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Critique : Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3

En 2014, James Gunn réussissait un beau pari avec les Gardiens de la Galaxie, amenant sur grand écran avec succès des personnages totalement inconnus du grand public, tout en embrassant le ton Marvel Studios avec une plus grande pertinence que dans les autres films puisque cette fois, l’équipe mise en scène était composée de boulets, dysfonctionnels de base, hors-la-loi, et plus logiquement aptes à se mettre sur la tronche que des super-héros traditionnels.
Si le deuxième volet des Gardiens a globalement été moins bien accueilli que le premier, le public a gardé une vraie tendresse pour la bande de Star-Lord via leurs apparitions dans les films Avengers, et Gunn était sans doute l’un des rares réalisateurs dont on sentait la personnalité dans une production de cet univers. Après s’être fait viré par Disney pour une histoire de vieux tweets avant d’être rappelé avec les excuses de la direction, et avant de mettre les voiles pour chapeauter le renouveau des adaptations DC Comics chez la concurrence, Gunn termine ce qu’il a commencé avec ce qui est vendu comme son dernier film chez Marvel après 10 ans de bons et loyaux services, afin de clôturer sa trilogie des Gardiens, et de dire au revoir à des personnages pour lesquels il a toujours clamé son amour.

Pour toutes celles et ceux qui ont lâché le vaisseau amiral Marvel Studios, qui n’y comprennent plus rien à cette avalanche de films et désormais de séries, ou qui témoignent simplement d’une certaine lassitude vis-à-vis de tout ça : sonnez les trompettes et rassurez-vous !
Ce troisième volume des Gardiens de la galaxie est bel et bien un film autonome, qui raconte son histoire propre et dont la compréhension ne nécessite pas d’avoir vu toutes les dernières occurrences de Marvel. Alors certes, il y avait eu un Holiday Special des Gardiens sur Disney + pour Noël, mais il n’est pas obligatoire de l’avoir vu pour suivre ce film-ci, et même si Infinity War et Endgame sont passés par là après le deuxième opus, envoyant notamment notre équipe faire une apparition au début du dernier Thor pour finalement repartir seuls dans leurs coins, on est face à un récit contenu, qui ne tease absolument rien pour la suite, et qui ne propose pas de caméo ou de connexion avec d’autres récits en cours.
Un long-métrage avec un début, un milieu et une fin, qui à l’image de certains spectateurs parle de personnages usés, perdus et blasés par toutes ces péripéties récentes, qui vont devoir soudainement reprendre du service pour sauver leur camarade Rocket Racoon, kidnappé illico presto dès le début du film par un inconnu…

D’un côté, le film aligne naturellement les scènes au présent sur nos héros qui vont traverser bien des péripéties, et se mettre à dos de nouveaux ennemis, pour retrouver leur raton laveur préféré.
De l’autre, il met en parallèle toute une série de flashbacks (dès les premières images) sur les origines de ce drôle d’animal flingueur, pour montrer comment il est devenu anthropomorphe et doué de parole avec un tel caractère. Véritablement, Rocket Racoon est la colonne vertébrale du film, ce qui n’est pas pour déplaire à votre serviteur. De mon point de vue, quand on réfléchit à la décennie 2010, le fameux Rocket est très clairement l’un des plus beaux personnages numériques qu’on ait vu dans une telle production, avec un réalisme saisissant malgré sa nature loufoque, profitant à la fois de la gestuelle de Sean Gunn (le frère de James) et de la voix d’un Bradley Cooper à 400% pour dégager une personnalité assez dingue, devenant à son échelle une petite icône pop avec son pote Groot.
Par conséquent, voir un film dérouler le tapis à ce personnage est d’autant plus agréable que Gunn n’a pas fait les choses à moitié, et dévoile un passé à la fois sombre et bourré d’espoir, rejouant à sa sauce Freaks ou les jouets monstrueux du premier Toy Story dans une histoire d’expérience scientifique, de captivité et de maltraitance animale qui tour à tour révulse, fait rire et émeut.
Comme si Gunn, qui s’est sensibilisé à la cause animale au fil de la saga, misait toutes ses forces sur ce personnage-là, en sachant très bien que c’est celui que le public a le plus retenu, et qu’il représente le plus bel atout de cette saga.
L’occasion de lui offrir un arc complet sous forme de cadeau, pour mieux éclairer les zones d’ombres à son sujet et le faire évoluer autant que possible narrativement.
Cette partie, qui représente presque un film dans le film, vient avec un lot de protagonistes aussi déroutants qu’attachants, aux apparences d’abord repoussantes mais vite adorables, sur une balance narrative assez complexe, qui passe par l’horreur, la comédie ou le conte.
Tout y est fait avec grand soin, avec une épure narrative qui rassure sur la capacité d’une telle machine à prendre le temps pour raconter une histoire somme toute simple mais à la portée universelle, qui brasse pêle-mêle déterminisme, rapport au vivant, quête de soi, découverte de l’amitié, fin de l’innocence… Gunn y joue peut-être ce que Marvel Studios a fait de plus beau, confrontant l’enfantin à la dureté de l’humain, y trouvant quelque part l’étincelle Disney dans ce qu’elle a plus beau, et portant haut et fort tout le film qui l’entoure.

