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Critique : Contagion

Il avait annoncé à un moment de sa carrière arrêter la mise en scène. En réalité Steven Soderbergh multiplie les projets. On l’attend dans Haywire et ses deux dernières réalisations n’ont que deux petites années (Girlfriend Experience en juillet 2009 puis The Informant deux mois plus tard).

Et arrive Contagion sur les écrans ce 9 novembre.
A une époque où on nous incite plus que fortement à vivre sainement, à bien se protéger et à se laver les mains autant de fois qu’il est possible.

Critique garantie sans virus connu.

 

Contagion – Sortie le 9 novembre 2011
Réalisé par Steven Soderbergh
Avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne
Une pandémie dévastatrice explose à l’échelle du globe… Au Centre de Prévention et de Contrôle des Maladies, des équipes se mobilisent pour tenter de décrypter le génome du mystérieux virus, qui ne cesse de muter. Le Sous-Directeur Cheever, confronté à un vent de panique collective, est obligé d’exposer la vie d’une jeune et courageuse doctoresse. Tandis que les grands groupes pharmaceutiques se livrent une bataille acharnée pour la mise au point d’un vaccin, le Dr. Leonora Orantes, de l’OMS, s’efforce de remonter aux sources du fléau. Les cas mortels se multiplient, jusqu’à mettre en péril les fondements de la société, et un blogueur militant suscite une panique aussi dangereuse que le virus en déclarant qu’on « cache la vérité » à la population…

 

Vache folle, Grippe aviaire, espagnole, H1N1… Impossible de ne pas connaître ces appellations et de savoir de quoi il en retourne à moins d’avoir vécu dans une grotte durant 10 ans.
Chaque fois, c’est la même danse : un cas, puis plusieurs, une contamination rapide et à grande échelle, il n’en faut pas moins pour les grandes autorités nationales et internationales qui se lancent rapidement dans des campagnes de prévention massives, usant tous les médias possibles afin de mettre en garde la population face à des concombres ravageurs et à des viandes tueuses.
Mais une contamination d’ordre planétaire, comment ça marche ? C’est exactement ce à quoi va répondre Steven Soderbergh dans son nouveau film Contagion.

S’il est inutile de présenter le bonhomme, cela n’empêche pas de saluer son parcours éclectique, faisant preuve d’une richesse et d’une curiosité incroyable. Enchaînant les genres et les sujets à une vitesse folle, le père Soderbergh semblerait presque s’être dégouté tout seul du cinéma puisqu’il compte mettre fin à sa carrière d’ici quelques films. L’occasion de voir si Contagion compile déjà tout son cinéma, comme une œuvre somme ? Pas forcément, la grande variété de ces œuvres étant finalement assez difficile à résumer en un seul film, mais cela n’empêche pas de faire un lien avec un autre de ces longs-métrages, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Traffic.
Décortiquant le fonctionnement et les multiples problématiques entourant la frontière mexicaine avec tout ce que ça implique comme questions éthiques et j’en passe, le 11ème film de Soderbergh est en effet à rapprocher de son 25ème tant le fonctionnement des deux est similaire.
Qu’on se le dise : Contagion est un film extrêmement froid, à l’approche clinique.
Malgré ses allures de film choral impliquant un grand nombre de personnages, ce qui généralement sous entendrait un drame poignant, le film va aborder le problème du virus par une approche frontale, assez technique par certains aspects, et dont le didactisme ne manque pas d’être étonnamment ludique par instant. Suite à une nouvelle forme de maladie comme toujours dangereuse et fortement inquiétante vu sa capacité d’expansion express, le film va suivre l’évolution de ce mal de par le monde en s’intéressant à la manière qu’ont les instances de santé et de sécurité mondiales pour faire face au problème.

