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Critique : Biutiful, d’Alejandro Gonzalez Inarritu

Babel, 21 Grammes, Amour Chiennes. Ces films ont tous les trois le point commun d’avoir été réalisés par Alejandro Gonzalez Inarritu. Son petit dernier s’appelle Biutiful et met en scène Javier Bardem qui a eu, pour l’occasion, le Prix d’Interprétation au Festival de Cannes 2010.
Le petit dernier en question on l’a vu et en voici la critique, à deux jours de sa sortie dans les salles françaises.

Biutiful – Sortie le 20 octobre 2010
Réalisé par Alejandro González Inárritu
Avec Javier Bardem, Maricel Álvarez, Eduard Fernàndez
C’est l’histoire d’un homme en chute libre. Sensible aux esprits, Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde. Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire, il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours…

Il y a des cinéastes qu’on attend toujours au tournant et il y a ceux dont on va voir les films les yeux fermés, complètement bouleversés par leurs précédentes œuvres. Alejandro Gonzalez Inarritu fait partie de la seconde catégorie en ce qui me concerne grâce à son bouleversant 21 Grammes, tandis que son Babel était juste bien mais avec quelques fulgurances réjouissantes, si l’on peut appeler ça comme ça.
Partant de ce constat, l’attente de Biutiful mis à l’épreuve ma patience d’autant plus que le réalisateur y filme Javier Bardem, l’un des meilleurs acteurs à l’heure actuelle si il est encore nécessaire de le rappeler, auréolé d’un prix d’interprétation masculine au dernier festival de Cannes pour le dit film en question. C’est donc en connaissance de ces éléments et uniquement de ceux là, ne sachant rien sur l’histoire en elle-même, que je rentrais dans la salle pour découvrir fébrilement le nouvel Inarritu. Et dire que l’état dans lequel j’allais être à la sortie était inattendu tient de l’euphémisme…

Le cinéaste mexicain s’est fait connaître grandement pour son style complexe en matière de narration, ses trois premiers films (Amours Chiennes, 21 Grammes & Babel) étant des films chorales dans lequel les liens entre les différentes intrigues n’étaient pas évidents au premier abord car présents dans la thématique (Babel) ou se révélant au fur et à mesure grâce à un montage complètement éclaté et labyrinthique (21 Grammes).

Après trois films basés sur cette spécificité, Inarritu a décidé pour son Biutiful d’écarter ce type de narration pour se concentrer sur le parcours d’un homme en particulier au sein d’un script plus linéaire. De l’habitude naît l’ennui paraît il, et si ce changement pourra en chagriner plus d’un auprès des admirateurs du réalisateur, celui-ci a au moins le mérite de renouveler sa grammaire cinématographique ce qui ne fait apriori jamais de mal… Ou du moins peut-on le croire car à la vision de ce Biutiful, l’exercice se révèle bien plus périlleux qu’il n’y paraît sur le papier.

Suivant donc le parcours de cet Uxbal (un nom pareil, ça ne s’invente pas), Inarritu tire le portrait d’un homme partagé entre ses petites affaires frauduleuses, son ex-femme ou ses enfants et qui va devoir se préparer à affronter la mort.
Et aussi curieux que cela puisse paraître, Inarritu a beau resserrer son histoire sur un seul homme et son train de vie, le scénario ne peut s’empêcher de partir dans tous les sens avec plus ou moins de retenue et surtout de maîtrise. Car il reste bien dans Biutiful les restes des précédents films de son auteur, celui-ci accordant une forte importance dramatique à des personnages et éléments secondaires dont les répercutions retomberont évidemment sur Uxbal.

Si l’intention est louable, elle reste assez vaine tant la sauce ne prend pas sur ces éléments en arrière plan qui sont traités très rapidement car toujours lors du passage du héros dans leur environnement.
Comprenez par là que dans le cadre d’une narration à 3 niveaux comme pour Babel, chaque niveau s’intéressait à un personnage et le récit accordait la même importance aux 3 en maintenant un véritable équilibre tandis qu’ici, on pourrait presque se retrouver face à une structure semblable sauf que le plus gros du récit est accaparé par un seul personnage, laissant de côté les autres éléments auquel le réalisateur laisse pourtant une part d’importance dans le récit.

Comme ils sont complètement écrasés par le personnage principal, ces éléments divers n’ont pas le temps d’être suffisamment familiarisés avec le spectateur pour que leurs parcours et mésaventures aient un quelconque impact sur le public, sans compter que certaines portes sont ouvertes sans forcément être refermées par la suite et que le film laisse quelques pistes en suspend, avec comme seul ressenti pour le spectateur la désagréable sensation de ne pas être aller au bout de telle ou telle piste.

Il reste alors Javier Bardem au cœur de tout ça, chargé de tout porter sur ses épaules et de faire office de vecteur émotionnel entre le scénario et le public. Trimballant sa carcasse lacérée et fatiguée par la vie, l’acteur se montre comme toujours excellent et laisse transpirer avec une réalité saisissante toute les misères et difficultés vécus par son personnage. On peut cependant remettre en cause son prix à Cannes, non pas en raison des autres films de la sélection mais vis-à-vis des précédents prestations de l’acteur, sa performance monstrueuse sur No Country for Old Men étant à l’époque complètement passée inaperçue (comme le reste du film) alors que les Oscars avaient su rectifier le tir en récompensant ce qui reste à l’heure actuelle son rôle le plus mémorable.
Il reste plus que convaincant dans Biutiful mais son rôle rentre plus dans les standards des « films à récompenses », comportant des rôles d’homme ou de femmes se battant dans la vie de tous les jours, un genre dont ce genre d’institution raffole…

Biutiful n’est pas un mauvais film en soit mais il n’est pas bon pour autant et s’impose comme une simple déception. Assez long alors qu’il n’exploite pas le potentiel de son scénario en multipliant à outrances les intrigues pour pas grand-chose, ressortant un portrait d’homme usé par la vie comme on voit régulièrement dans le cinéma d’auteur ou de festival, cette chronique sociale soit disant mystique se révèle quelconque et ne se démarque pas assez des autres films du genre pour qu’on s’en souvienne. Sa réputation est donc plus à mettre au crédit de son interprète comme toujours impeccable et sur le nom de son réalisateur fortement apprécié dans le milieu. Et au fond, il faut dire qu’on en attendait bien plus de lui et que c’est peut être bien ça le problème.

– Jean Victor

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