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Critique : Le Rôle de ma Vie

Dix longues années après Garden State, Zac Braff retournait derrière la caméra. Wish I Was Here, traduit bizarrement par Le Rôle de ma Vie en français a été partiellement financé par le public et les fans du héros de Scrubs parce que le réalisateur et scénariste voulait une liberté impossible dans le cadre d’un financement par un studio. Il a rassemblé via Kickstarter pas moins de trois millions de dollars alors que le but était de deux.

Le film arrive donc enfin sur les écrans français avec Braff dans le rôle principal mais aussi Kate Hudson, Mandy Patinkin et Josh Gad dans une histoire se déroulant cette fois non plus dans le New Jersey mais de l’autre coté des Etats Unis, en Californie.

Jean-Victor, immense fan de Garden State, est allé voir le film…

 

Lorsque Zach Braff réalise Garden State en 2004, au beau milieu du succès de la série Scrubs qui l’a rendu célèbre, il ne s’attendait pas à une telle réception critique et publique. Et pourtant Dieu sait combien elle était méritée tant on tenait là l’un des plus beaux films indépendants US de la décennie, à lui seul étendard du spleen infini d’une génération pour laquelle le monde tourne un peu trop vite. Après l’arrêt de sa série phare en 2010 et quelques films en tant qu’acteur, Zach Braff a pourtant attendu avant de repasser derrière la caméra, et a préféré opter pour un financement participatif par Kickstarter afin de tenir fermement les rênes du projet Wish I Was Here. 10 ans après Garden State, le revoilà enfin pour un film assez différent au final…

D’après ses propres dires, Zach Braff s’est vu proposé à de multiples occasions des offres pour réaliser des films dans la trempe de Garden State, mais il voulait passer à autre chose.
Quelque part, son premier film autopsiait la quête existentielle lors du passage à l’âge adulte là où Wish I Was Here s’intéresse à la crise de la trentaine. L’acteur/réalisateur/scénariste campe un acteur qui peine à trouver du travail tandis que son père paie l’école à ses enfants, et sa femme les factures. Son univers va soudain s’écrouler quand il apprend que son paternel est atteint d’un cancer et ne peut plus l’aider financièrement. Avec un père mourant, un frère qui ne veut pas en entendre parler, une femme débordée, et des gosses dont il doit désormais s’occuper 24h/24, cet homme va partir en chasse d’un nouvel équilibre pour mieux occuper tous ses rôles : ceux d’un fils, d’un frère, d’un mari et d’un père de famille.
Cela fait bien des responsabilités pour un artiste qui occupe le rôle principal et réalise en plus, mais la touche Braff se repère au premier coup d’œil tant on retrouve ce qui a fait son charme, sa pertinence et sa popularité précédemment. On retrouve dans Wish I Was Here une vraie tendresse pour tous les personnes secondaires du film, avec qui l’artiste semble déjà prendre un pied monstrueux à jouer, mais aussi à filmer. Il est d’ailleurs surprenant de voir combien certaines des plus belles scènes sont celles où il n’apparaît pas forcément à l’écran, notamment dans un échange entre Mandy Patinkin et Kate Hudson bluffant de sincérité.