Construit presque comme un mode d’emploi (la maladie est déjà présente au début du film, ménageant ainsi le mystère autour de ses origines), Contagion part de la première personne contaminée et suit l’expansion de cette fièvre mystérieuse, amenant au fur et à mesure les acteurs centraux tels que l’organisation mondiale de la santé pour voir comment un tel phénomène est contrôlé tant que possible. D’une précision chirurgicale dans sa façon d’aborder la chose, Soderbergh use de la dynamique de son récit pour suivre chaque niveau de la hiérarchie mondiale afin de voir comment chacun agit à son échelle, à sa manière et dans des domaines finalement différents.

Allant du bloggeur freelance convaincu par la théorie du complot et du « on ne vous dit pas tout » au jeune père se retrouvant tout à coup seule avec sa fille dans une ville tombée dans le chaos suite à la dite maladie, l’histoire englobe tout ce qu’elle peut et est servie par un cinéaste en pleine possession de ses moyens, et usant à merveille de ces échelles de plans diamétralement opposés et de sa photographie désaturée pour plonger le spectateur en pleine bataille bactériologique.
Aidé par la bande son éléctro de Cliff Martinez, le compositeur de Drive qui signe ici un score dont les rythmiques strictes donneraient presque l’impression d’entendre la propagation de l’infection, Soderbergh parachève son film sur un constat étonnamment logique.

En effet, on pouvait attendre de Contagion un drame humain poignant et stressant, ce qui n’est absolument pas le cas. Quand bien même le personnage de Matt Damon est censé être le centre d’identification pour mieux amener l’émotion, le tout s’avère si glacial qu’on a bien du mal à se prendre d’affection pour quiconque dans cette histoire au ton mortuaire. La gestion des personnages n’y change rien, le métrage passant la plupart du temps à gérer les problèmes administratifs et logistiques malgré quelques retours à l’être humain, mais dont l’effet est tout autre. La réussite de Contagion, en plus d’être d’une grande crédibilité, est surtout de se mettre tellement en immersion dans son contexte qu’il en devient complètement anxiogène.
Plongé dans cet univers de plus en plus rongé, le spectateur se prend au jeu et ne pense plus de manière affective, mais de manière pratique et mécanique. Comment éviter la maladie, comment s’en protéger, et comment gérer si cette dernière vient à nous ?
Au travers de ces personnages, le film use non pas de la corde sensible mais profite pleinement du potentiel paranoïaque offert par son sujet pour nous noyer petit à petit dans son cauchemar, y compris quand nous n’en sommes pas conscient. Car si sur le coup, Contagion dérange quelque peu, son effet s’avère croissant et demeure encore une fois sorti de la salle.
Ce qui, mine de rien, prouve que Soderbergh est toujours en pleine possession de ses moyens.

Film d’une apparente complexité et dont l’atmosphère à couper au couteau prive toute approche émotionnelle, Contagion est à l’image du phénomène qu’il dépeint : un petit quelque chose grouillant et grandissant que rien n’arrête, amenant jusqu’à l’étouffement.
Malgré certains éléments scénaristiques dont on cherche encore l’intérêt (Marion Cotillard, plus que jamais inutile…), le dernier Soderbergh est une expérience angoissante qui ne manque pas de trotter dans la tête une fois les lumières allumés, et peut être même de vous pousser à vous laver les mains 15 fois par jour. Hypocondriaques s’abstenir, tandis que les futurs spectateurs peuvent se préparer à le devenir…

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2 Comments

  • Trackback: CloneWeb » Demain c’est … mercredi 9 novembre
  • par Helldars
    Posté dimanche 20 novembre 2011 12 h 23 min 0Likes

    Je l’ai (enfin) vu et en effet le traitement « clinique » de l’histoire entraîne un certain détachement. Trop de personnages pour vraiment s’attacher à l’un d’entre eux, je n’ai rien contre Marion Cotillard en tant qu’actrice mais c’est vrai qu’elle était inutile, il aurait mieux valut se concentrer sur le personnage de l’officiel chinois qui l’accompagne, son dilemme était plus intéressant. Aussi le fait que l’on passe plus de temps dans les bureaux et laboratoires que dans la rue fait qu’on ne réalise pas vraiment qu’il y a une pandémie terrible dehors, mais je suppose que ce n’était pas le but du film qui reste très bon néanmoins.

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