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Un Dimanche, Une Critique : Predator

Après un film d’action adapté d’une bande dessinée belge ou un thriller de Sidney J. Fure, on change radicalement d’ambiance et de ton. Aujourd’hui, Basile -dont la critique de Watchmen est encore dans les mémoires- nous parle d’un film de vacances sous les tropiques : Predator, de John McTiernan.

Predator – Sortie le 19 août 1987
Réalisé par John McTiernan
Avec Arnold Schwarzenegger, Carl Weathers, Jesse Ventura
Parti à la recherche d’une équipe de conseillers militaires américains dans la forêt équatorienne, un commando de mercenaires dirigé par Dutch Schaefer est attaqué par un ennemi invisible et indestructible.

Nous sommes en 1987, on est bien, Suzanne Vega et Rick Astley chantent encore, le public veut de l’action et le cinéma hollywoodien lui en offre par palettes de 12. Et voilà qu’arrive Predator : Arnold Schwarzenegger (qu’on connait certes davantage pour avoir été agent immobilier et actionnaire de Planet Hollywood mais bon y a des fois où il faut savoir mettre ses convictions de côté et faire l’acteur, j’aurai bien voulu vous y voir à l’époque tiens, vous êtes marrants…), 15 millions de dollars prêtés par Joel Silver et puis un type là, John McTiernan. Et là où le public avide d’explosions, de muscles et de Rambo cru s’attendait à une énième production méticuleusement huilée (littéralement, si vous voulez faire ressortir les muscles il faut les enduire d’huile), le flamboyant et matois McTiernan va surprendre tout le monde en livrant une oeuvre radicale, qui ne souffrira d’aucun compromis.
Le petit Johnny va tout simplement scander son amour pour le cinéma populaire français en livrant le remake ultime de Mais où est passée la 7e Compagnie ? Mais loin de s’arrêter là, il va transcender sa démarche et sceller définitivement l’hommage au genre grâce à l’ajout hardi d’éléments des Bronzés (le premier du nom, parce que je vous rappelle qu’on a affaire à un puriste de la première heure). Cyclone référentiel conçu pour ébranler les fondations d’un système analytique bien trop prompt à cataloguer et étiqueter n’importe quelle oeuvre, Predator n’a de cesse de déconcerter le spectateur en jonglant en permanence avec les différentes orientations que McTiernan adopte, orientations en apparence contradictoires mais qui en réalité forment un maëlstrom organique qui jamais ne se phagocyte.

Le film commence comme tous les films : par un plan dans l’espace d’un vaisseau extraterrestre larguant une capsule en direction de la Terre. Heureusement, on rentre vif dans le vite du sujet (à moins que ça ne soit l’inverse, mais assez parlé du vif vit du sujet) : une plage, des hélicoptères, le décor est posé et d’ailleurs l’équipe de Schwarzie aussi. Et déjà la frontière entre les deux influences majeures du film est floutée. Si d’un côté il ne fait aucun doute que ces hommes sont là en mission pour retrouver la 7e Compagnie, de l’autre ils arborent de chatoyantes chemises tropicales, survêtements et lunettes de soleil, des éléments faisant explicitement référence au fourniment caractéristique des personnages de vacanciers incarnés par l’équipe du Splendid.

Et le doute n’en finit pas de s’immiscer quand ces vaillants gaillards prennent une petite jeep, une discrète mais bien présente métaphore de la voiturette du golf puisqu’ils ne parcourent que 30 mètres de plage avec. Une fois arrivé au QG/point d’accueil, Arnold a une bonne surprise : il retrouve un de ses vieux copains . Alors ils se serrent la main mais comme niveau coordination c’est pas trop ça, ben il s’agrippent un peu maladroitement et pour un oeil non averti on pourrait croire qu’ils sont en train de faire un bras de fer à sec, comme ça pour rigoler. Chouardzie, qui a toujours le mot pour rire, chambre son pote en disant que la cravate ça ramollit (c’est pour montrer que lui c’est pas devenu une tapette de bureaucrate et qu’il mène une vie saine entre marches dans la jungle et cigares XXL). Je vous dis pas la tension sexuelle, là c’est du niveau de Lhermitte qui regarde le slip moule-paquet léopard de Clavier. Son pote il est pas mauvais joueur parce qu’il le félicite sur une opération de sauvetage à Berlin (c’était avant la chute du mur hein) et il lui demande pourquoi il a pas voulu aller en Lybie. Arnold il explique que la Lybie il voulait pas y aller parce que c’était une vilaine mission d’assassinat (et ça c’est bon pour ces enfoirés de la CIA) et que lui et son équipe ils font juste des sauvetages. On a ses principes merde quoi. Le spectateur est décontenancé par la virtuosité avec laquelle McTiernan alterne entre les genres, nous voilà revenus dans l’univers militaire.