Ce qui a toujours fait la force de Zach Braff dans l’incarnation de ses personnages, c’est l’imperfection de ses derniers. C’était particulièrement visible avec Scrubs, où son alter ego John Dorian pouvait être attachant par ses désirs simples et sa gentillesse, sans pour autant renier l’égoïsme dont il était capable pour arriver à ses fins, comme d’autres mauvais côtés.
Selon Braff, la réalité est toujours faite d’imprévus, de situations auxquelles vous n’avez pas forcément de solutions sur le moment, et d’obstacles nous poussant vers la facilité à mauvais escient.
Wish I Was Here s’évertue à retranscrire ça, avec cette ligne scénaristique claire et bienveillante où l’expérience nous rend plus fort malgré la difficulté d’apprendre de ses erreurs. Que ce soit dans sa relation avec Kate Hudson, sa position de père et ses projets personnels, pour ne pas dire ses rêves, le héros est loin d’être irréprochable et c’est ce qui le rend si humain.
Ne vous attendez pas pour autant à un film plombant et centré sur un seul homme : Wish I Was Here offre une place prépondérante à chaque membre de la famille qui représente tous une partie du personnage principal. La jeune fille jouée par Joey King constitue d’ailleurs la révélation du film tant cette actrice en devenir crève l’écran par son naturel et sa fraîcheur.
Dans un autre registre, le long-métrage sait se faire extrêmement drôle, certains dialogues ne manquant pas de piquant tout comme Braff excelle quand il question de placer des détails amusants, anodins de nature, mais qui font aussi le sel de l’existence et sa beauté. Jamais dans le larmoyant à outrance, Braff jongle avec les tons pour que son histoire soit la plus vivante possible, tout comme il ose traiter des sujets sensibles, à l’instar de la religion qui joue ici une place importante, avec cet homme athée dont le père mourant et la fille sont de fervents croyants. Comment manifester ses croyances personnelles même quand elles ne sont pas religieuses pour se donner le courage d’aller de l’avant est par exemple une des thématiques subtilement insérée dans cette histoire.

Foisonnant dans ses différentes intrigues qui se caractérisent essentiellement par les types de relation qui entourent et font la vie du protagoniste, Wish I Was Here fait donc preuve d’une douceur et d’une intégrité totale dans son récit. Pourtant, on peut aussi noter qu’au final, quand bien même on est face à un joli film, il est loin d’être aussi juste que Garden State, peut-être parce qu’il s’éparpille et s’essaie à plus de choses. On peut avoir du mal à croire à la situation de ce type un peu tête en l’air qui semble ne jamais s’être occupé de ses gosses une seconde alors même que ces derniers ont entre 6 et 10 ans. Un peu comme si sa situation de père de famille (avec maison et toute la panoplie) s’était faite toute seule alors que la seule chose qui semble intéresser le personnage depuis toujours est de passer des castings et de vivre son rêve de comédien.
Aussi, là où Garden State frappait fort en retranscrivant fidèlement les sentiments de perte totale et d’absence d’objectif, Wish I Was Here court entre ses intrigues et sembler voguer par moment de l’une à l’autre mécaniquement.
Au final, le film retombe tout de même sur ses pattes, mais comme la morale entre les deux films est semblable, il touche sans doute un peu moins malgré l’utilisation d’éléments fantaisistes sortis de l’imaginaire du héros qui figurent bien son parcours intérieur. Sans doute plus facile dans ses éléments narratifs et ontologiques pour toucher un plus large public, Wish I Was Here n’en reste pas moins un plaisant moment de cinéma, parcouru d’instants de grâce comme Zach Braff sait si bien les faire.

De retour avec une partie de sa troupe habituelle et des visages connus, Zach Braff ne manque pas de se renouveler et, comme son personnage, d’aller de l’avant. Wish I Was Here cristallise des thèmes déjà vus chez l’artiste mais avec plus de recul et d’expérience, même si on perd en force et en surprise, à cause d’une certaine commodité dans le drame. Que cela n’entache pas notre plaisir pour autant, surtout devant une œuvre criante de franchise qui nous rappelle sans artifice que si être en vie est une chose, vivre en est une autre.

 

Le Rôle de ma Vie – Sortie le 13 août 2014
Réalisé par Zach Braff
Avec Zach Braff, Kate Hudson, Mandy Patinkin
Pour sauver son couple, renouer avec son frère et rassembler toute sa famille autour de son père qui vient de tomber malade, Aidan devra tour à tour changer de mode de vie, délaisser son rêve de comédien et partir à l’aventure de la vie d’adulte. Entre Los Angeles, le désert californien et ses propres rêves, saura-t-il trouver le véritable rôle de sa vie ?

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