Manque de pot, cette dévotion totale pèse sur ses équipiers, pour qui on ne trouvera pas une telle attention à l’écriture, notamment avec le personnage de Star-Lord/Peter Quill qui était pourtant le centre des deux premiers films. Peut-être est-ce parce que son interprète Chris Pratt a quelque peu perdu en capital sympathie depuis tout ce temps, jouant souvent de la même manière et avec des choix de carrière malheureux, toujours est-il que son personnage traumatisé par la perte de Gamora (désormais remplacée par une version d’une dimension alternative, merci le multivers) va être on-ne-peut-plus lourdingue sur la question, le bonhomme revenant constamment à la charge avec cette femme qu’il ne connaît pas pour lui faire comprendre qu’ils étaient amoureux dans une autre vie et qu’il la pleure tous les jours. Difficile de voir si c’est une maladresse de Gunn ou un choix complètement conscient, mais le film y revient à plusieurs reprises tout en ayant de la peine à faire évoluer la situation, et cela ne joue pas en faveur du héros qui est assez malaisant, pour ne pas dire un peu toxique sur cette affaire, face à une femme qui n’en a ouvertement rien à cirer et tente tout du long de lui faire comprendre. L’idée de jouer le trauma de Quill est bonne, l’exécution laisse à désirer, surtout en période post-#MeToo, quand bien même le dernier tiers rattrape quelque peu le tir. À côté, Drax, Mantis, et Nebula rejouent une partition plus balisée avec leur sempiternelle rengaine d’équipe dysfonctionnelle, passant le film à se tirer la bourre et à se chamailler comme une bande de gamins qui peinent à grandir.

Ce trait de caractère amène son lot de dialogues rigolos, mais reste aussi un ressort narratif dont Gunn abuse, poussant nos personnages dans des situations risquées plusieurs fois à cause de leur manque de communication, et de leur relative connerie. Ça a toujours été une partie intégrante de la saga, mais il y a une certaine usure à voir qu’après tout ce temps et toutes ces aventures, ils sont restés bloqués au même point.

Quelque part, on ne change pas une équipe qui gagne, ni une formule qui marche, et James Gunn restant James Gunn, on retrouve ici pas mal de ses faiblesses. Dans les facilités du scénario, il y a notamment le fameux kidnapping de Rocket, qui sort de nulle part dans une intro assez brusque, le début du film étant bombardé pour mettre son histoire sur des rails.
Le film présente le personnage déjà teasé par le passé d’Adam Warlock, joué par Will Poulter, mais celui-ci aurait très bien pu être remplacé ou enlevé du film tant il est peu développé, ce qui risque de faire rager quelques fans des comic-books quand ils verront combien une telle figure de l’univers Marvel, l’une des plus puissantes à vrai dire, est reléguée au second plan, avec un rôle assez mécanique tel un passe-plat bon à enchaîner les deus ex machina. Dans le même genre, le grand méchant est lui aussi tenu à un rôle fonction, ce que ne manquera d’ailleurs pas un autre personnage de lui signaler, comme si Gunn était conscient qu’ils étaient de simples rouages du récit, restreints à leurs fonctions primaires.
Et quitte à s’attaquer aux gimmicks de Gunn, il faut bien avouer qu’une fois encore, il peine à retrouver la fluidité de la bande-son à la Tarantino qu’il met en place depuis le premier film, en remettant sous les projecteurs, et au sein de sa narration, des chansons du passé.

