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Critique : Carré Blanc

Carré Blanc est le premier long métrage d’un réalisateur couillu, Jean-Baptiste Leonetti.

Avec Sami Bouajila et Julie Gayet dans les rôles principaux, il nous montre un univers donc le pitch rappelle sur le papier rien de moins que le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, une référence !
Sur CloneWeb, on aime soutenir les films de ce genre, ceux qui le méritent. Alors le 7 septembre, et malgré une honteuse interdication aux moins de seize ans -ce qui ne devrait pas manquer, malheureusement, de refroidir le spectateur lambda, n’hésitez pas à aller voir le film s’il passe près de chez vous.

La critique qui suit ne devrait que vous convaincre.

 

Carré Blanc – Sortie le 7 septembre 2011
Réalisé par Jean-Baptiste Leonetti
Avec Sami Bouajila, Julie Gayet, Jean-Pierre Andreani
Dans un monde déshumanisé, Philippe et Marie, deux orphelins, grandissent ensemble.
20 ans plus tard, ils sont mariés. Philippe est un cadre froid et implacable. Marie assiste impuissante à ce qu’ils sont devenus l’un pour l’autre : des étrangers.
Leur destin bascule lorsque Marie décide de braver le système pour préserver ce qu’il reste de leur amour.
Jusqu’où iront-ils pour continuer d’exister à deux, seuls contre tous ?

 

Dans un cinéma sclérosé jusqu’à la moelle par une succession de comédies à « stars » et de films d’auteurs à la mécanique économique ultra rôdée, difficile de se faire une place en France. On peut être talentueux et avoir des idées de génie tout en n’étant incapable de mettre les pieds sur un plateau parce que le système ne veut pas de notre tête ou prendre de risques, et pour peu qu’on avance un univers un tant soit peu fantastique ou décalé et ayant des résonances politiques ou sociales, le retour de flamme est immédiat et sans appel. C’est dans ce contexte particulier et loin d’être simple que Jean-Baptiste Leonetti a réussi à faire son premier film Carré Blanc, porté par Sami Bouajila et Julie Gayet devant la caméra et les producteurs. C’est peu dire que vu le film et son contenu, c’est déjà un exploit…

Carré Blanc, ça se pose là dans le genre titre évocateur et énigmatique. Rien de mieux pour plonger dans un long métrage dont les premières images immergent d’emblée le spectateur dans un monde pour le moins étonnant. D’une froideur clinique et d’une rigueur stalinienne dans son organisation au millimètre, ce monde déshumanisé et aux allures post-apocalyptiques mais sans l’apocalypse (!) ne peut que surprendre par le soin qui y est apporté et l’efficacité formelle de cette introduction. Sans en faire des tonnes, et par une utilisation finalement simple de symboles, de figures graphiques fortes et une ambiance sonore sur le fil du rasoir, Leonetti nous pousse de plein gré dans le théâtre funeste de son histoire. Le soin du détail est évident, chaque plan transpire le malaise ambiant et on se retrouve absorbé par cette vitrine trop propre pour être honnête, impatient d’entrer plus en amont dans cette immense bête enragée et à première vue bien sage. Si on s’attarde autant sur le lieu de l’action, c’est parce qu’il y avait longtemps qu’on avait vu dans le cinéma bien de chez nous un tel soucis de bien faire pour créer l’illusion, sans pour autant s’y attarder.

Se distinguant d’Eden Log par exemple dans lequel le lieu était au cœur des enjeux narratifs du film, Carré Blanc prend certes énormément de temps pour poser ce qui va faire partie intégrante de son identité, mais tire son épingle du jeu en usant de celle ci que sporadiquement, pour mieux y dérouler un drame plus simple qu’il n’y paraît dont les enjeux s’en trouveront pervertis et plus forts. Car ce dont il est question, c’est simplement d’une histoire d’amour, altérée par l’environnement l’ayant vu naître et grandir, pour mieux être restreinte et conditionnée. Ne demandant évidemment qu’à exploser pour voler comme jamais, cette relation et les personnages qui l’habitent vont se confronter à cette société sans concessions, qui sous ses airs de machine rôdée et stricte révèle une violence délirante, vicieuse, froide. Le plus effrayant est que celle ci ne demande elle aussi qu’à être libérée pour tacher ce tableau bien trop propre et pour soulager ce qui était retenu que trop longtemps, au point d’en devenir salutaire.
Car cette rage vindicative n’est pas tant du ressort des monstres standardisés qui alimentent et font fonctionner ce monde en roue libre, mais s’avère tenir contre toute attente de l’humanité la plus simple, la plus caractéristique et la plus véritable.
C’est dans sa conclusion radicale et inéluctable que Carré Blanc révèle sa vraie nature, à savoir un appel à la vie, à la singularité et en fin de compte, à la liberté dans toutes ses formes. Et une telle profession de foi, délivrée aussi sévèrement soit elle, mérite bien qu’on passe sur les défauts du film du à son faible budget et à certaines limites techniques tant l’électrochoc procuré est paradoxalement sain.

Anticipation sans détour au service d’une histoire prônant malgré tout l’humain, Carré Blanc fait figure d’OVNI cinématographique de l’année dans notre production nationale. Et parce qu’on ne nous rappelle pas tous les jours que si être en vie est une chose, vivre en est une toute autre, nous acceptons la claque sans détour et ne pouvons que vous conseillez de passer l’interdiction scandaleuse au moins de 16 ans pour voir une œuvre qui aura le mérite de vous remettre les idées en place.

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