible que Let Us Prey ait pu s’imposer comme un nouveau classique. Hélas, dès lors que la prépondérance du réalisateur s’efface au profit du script, l’ensemble ne met pas longtemps à s’effondrer.
Le plus gros problème du scénario, une fois celui-ci démarré, est qu’il se révèle être un assemblage d’idées déjà vues, et mieux mises en scène par le passé. Ainsi, le huit clos dans la station de police ne manquera pas de raviver le souvenir douloureux de The Traveler (2010) et celui, plus plaisant, de la mini-série La Tempête du Siècle de Stephen King. Les scènes se déroulant dans la prison du sous-sol rappellent quand à elles l’incroyable Maléfique d’Éric Valette, qui surclasse par ailleurs Let Us Prey à tous les niveaux.
La maladresse du script ici proposé tient surtout d’une volonté de s’appuyer sur un concept pseudo-religieux assez faiblard et permettant toute sorte de facilités d’écriture. Par conséquent, aussi impeccable et imposant Liam Cunnigham puisse-t-il être dans ce rôle, son personnage ne restera qu’un juge démoniaque et anonyme fort peu engageant, se contentant de dérouler des banalités morales invitant les autres personnages à expier leurs fautes. Or, non seulement cette problématique n’a pas grand impact, mais les personnages-fonctions du film répondent tous à des clichés grossiers, remplissant le cahier des charges de la compagnie des raclures humaines.
Jugez plutôt : la fliquette droite dans ses bottes, victime de pédophilie, doit confronter trois policiers adultères, meurtriers et fanatiques, tandis que les trois autres personnages enfermés en cellule sont un chauffard lâche, un intellectuel hypocrite battant sa femme, et un médecin tueur en série ! Tout ça dans un petit village écossais… dans la même nuit… au même endroit ! Ayant abandonné tout espoir de développement intelligent des personnages, on se tourne vers l’intrigue et ses péripéties, qui se révèlent hélas manquer d’ambition et de folie. Les quelques fusillades n’ont aucune inventivité, et les meurtres illustrés ne marqueront pas l’imaginaire.
En l’état, Let Us Prey aligne une poignée de giclées de sang et quelques jumpscares oubliables, et c’est tout. Alors que le concept et le décor étaient réunis pour offrir au public une virée horrifique insoutenable, explorant puis détruisant l’esprit de ses personnages dans des fantasmagories cauchemardesques. La capacité du personnage campé par Cunnigham à faire surgir des souvenirs de l’esprit de ses interlocuteurs aurait dû être exploitée pour contourner toute limite diégétique handicapante. Or, encore une fois, toutes les opportunités de la sorte sont avortées immanquablement, créant un sentiment frustrant d’inachevé qui ne s’envolera jamais.
Pourtant, O’Malley cadre et éclaire parfois ses scènes comme s’il envisageait d’installer un réel climat étouffant, décalant ses personnages pour laisser une place considérable aux autres éléments du décor, duquel pourrait à tout moment surgir une nouvelle vision. Hélas, sans surprise, cela n’arrive jamais, et le récit est inlassablement relancé par des échanges indigents qui n’apportent rien à l’atmosphère du métrage, inhibée par ses dialogues alors que la fabrication des plans fixes reste globalement agréable. Après un impressionnant court métrage tourné en Thaïlande, Crossing Salween, on pouvait raisonnablement attendre du jeune réalisateur irlandais qu’il insuffle une énergie enivrante à son œuvre. Malheureusement, les quelques fulgurances de l’acte final ne suffisent pas à satisfaire un manque profondément entériné par la première heure du film.
Si les images, et plus particulièrement le script, sont à blâmer ici, il faut reconnaître qu’un gros travail a été effectué sur le sound design et le score électronique qui, une fois n’est pas coutume, sauve quelque peu le film du naufrage total en assurant l’efficacité ponctuelle des jumpscares et en distillant des sonorités étranges tout au long du récit. Cette efficience s’évapore toutefois aussitôt la séance terminée, échappant de l’esprit des spectateurs (à l’instar du film lui-même).
Let Us Prey n’est pas effrayant. Il ne s’agit pas non plus d’un thriller atmosphérique hypnotique, ni encore d’un slasher ludique et inventif. Le film aurait pu être tout ça à la fois s’il s’en était donné les moyens, mais se contente de baigner dans un jus de médiocrité anecdotique. Gageons que Brian O’Malley s’investisse à l’avenir dans des scripts plus audacieux.