Les paroles des morceaux collent à ce qui se passe et il les met plus en moins en valeur, donnant notamment lieu au fameux « cool shot » avec toute l’équipe marchant au ralenti vers la caméra sur un énième hymne rock, mais cela sonne moins frais qu’auparavant, plus attendu là encore, peut-être aussi parce qu’il utilise des titres connus.

Quitte à en finir avec les défauts, il faut aussi parler du rapport de puissance des personnages, qui n’a à peu près aucun sens dans le récit, montrant par exemple Groot se faire éclater le crâne à travers plusieurs décors pour ressortir avec la tête intacte, ou alors plusieurs personnages surpuissants qui parfois, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi, se font soudain avoir comme des bleus ou inversement, au bon gré des besoins scénaristiques de l’instant. Une tare assez fréquente dans les films de super-héros, qui a encore de beaux jours devant elle.
Et si James Gunn est donc loin du sans-faute et réitère avec certains gimmicks faciles venant de lui, il a aussi des qualités qui rejaillissent bien plus que dans le second épisode.
Tout d’abord, il semble porter un intérêt très personnel à son film, autrement plus que le restant des productions Marvel, et cela se sent à tous les niveaux.
Dans la partie sur Rocket dont on a déjà parlé, qui est on le répète une réussite éclatante, mais aussi dans le simple fait que ce troisième Gardiens est une production ultra léchée, sans aucun incident visuel à l’écran comme des effets spéciaux pas finis ou autre, qui ont gangrénés les films récents de la Maison aux Idées.
Oui, nous sommes face à un blockbuster à 250 millions de dollars et ça se voit !
Tel un gamin foufou dans un magasin de jouets, Gunn renoue avec l’imaginaire délirant des comics et le pousse encore plus loin, notamment sur une planète organique toute de chair vêtue, où il en profite pour rendre un hommage coloré à 2001 L’Odyssée de l’Espace au détour d’une sortie spatiale. On a aussi le droit à une visite sur une copie de la planète terre avec une banlieue pavillonnaire peuplée d’extra-terrestres étranges, ou à des designs d’adversaires complètement cyberpunk et over-the-top, qui semblent tout droit sortis des pages de Metal Hurlant ou d’un comic-book psychédélique.
Bien plus que sur les précédents, qui étaient déjà bien garnis en la matière, Gunn s’en est donné à cœur joie avec ses équipes créatives et a rempli son film de créatures étranges, de décors farfelus et d’éléments SF. À ce petit jeu, il a d’ailleurs décroché un record avec le plus grand nombre de maquillages prosthétiques sur un plateau de cinéma, dépassant Le Grinch de Ron Howard avec Jim Carrey, et témoigne d’une envie de garder beaucoup d’effets pratiques même si le film dégueule d’images de synthèse. D’ailleurs, il est impressionnant de voir à quel point il y en a partout, tout le temps, le film ayant dû être un bel enfer en post-production, mais au moins ils sont finis et propres, ce qui était devenu un luxe chez Marvel, et il y a fort à parier que cela vient aussi de l’expérience de Gunn au fil des années, sachant qu’il storyboarde lui-même tous ses films, et qu’il s’implique même dans les scènes d’action, ce qui est de plus en plus rares pour les réalisateurs du MCU.

