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Critique : Le Magasin des Suicides
Après avoir été montré à Cannes puis en ouverture du Festival du Film d’Animation d’Annecy et lors d’une série d’avant-premières à travers la France, le Magasin des Suicides arrive dans les salles. Mais avec toutes ces diffusions avant l’heure, peut-être l’avez vous déjà vu ?
Si ce n’est pas le cas, voici notre critique rédigée cette fois par le jeune Nox, également rédacteur chez PixAgain.
C’est sa première fois, soyez donc indulgents…
Patrice Leconte n’est pas le réalisateur le plus révolutionnaire du cinéma français, plutôt même enclin depuis quelques années à vouloir suivre le public plutôt qu’à le prendre à revers. Choix résultant à une suite de films sans vraies saveurs. Alors quand il se lance dans un film d’animation, que le récit de base écris par Jean Teulé sort lui même des sentiers battus, tout de suite les choses sembler aller pour le mieux.
Dans cette ville morne et sans joie existe un magasin haut en couleurs respirant la joie de la réussite, celle de la mort, Le Magasin des suicides. Fondé par la maison Tuvache, il apporte paix et repos dans le cœur de ses clients, et ce, à l’aide d’une corde, d’un pistolet ou d’un parfum selon les gouts. Oui, le magasin est bien là pour apporter la mort, après tout il l’arbore fièrement par son slogan : « Vous avez raté votre vie, réussissez votre mort… ». Jusqu’au jour où au sein de cette famille délirante nait le petit Alan, lui aussi sortant du lot, et cela à cause de son sourire.
De là, démarre le récit, simple, naïf et prévisible. De toutes manières Patrice Leconte n’a jamais la prétention, et là est le problème, de dépasser le quelconque plot narratif lambda. Là où l’on trouve dans Les Enfants Loups une véritable profondeur, une accessibilité aux enfant mais aussi un véritable réflexion humaine en arrière-plan, Le Magasin des Suicides se contente simplement d’imbriquer les codes classiques du conte qui en font d’un coté, un récit foncièrement banal, mais d’un autre d’une efficacité et d’un rythme soutenu. Si l’on s’en tient à cette consigne, Patrice Leconte réussit sans mal à nous accrocher tout au long de son récit, nous invitant avec la voix de Charles Trenet à nous introduire dans cette vie devenue sordide et inhumaine. La famille Tuvache suit sans surprise le chemin du regret, en passant avant par d’autres extrêmes, car pour eux, le suicide est interdit. Qui aiderait alors leurs clientèle ?

Mais voilà, il y a réussite et échec, et si Patrice Leconte prend l’initiative sur des sujets inexistants dans le roman, en faisant preuve d’une fascination pure et sincère, mettant notamment en scène les jeunes souriant et la sœur d’Alan, il y a aussi cette fin. Fin dont la seule existence est preuve d’un non-sens total. A l’opposé de celle écrite par Jean Teulé, elle ne peut s’expliquer que par la volonté d’en faire un film grand public, car si elle en réjouira surement certains, sur le coup elle pourra paraitre habile. Mais avec du recul, c’est une sensation d’incompréhension qui s’immisce. Elle ne s’explique pas, elle parait même irréelle et trop décalé pour porter le moindre sens, surtout quand Patrice Leconte se permet en plus, par la mort, d’y insuffler une morale à deux balles expédiée en moins de deux.
Pourquoi alors?
La fin originale n’a jamais été gardée nulle part dans les différentes adaptations du roman, trop radicale, se finissant sur la mort du jeune Alan, évènement forcément à bannir de tout récit se voulant accessible à un jeune public.
De trop grande liberté? C’est sans doute le cas. Un réalisateur passant de la prise de vue réelle à l’animation se sent souvent pousser des ailes, se permettant ainsi de nombreuse choses qui aurait put paraitre impossible à réaliser en temps normal. Cette liberté mène souvent à l’excès d’effet en tout genre, qui malgré une bonne volonté provoque plus souvent une certaine répulsion, plutôt qu’une attirance, sentiment qui nous englobe alors.

Et pourtant, Le Magasin des Suicides est bien loin d’être un film d’animation grotesque et dont la technique pourrait paraitre être celle d’un projet d’étude. Si les défauts en terme de choix narratif son bien présents, en excluant la fin, le film peut se targuer d’une réalisation impeccable artistiquement parlant. N’hésitant pas une seule seconde à oser bien plus de choses que certains réalisateurs plus habitués, sans doute grâce à ce nouveau regard s’approchant du terrain inconnu de l’animation, le réalisateur offre de véritables effets de style hors normes qui ressortent du film. S’amusant à mélanger magie de l’animation traditionnelle par le biais de test de Rorschach ou de représentations bicolores, Patrice Leconte tape précisément là où le spectateur ne l’attend pas en terme de mise en scène.
On regrettera de nouveau que cette précaution offerte à l’animation n’ait pas été la même avec l’autre partie complémentaire du film, celle de la musicalité. S’il travaille de nouveau ici avec Etienne Perruchon, les deux bonhommes se concentrent trop sur les paroles avant de se préoccuper de leurs sonorités dans le récit. Source de cohues sonores à de nombreuses reprises, cet incompréhension qui découle de certains passages n’est pas foncièrement dérangeante, mais nous empêche tout de même de profiter entièrement de leurs travail.
Malgré tout ses défauts, c’est tout de même avec surprise que l’on voyage à travers Le Magasin des Suicides, dont la seule souffrance est le manque d’ambition de son propre réalisateur.
Le Magasin de Suicides – Sortie le 26 septembre 2012
Réalisé par Patrice Leconte
Avec Bernard Alane, Isabelle Spade, Kacey Mottet Klein
Imaginez une ville où les gens n’ont plus goût à rien, au point que la boutique la plus florissante est celle où on vend poisons et cordes pour se pendre. Mais la patronne vient d’accoucher d’un enfant qui est la joie de vivre incarnée. Au magasin des suicides, le ver est dans le fruit…