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Un Dimanche, Une Critique : The Commitments

Et si en ce dimanche un peu froid, nous partions en Irlande ?

Un Dimanche Une Critique vous accompagne chaque fin de semaine à l’heure du petit déjeuner et pour celui-ci on vous propose des oeufs, du bacon, une tomate grillé, des petites saucisses ou même pour les plus téméraires deux belles tranches de black pudding. Le tout bien entendu dans un endroit cosy, dans une petite rue non loin de Grafton Street.

Vous êtes bien installés ? On peut donc parler de The Commitments. Arkaron a vécu à Dublin et le film d’Alan Parker (The Wall, Mississipi Burning) sur la genèse d’un groupe de soul y est tout simplement culte.

 

Le cinéma irlandais, c’est un peu l’exception qui confirme la règle. Alors que les autres pays anglophones jouissent d’une bonne visibilité sur le marché international, nos amis amateurs de bonne ambiance ne font parler d’eux que très sporadiquement, au détour d’une comédie relativement peu exportable (The Guard, renommé L’Irlandais non sans raison), d’un chef d’œuvre immanquable (Brendan et le Secret de Kells) ou d’une surprise (Once).

Ce dernier a eu pour mérite de relancer l’intérêt dans les films produits au pays celtique, et a même favorisé la sortie de quelques œuvres du même acabit dans d’autres pays, mettant en scène un groupe plus ou moins réduit de jeunes gens luttant pour percer dans le milieu artistique. On pense notamment à Flight of the Conchords (EU), à Nowhere Boy (RU), à Anvil (Canada) ou encore à Killing Bono (en Irlande cette fois).

Néanmoins, je pense que tous ces films doivent beaucoup à un métrage intitulé The Commitments.

The what?! Oui, ce fut également ma première réaction lorsque, à peine arrivé à Dublin pour un séjour qui allait durer deux ans, tout irlandais disant se respecter me conseillait de jeter un œil très attentif à The Commitments, sorte d’autoportrait irlandais et dublinois considéré comme saisissant de vérité.

Je n’en fis rien. Deux ans passèrent, durant lesquels j’entendais toujours parler, de temps en temps, de ce film à la réputation qui le précédait. Puis vint finalement le temps de regarder, non sans curiosité, ce petit film oublié en dehors des côtes de l’île d’Hibernie.

Alan Parker, réalisateur pour le moins intéressant, avait déjà mis en scène le psychédélique The Wall pour Pink Floyd. Changement total d’approche ici, puisqu’il ne s’agit plus d’explorer l’état mental d’un individu en chute libre, mais bien de se livrer à une observation socio-culturelle de la vie et des espoirs de la nouvelle génération de dubliners à l’aube des années 1990. Le sortir de la décennie précédente n’était pas particulièrement aisé. La situation économique en Irlande n’avait jamais vraiment décollé depuis l’indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni , et dans un pays qui transformait bien souvent des questions d’ordre moral (avortement, homosexualité, contraception) en problématiques politiques scindant la population, la nouvelle génération se cherchait plus que jamais.

Pour se trouver, Jimmy Rabbitte, jeune chômeur, décide de former un groupe de musique dont il sera le manager. Il trouvera les membres et commencera à donner vie à son projet, au prix de sa sueur, de son sommeil, parfois même de ses amitiés. Nul besoin d’en dire plus quant à l’histoire qui synthétise avec brio le dilemme des jeunes gens de l’époque (et pas seulement). Presque deux heures durant donc, nous assistons à l’aventure archétypale du groupe de musique, un groupe aux espoirs immenses (voir les monologues du protagoniste, qui s’imagine interviewé dix ans plus tard), catalyseurs de l’état d’esprit d’une société entière… ou au moins d’un groupe social dans son ensemble.

Le film n’hésite pas à jouer sur les clichés, les utilisant à ressort comique ou comme source d’éléments perturbateurs, et s’offre même le luxe d’en créer un ! Quiconque passe assez de temps en compagnie de dublinois « pure souche » finit inexorablement pas entendre dire que « Les irlandais sont les noirs de l’Europe, les dublinois sont les noirs de l’Irlande, et les nord-dublinois sont les noirs de Dublin ». Une petite phrase, au détour d’une leçon d’art du spectacle, qui s’est inscrite dans l’esprit du public de manière permanente.