Ensuite ça devient tout de suite assez sophistiqué : y un avion qui s’est crashé dans la jungle et dedans y avait un ministre et ses gens ou quelque chose comme ça. Enfin le souci c’est que des salauds de guérilleros les ont capturés et les ont emmené dans leur camp, sans doute pour se répandre en activités interlopes. Après que le G.O. leur ait montré la carte avec les activités du jour (sauvetage donc et ensuite quartier libre l’après midi), on remonte dans l’hélicoptère. Y a du Little Richard mais on va pas bombarder le Vietnam, vu qu’on doit être en Colombie ou quelque chose comme ça. Alors évidemment ça fait une scène pour présenter l’équipe de fier-à-bras, aux multiples ressorts comiques évidents. D’ailleurs dans la vraie vie y en a deux qui sont gouverneurs et un qui a été candidat au poste mais comme il a appelé au génocide des Arabes, il a été recalé. Sur ces entremises on descend en rappel parce que c’est pas tout mais l’heure tourne : il trouver les otages. Grâce à Dieu, Arnold peut compter sur Billy, qui une fois le pied posé à terre, trouve immédiatement la piste et donne tous les détails possibles et inimaginables, jusqu’à l’âge du capitaine. Car oui, quand on a dans la jungle c’est bien de prendre un pisteur/traqueur/chasseur/shaman/mec qui communie avec la nature, qu’a 53 sens supplémentaires et un couteau format épée à deux mains. Et pour ça quoi de mieux qu’un Indien ? Donc Billy découvre des trucs genre des cadavres écorchés. Et là c’est un peu la merde parce que les cadavres, c’étaient des bérets verts copains de Chouarzie, des mecs à qui on l’a fait pas à l’envers si vous voulez bien me passer l’expression. La puissance nihiliste et déconstructionniste de la démarche de McTiernan dilate les rétines, les pores et les neurones. Si au bout de 10 minutes de votre remake de
Mais où est passée la 7e Compagnie ? vous découvrez que ladite compagnie gît en pièces détachées, avouez que cela à de quoi surprendre. Heureusement, il reste des otages à sauver donc l’activité peut continuer. Mais doucement chenapans, ça ne va pas être aussi simple : Billy ne trouve pas de trace du sale type qui a fait le coup, ce qui n’a « aucun sens » (il a confiance en ses capacités le bougre, je le trouve un brin hâbleur).

Bon an, mal an, on arrive au village Club Med/camp des guérilleros communistes. Arnold, dont la propension à vouloir jouer des tours à de braves types sans histoire confine parfois à la chafouinerie la plus vile, fait passer le mot d’ordre aux troupes : discrétion les gars, discrétion. Ben je dois pas trop avoir la même conception de la discrétion que lui parce que le premier truc qu’il fait c’est faire péter le camion qui sert de générateur à la base. Au passage l’explosion emporte la moitié de la tente où une vingtaine de pauvres gus bouffaient tranquillement. Une fois le coup d’envoi de la rencontre donné, l’entière scène (ce qui représente tout de même trois minutes non stop, essayez donc de casser tout ce qui vous entoure en comptant jusqu’à 180, pas évident, vous verrez) dépeint l’éradication méthodique de tout ce qui peut saigner, brûler ou exploser par le commando d’Arnold. Tout, absolument tout y passe, ça pète dans tous les sens, c’est chatoyant, on fait pas trop dans la circonvolution. A un moment je me demande quand même si Arnold a pas oublié qu’il avait des otages à sauver. Non c’est bon, il attendait juste d’avoir flingué tout le monde. Il se dirige donc vers la tente avec les otages et là il tombe sur une gueuse locale qu’il allonge d’un coup de crosse avant de lâcher un sonore « merde ! », sans doute parce qu’il lui vient à l’esprit qu’elle pourrait être mineure. Vous voyez pas le rapport ? Je vous rappelle que cet homme là a fait plusieurs séjours en Thaïlande… à moins que ça ne soit au Vietnam. Bref on en revient aux otages qui meurent ou alors ils sont déja morts, je sais plus, mais de toute façon c’est pas important. Car le changement sémiologique a eu lieu, fini l’hommage aux valeurs guerrières jadis incarnées par Pierre Mondy et consorts, le basculement total vers le film de vacanciers peut s’opérer.

Et cela Arnold Schwarzenegger l’a bien compris et l’illustre au détour d’une scène d’un symbolisme bouleversant. Prenant au pied de la lettre l’hymne vibrant à la gloire de la période estivale que Zebda a immortalisé, Arnold tombe la chemise (et mutin, il joue avec les attentes d’un public qui a vu Top Gun et son sous texte crypto gay. « It’s too hot… for a pick up » clame-t-il.). Et s’allume un cigare de la taille d’une clarinette. L’ambiance est tout de suite plus relâchée et si on sort une carte et qu’on se réunit autour façon briefing, c’est en fait pour discuter de la suite des festivités de ce petit week end plein air. Mais attention, ce n’est pas parce qu’on est dans le film de vacances que le danger ne rôde pas aux abois.

