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Critique : Hunger Games L’Embrasement
Dans la série de franchises cherchant à renouveler le succès de sagas pour adolescents comme Twilight ou Harry Potter, Hunger Games se pose en successeur potentiel.
Le premier volet des aventures de Katniss, non content d’avoir eu son lot de très jeunes spectatrices hurlantes, avait connu un franc succès au box office sans doute à cause de ses (quelques) qualités et de ses têtes d’affiche. Le deuxième volet arrive donc tout logiquement dans les salles en attendant l’adaptation du tome 3, La Révolte, prévu pour 2014 et 2015.
Y a-t-il de quoi s’enflammer pour ces nouveaux Hunger Games ?
« Puisse le sort vous être favorable ». Tel était le slogan du premier Hunger Games et il s’avérait prémonitoire vu le succès du film, en particulier aux Etats-Unis où il a enregistré presque deux tiers de ces recettes. Avec un budget doublé et un public maintenant chauffé à bloc, la suite des adaptations des romans de Suzanne Collins n’avait plus qu’à marcher tranquillement sur le tapis rouge déjà levé pour elle, afin d’amener tranquillement l’adaptation en deux parties du troisième et dernier chapitre. Remplaçant Gary Ross pour le faiseur Francis Lawrence (Constantine, Je suis une Légende), cet Embrasement arrive-t-il cependant à gommer les défauts du précédent, en donnant enfin la dureté nécessaire à l’univers ?

Même si les livres, et donc par défaut les films, parlent d’un univers qui renvoie aux dérives de la télé-réalité et d’un système détraqué, nous avons tout de même à faire à une entreprise dont le but est de satisfaire son large public. Et pour ça, les gérants de Lionsgate se sont dits qu’il fallait jouer la sécurité, et de prendre exemple sur la méthode Warner pour les derniers Harry Potter. Le dernier film sera coupé en deux donc, et pour ne pas se prendre les foudres des lecteurs, les bougres suivent le texte à la ligne. Évidemment il y a quelques changements mais globalement, L’Embrasement sent l’adaptation sage à plein nez, tant dans sa structure ultra linéaire que dans certaines scènes inutiles au récit mais dont la présence sert uniquement à satisfaire les fans de la première heure.
Ce choix a les défauts de ses qualités : c’est la prise de risque zéro, et Francis Lawrence se contente d’illustrer la chose sans jamais la triturer un peu trop de peur de sortir un produit purement cinématographique façon Peter Jackson. Cette méthode quasi scolaire marche cependant pour la première partie qui comble le manque du premier film, en venant pendant une bonne heure tourner autour des conséquences des Hunger Games auxquels ont survécus Katniss & Peeta.
Cela donne d’emblée de l’épaisseur à l’univers et au mouvement en train de se créer autour des vainqueurs, certaines scènes avançant très bien des éléments complètement mis de côté précédemment, comme l’amour simulé de Katniss pour son partenaire, qu’ils sont obligés de continuer à jouer devant les caméras maintenant que le monde entier les envient.
Entre ça, la révolte qui gronde ou les coulisses du Capitole qui cherche à étouffer l’affaire, cette première partie donne du grain à moudre à la dramaturgie, assoit l’absurdité et la cruauté du monde de Panem en faisant preuve d’une profondeur toute relative mais bienvenue dans le monde des teen movies. Tout est évidemment explicité à l’extrême parce qu’on s’adresse à des ados et qu’ils ne peuvent visiblement pas tout comprendre si ce n’est dit et répété, mais bon, on est déjà à mille lieux de la concurrence et ce didactisme est le prix à payer quand bien même cela alourdit l’œuvre inutilement.
Lorsque le Capitole réenclenche sa mécanique infernale, plongeant les héros dans un nouveau cauchemar sanguinaire, le film prend alors une tournure plus blockbuster, avec avalanche de péripéties et autres. Cela faisait tâche dans le premier film avec un réalisateur qui préférait secouer sa caméra et regarder ailleurs pour évacuer toute violence dans un jeu basé sur le meurtre d’autrui. Ça n’est malheureusement pas beaucoup mieux ici même si Francis Lawrence arrive à maintenant une certaine rigueur dans son cadre et filme un peu plus ce qu’il se passe. Malheureusement, une fois encore, ces « jeux de la faim » portent mal leur nom tant tout va à 300 à l’heure. Tandis que le film est censé évoluer sur le terrain du survival, avec des personnages qui galèrent pour trouver de quoi boire ou manger dans un environnement hostile, ils n’ont en réalité pas le temps de s’arrêter puisqu’il se passe un évènement toutes les trois minutes. Pire encore, le sentiment d’insécurité est évacué par l’absence de solitude. C’est l’un des problèmes de ce second film par rapport à ce qui va arriver ensuite : même si ces jeux sont « différents » et cachent quelque chose, le personnage de Katniss évolue en équipe sans même qu’on comprenne pourquoi. Quand les enjeux se dessinent assez clairement, elle reste crédule face à la situation avec un sacré retard sur le spectateur.

C’est là où on sent aussi la volonté de faire rentrer tout le bouquin dans un seul film : concrètement ces jeux sont assez longs, avec au moins une heure au compteur, et ils s’y passent tant de choses sans que rien ne se pose, sans laisser les personnages face à leurs dilemmes plus de 30 secondes avant de leur renvoyer un obstacle. Un vrai déséquilibre qui atténue la force de certains passages pourtant malins, l’imaginaire de Suzanne Collins tentant de donner dans l’épreuve physique ou psychologique, ce qui n’est pas un mal. Pépère, Francis Lawrence filme ça sans génie, proprement, avec une photographie assez propre durant les passages de nuits, malgré quelques séquences vaguement lisibles. L’absence de ressenti pour le danger et la difficulté sont handicapantes et empêchent le film de monter en puissance, alors même que le final se rêve en cliffhanger haletant.