Le film est globalement immergé dans la bonne humeur, représentative de l’image dont l’Irlande jouit aux yeux des touristes européens depuis quelques temps déjà. Les gens rient, boivent, jouent de la guitare avec une pinte de Guinness et s’insultent amicalement. Graduellement, pourtant, l’ambiance au sein du groupe va se détériorer jusqu’à un point de non-retour. Le dernier concert illustre parfaitement l’effort monstrueux accompli pour faire bonne figure aux yeux du public, lorsqu’en coulisses, certains frisent l’homicide.

La plus grande force de The Commitments réside sans doute dans sa virtuosité à dépeindre une situation sociale critique et des questionnements existentiels incontournables sous couverts de comédie ponctuée de morceaux musicaux dans leur entier. Un jeune homme qui rejoint une queue sans même savoir pourquoi les gens attendent, mais dans l’espoir de pouvoir acheter de la drogue donne à la fois lieu à une blague et à un constat d’oisiveté. Les interviews imaginaires sont à la fois drôles et pathétiques, et les dissensions au sein du groupe passeraient presque pour l’allégorie d’une immense fresque sociale.

Au final, il ne fait nul doute que cette histoire n’est qu’une première couche enrobant un mille-feuilles capable de dépeindre dans ses moindres détails les tiraillements quotidiens des personnages. Cependant, du poids des obligations familiales aux problèmes financiers, tous sont momentanément éclipsés au profit d’un projet grandiose et fédérateur : la musique.

Cette musique, omniprésente dans la vie dublinoise (dans les magasins, dans la rue, chez soi… parfois même au bureau), devient ici moteur de tous les rêves, moyen de sortir du labyrinthe urbain prolétaire magnifiquement bien dépeint par la caméra du réalisateur. Si elle rassemble et motive ainsi les musiciens, c’est peut-être parce qu’elle est plus vivante qu’il n’y paraît. Une scène dans un train commence, et tous les membres du groupe écoutent leur manager tirader sans fin. À la fin pourtant, les personnages se mettent à chanter, et intègrent ainsi au récit une musique que l’on pensait extra-diégétique, incapable de naviguer d’un univers à l’autre. Qu’à cela ne tienne, c’est bien mal connaître l’obstination irlandaise.

Alan Parker a le sens du rythme, et le film n’ennuiera nullement ceux qui apprécient écouter quelques chansons au cours de leur visionnage. Ceci dit, ne vous fiez pas au synopsis : The Commitments ne vous parle pas seulement d’un jeune groupe d’artistes faisant quelques concerts dans les pubs bondés du bassin noir. C’est avant tout l’histoire des irlandais et encore plus des jeunes dublinois au crépuscule du XXe siècle, dépourvus de préparation à l’embrasement imminent du Tigre celtique, persuadés que leur salut sera atteint à la seule force de leur volonté.

Lors d’un concert, le batteur du groupe, un brin hyperactif, se lève en plein milieu d’une chanson pour aller casser le nez du saligaud rackettant son manager avant de retourner s’assoir et de reprendre ses battements cadencés. « The soul of Dublin » est ce que projettent d’exprimer ces artistes en herbe, et c’est exactement ce que nous offre ce film. À tout prix, sans demi-mesure, avec toute leur « fuck-off attitude » et leur philosophie, à la fois fataliste et exaltante, mais jamais défaitiste.

 

The Commitments – sorti le 28 août 1991
Réalisé par Alan Parker
Avec Robert Arkins, Michael Aherne, Johnny Murphy, Bronagh Callagher
Jimmy Rabbitte, un jeune dublinois, décide de débuter une carrière de manager en formant un groupe de Soul. Il ambitionne de capturer l’âme de Dublin et ne reculera devant rien pour atteindre son idéal…

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1 commentaire

  • par Chris
    Posté dimanche 28 octobre 2012 11 h 41 min 0Likes

    Juste culte… et la B.O. n’est pas en reste.
    Dire que ce film a (déjà) 22 ans.
    ;o)

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