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Critique : Downsizing
Quatre ans après Nebraska, tourné en noir et blanc et pour lequel Bruce Dern avait remporté le Prix d’Interprétation à Cannes, Alexander Payne revient avec Downsizing.
Cette fois, le réalisateur s’est entouré de Matt Damon, Kristen Wiig, Christoph Waltz, Jason Sudeikis ou encore Hong Chau, nommée aux derniers Golden Globes. Est-ce que Downsizing est un grand film dans la carrière du réalisateur ?
LA CRITIQUE
Grand nom de la comédie dramatique indé US, Alexander Payne nous a habitué à son style simple en apparence mais particulièrement pointu quand il s’agit de décortiquer les faiblesses de l’humain, avec des personnages souvent en pleine crise existentielle qui débordent de beauté précisément pour les mêmes raisons. En cela, Downsizing ne semble pas différer de ses précédents films, malgré une forme plus ambitieuse à grand renfort d’effets spéciaux à tout va, puisqu’ici Matt Damon rejoint une nouvelle frange de la population qui vit à une échelle minuscule… Mais qu’importe la taille de l’humain, les problèmes ne sont-ils pas les mêmes ?
Suite à la découverte miracle d’un scientifique, d’énormes centres ouvrent à travers le monde pour offrir aux gens qui le souhaitent de vivre à moindre taille et à moindre coût, puisque si vous devenez tout petit, n’importe quel élément de votre environnement l’est aussi, et coûte en théorie moins cher. Vous prenez moins de place, consommez moins d’électricité et d’eau, produisez moins de déchets, bref vous êtes un citoyen plus écolo que jamais, et la planète vous dit merci.
Enfin tout ça n’est qu’un prétexte en apparence puisque les gens qui adhèrent au programme s’achètent avant tout un bien meilleur confort de vie puisqu’ils peuvent prétendre à plus.
C’est le pari que va tenter le couple formé par Matt Damon et Kristen Wiig, dont le mariage ronflant et le train de vie bien installé ne demandent qu’un coup de boost…
Jamais le dernier pour rire des fêlures de l’humanité, et de l’hypocrisie qui la caractérise souvent contre son propre insu, Alexander Payne avait ce Downsizing en projet depuis très longtemps et quand on voit les thèmes abordés d’emblée par le film, il n’y a rien de surprenant à cela.
Dans son exposition somme toute très ludique, le réalisateur dézingue l’American Way of Life dans un système où l’on vous vend une vie plus saine et écologique mais où vous pourrez être en réalité de plus gros consommateurs. Le cynisme du monde moderne règne, et le personnage un peu simplet de Matt Damon va se retrouver observateur d’une société plus délurée que jamais, où chacun scande sa bienveillance prétendue et revendique un bonheur préfabriqué.
Comme l’humanité n’est jamais ce qu’elle semble être, le film opère un virage assez surprenant en cours de route pour creuser aussi bien son univers que sa thématique, en allant au-delà de la façade publicitaire de cette société microscopique pour mieux en montrer les rouages profonds et les réelles conséquences de tout cela.
En chemin, le film dépasse d’ailleurs la simple comédie satirique et embrasse des genres auxquels on ne s’attend pas forcément, et que nous ne révélerons évidemment pas pour garder la surprise.
Toujours est-il que Payne creuse sa thématique en la mettant presque de côté, pour garder en ligne de mire ce cobaye qui le fascine tant : l’humain. Au fur et à mesure, Downsizing tire un portrait curieux du monde contemporain dans sa globalité, des nombreux paradoxes qui le caractérise et de la grande énigme qu’il constitue pour lui-même. Le film tire un peu trop sur la corde et diverge sur la durée, au point qu’on aurait aimé en voir plus sur le fonctionnement de l’univers miniature, mais il assume chacun de ses choix même les plus curieux, et parvient à se renouveler en suivant son héros dans ses mésaventures loufoques, amenant au passage des seconds rôles savoureux, notamment l’actrice Hong Chau qui vole le film le temps d’une scène mémorable face caméra.
Et le résultat, parfois imprévisible, souvent drôle et même quelque peu émouvant, ne manque jamais de faire mouche quant aux angoisses de son temps.
Downsizing, d’Alexander Payne – Sortie le 10 janvier 2018
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