Bâclé en 3 minutes top chrono, cette supposée apothéose tombe comme un gigantesque cheveu sur la soupe et ressemble à un twist mercantile à but uniquement financier, là où il est supposé être la suite logique du scénario annonçant de grandes choses. Preuve s’il en est de l’incapacité du script à faire monter la sauce, cette fin « choc » se révèle finalement à l’image de l’œuvre : la matière est là pour que ça marche, mais c’est toujours beaucoup trop sage…
Non content d’avoir une structure identique au premier épisode, ce nouvel Hunger Games tente l’adage de la suite Bigger & Louder en reprenant les défauts du précédent. Du coup, si l’exposition et l’univers s’avèrent évocateurs et portent les gemmes d’une histoire fédératrice et subversive, la deuxième partie supposée violente et dure peine à montrer le calvaire des personnages ou à faire monter la tension. Illustration docile par Hollywood d’un récit qui ne demande qu’à exploser, l’ensemble n’est jamais éprouvant et finit retomber comme un soufflet, ce qui est un comble pour une œuvre appelée « L’Embrasement »
Hunger Games L’Embrasement – Sortie le 27 novembre 2013
Réalisé par Francis Lawrence
Avec Jennifer Lawrence, Liam Hemsworth, Josh Hutcherson
Katniss Everdeen est rentrée chez elle saine et sauve après avoir remporté la 74e édition des Hunger Games avec son partenaire Peeta Mellark.
Puisqu’ils ont gagné, ils sont obligés de laisser une fois de plus leur famille et leurs amis pour partir faire la Tournée de la victoire dans tous les districts. Au fil de son voyage, Katniss sent que la révolte gronde, mais le Capitole exerce toujours un contrôle absolu sur les districts tandis que le Président Snow prépare la 75e édition des Hunger Games, les Jeux de l’Expiation – une compétition qui pourrait changer Panem à jamais…
6 Comments
par Lapuyv
Malheureusement beaucoup de passages, qui m’ont semblé important dans le livre, sont oubliés dans le film. Il appuie beaucoup plus sur les histoires d’amour de Katniss, ce qui en fait plus un film pour midinette.
par Olivier
Votre citique détonne parmi l’avis général, qui est plutôt bon, je fais allusion à Rotten Tomatoes ou Metacritic
par Xidius
Attention, on ne dit pas que c’est nul, juste que ça n’arrive pas à exploiter son plein potentiel.
Et les américains ont tendance à s’extasier rapidement… (On rappelle les critiques US qui voyaient en Dark Knight Rises le nouveau Parrain…)
par popasian
Un film sans prise de risques, docile… ?!
Il faut replacer le film dans son contexte, c’est un film tiré d’un livre Young Adult, donc destiné à un public assez jeune. Il est impossible donc de voir ce film devenir une sorte de Battle Royale. De toute façon le propos du livre, donc du film n’est pas là. Si le livre se nomme Hunger Games, ca n’est pas en raison du « jeu » à proprement parlé, mais des conséquences qu’il a sur les Districts (si vous êtes dans un District pauvre, et que vous voulez avoir de la farine et autres vivres pour passer l’hiver, il vous faut déposer plusieurs papiers avec votre nom dessus pour les Jeux, et donc en conséquence avoir plus de (mal)chances d’être tiré au sort).
Comparé au premier, ce second volet est bel et bien plus violent. Alors, oui, on ne nous montre pas du sang en veux tu en voilà, mais la violence se fait plus psychologique.
De plus rappelons (avez vous lu le livre ?!) que le temps passé dans l’arène dans le livre est aussi court que celui du film. Donc si cela va vite dans le film, c’est parce que cela va aussi vite dans le récit littéraire. Ca ne semble plutôt logique :)
De plus la prise de risque du film, a bel et bien été de ne pas trop rallonger le temps passé dans l’arène et de bien montrer les conséquences des actes de Katniss après ses premier jeux. On est revient au psychologique, mais c’est vraiment le plus intéressant à mon avis.
Quand aux relations amoureuses du film, c’est loin d’être l’action principale du récit. Mais inévitablement ça en fait partie, car ça fait aussi part de l’évolution de Katniss et permet d’expliquer les futurs actions des prochains films (il ne sera pas question pour Katniss de choisir entre deux hommes, mais plus de faire un choix quand à la façon dont elle veut vivre.)
Quand à Katniss qui ne voit pas ce qui est sous ses yeux, aka qui ne voit pas la manipulation dont elle est l’oeuvre, c’est tout le récit de la trilogie que vous n’avez donc pas compris. Puisque que le récit du livre est à la première personne (ouf le film évite une voix off !), il semble juste que le film soit dans cette continuité.
Une critique qui ne prend pas en compte l’aspect global de l’oeuvre et du contexte. C’est dommage car c’est très bien écrit. Mais il y a un moment où il faut arrêter de taper sur Hollywood et ses franchises, car ça ne changera rien (surtout quand on voit que HG est une véritable satire politique et culturel sur notre société !).
par Marc
@PopAsian > deux petits points :
– Comme d’hab, pas besoin d’avoir lu un livre pour juger le film en tant que tel. Le film est censé pouvoir se comprendre seul.
– On ne parle pas forcément de rendre le film plus violent mais d’être plus couillu, avec une réalisation plus originale par exemple, des efforts de mise en scène (pense au Prisonnier d’Azkaban, le travail visuel de Cuaron sur le film en fait le plus couillu de la saga)
par Em
Je vous trouve très dur(e) dans votre critique….Avez vous pris en compte l’aspect global de l’œuvre ?
Je suis d’accord avec @popasian