Le résultat s’avère être un vrai bonbon pour tous les amateurs de space fantasy, de science-fiction et d’images farfelues, d’autant que Gunn semble en avoir profité pour renouer avec ses origines dans le cinéma bis chez Troma, jouant des coudes autant que possible pour offrir des affrontements violents et quelques images étonnement graphiques, en poussant les limites de la classification PG-13 jusque dans ses derniers retranchements. Oui, certaines ennemis des Gardiens sont ouvertement difformes et dégoutants, et ils en profitent d’ailleurs pour les taillader parfois méchamment, notamment au détour d’un super plan séquence qui joue à fond la carte du team-up, et qui déroule un ballet de coups, de corps tranchés, de démembrements et de balles tirées avec un dynamisme d’autant plus réjouissant que Gunn en profite pour mettre en valeur certains personnages dans des poses héroïques semblant là encore extraites des pages d’une bande dessinée.

Le réalisateur a d’ailleurs clamé son amour durant la promotion du film pour le cinéaste coréen Jeong Byeong-gil, auteur de The Villainess et de Carter. Après s’être fait plagier une scène dans John Wick 3, ce taré asiatique de la caméra continue d’influencer le cinéma hollywoodien, et c’est plutôt une bonne nouvelle.
Pour achever la liste des éléments réjouissants à l’écran, Gunn semble s’être aussi rappelé que dans Gardiens de la galaxie, il y a le mot galaxie, et le film ne lésine pas sur les visions spatiales, les vaisseaux en tout genre et même une chouette scène de dog-fight dans les étoiles, et bref, tout ça fait de ce troisième volet un véritable film de science-fiction, qui dégouline d’amour pour le genre et ses excentricités, mettant ses énormes moyens au service d’un imaginaire bigarré, coloré et bardé de détails amusants, qui en feront un véritable plaisir pour tout amateur d’imaginaire débridé.

Clairement, ce dernier Gardiens de la galaxie clôt quelque chose, certes un peu maladroitement (la fin tombe étonnement comme un cheveu sur la soupe), mais Gunn n’a pas menti sur son projet de trilogie, essaie autant quee possible d’amener chaque arc de chaque personnage à une conclusion, et finalement, au-delà des chansons rock, des blagues un peu débiles et de l’avalanche de visuels chatoyants, ce qui ressort le plus, c’est l’attachement du réalisateur pour cette bande de bras cassés. À mesure que la fin approche, ils ont tous un moment où ils sont mis en valeur, avec une sincérité qu’on ne voit pas dans les autres occurrences de cette méga-franchise, un mélange de tendresse et de candeur qui élève définitivement les Gardiens de la Galaxie au-dessus des autres franchises Marvel, tout simplement parce qu’il y a ici un supplément d’âme, un cinéaste pour qui c’est important, qui se soucie de ses personnages, parfois de façon un peu gauche, mais toujours avec une grande honnêteté, avec des acteurs visiblement tous heureux d’être là et de se donner la réplique une dernière fois, leur sens de la camaraderie étant tangible à l’écran, d’autant plus quand on sait qu’ils se sont tous mobilisés lors du renvoi de James Gunn pour convaincre Disney de le reprendre.

Tant pis si certains canevas narratifs sont trop fonctionnels, cela n’empêche pas les 2h30 de passer toutes seules, et de faire de ce troisième volume une belle réussite, un long-métrage qu’on aura envie de revoir parce qu’il porte un cœur qui bat la chamade à toute vitesse, sans se soucier une seconde de ce qu’il y a autour et après.
Bien plus qu’une énième production de Kevin Feige, les Gardiens de la Galaxie Volume 3 est bel et bien un film de James Gunn, à qui on a laissé les plein pouvoirs pour faire son baroud d’honneur, tirant complètement profit de l’énorme budget alloué pour offrir un spectacle haut en couleurs et fabriqué avec soin, avec bien plus d’humilité et de rigueur que sur le second film.

Et tout ça est au service de personnages qui lui sont très proches, pour qui il témoigne d’un dévouement total, comme si bien au-delà de la marque, de la phase 5 de Marvel et des énormes implications marketing de ce blockbuster, il n’y avait finalement qu’eux qui comptent.

Ça peut paraître bête dit comme ça, mais ça fait toute la différence.

Les Gardiens de la Galaxie, de James Gunn – Sortie en salles le 3 mai 2023

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