La petite troupe se met en marche mais la mineure décide se faire la malle. Et c’est le binoclard qui cours et crie Aline pour qu’elle revienne. Et puis d’un coup hop, évaporés les culs de bouteille. Alors les gaillards du groupe interrogent un peu l’indigène, s’en suit d’ailleurs une dispute linguistique entre les deux universitaires que sont l’agent de la CIA et le type qui trimballe un lance grenades. Le mystère est total et l’incertitude commence à pointer le bout de sa truffe humide et rugueuse. Je vous l’avait dit que le danger n’avait pas disparu ! D’ailleurs c’est Crocodile Dundee (ici renommé Blain mais le chapeau ne trompe pas, de même que le caractère bravache) qui est le suivant à en faire les frais. Mais lui au moins, c’est de cause naturelle : une angine de poitrine qui a pris un vilain tour finit par lui expulser le plexus et trois ou quatre litres de sang. Voilà ce que c’est de se trimballer dans la jungle en gilet, on finit par attraper froid.

Pour se détendre, les garçons décident de voir si il est possible de déforrester à coups d’arme automatique. La réponse est oui, pis je sais pas mais ça a l’air de leur faire du bien. Arnold demande à Mac ce qu’il a vu et comme ce dernier sait à qui il a affaire, il n’ose décemment répondre « les trois poils de ton cul ». Mais voilà que la nuit tombe, ou presque. C’est l’heure de camper et tout ce petit monde est bien fatigué après cette folle journée. La nuit se passe bien, sauf pour Mac qui est un peu embêté par un sanglier mais trois douzaines de coups de couteau finissent par régler le problème. Le lendemain, Arnie décide qu’une petit activité « construction de cabane » est de mise et ni une ni deux, tout le monde participe. Il doit vraiment faire chaud ou alors le virulent Autrichien ne veut pas salir ses habits parce qu’il enlève son gilet, pour ne garder qu’une sorte de paire de bretelles surdimensionnées (avec des poches). On tire sur des cordes, on soulève des rondins, on coupe des trucs, on assemble, on ficelle, c’est comme les scouts.

Mais voilà, quand on fait une belle cabane en forêt, faut toujours qu’il y ait un abruti qui vienne tout casser juste pour le plaisir. Et ben ça ne loupe pas et c’est Mac et Mr CIA qui sont vraiment pas contents. Tellement furax (et d’un naturel soupe au lait), ils décident d’aller en toucher deux mots avec ce guignol. On ne les reverra jamais, comme quoi se méfier quand on va en vacances dans un pays qu’on ne connait pas bien, on peut faire une mauvaise rencontre, avec les conséquences tragiques que l’on sait. (Je vous rassure, Mac a juste un violent accès de migraine, dont le résultat final se rapproche pas mal de l’angine de poitrine de Blain).

Arnold sent bien que le moral de son groupe n’est pas au beau fixe alors il décide d’organiser une petite course jusqu’à l’hélicoptère, pour leur changer les idées. Y en a un qui se foule la cheville c’est malin, on se croirait dans Les Randonneurs maintenant. Billy est soudainement rattrapé par sa crise d’adolescence refoulée et décide de s’automutiler en hurlant hors champs, pour soulager cette douleur sourde de l’âme qui le mine. Bonjour l’ambiance, Chouarz’ comprend que ce week end est en train de tourner au fiasco malgré ses efforts.

Mais McTiernan n’est pas un ingrat et offre à son héros au romantisme suranné un troisième acte cathartique qui le réhabilitera en tant qu’homme moderne et sensible qui a le droit de profiter de ses vacances. Harnaulde, donnant une nouvelle définition à l’expression « point de fuite », abandonne tout et court, court à en perdre haleine, court, se raccroche à la vie, se saoule avec le bruit des corps qui l’entourent comme des lianes nouées de tresses sans comprendre la détresse des mots qu’il envoie. Et puis il plonge, manque de se casser la margoulette, atterrit dans l’eau et fait du canyoning sans bateau parce que là on est revenu à l’homme seul qui triomphe de l’adversité, débarrassé des oripeaux de la société de consommation qui veut sans cesse nous vendre des kayaks. Après avoir descendu deux ou trois cascades, il se relaxe dans un bon bain de boue (« C’est bon pour la peau, essaye »), bref c’est Center Park. Et là tout de suite il est mieux quoi. D’ailleurs il a abandonné ses bretelles parce que maintenant qu’il est seul, y a pas de raison d’être pudique et on est quand même bien à la fraîche, peinard. C’est même l’occasion de revenir sur le semi échec de la cabane et de faire comme Rahan, fabriquer des pièges pour attraper un ou deux lièvres, voir un agouti si il a de la chance. À ce moment du film, le personnage d’Arnold Schwarzenegger s’accomplit totalement, il va « conclure », son but ultime (bien que jamais énoncé à voix haute), conclure quoi, on ne sait pas mais on sent que c’est la fin. Hélas, hélas, la tentation de l’expérience interdite engendré par un changement de cadre amènera une fin douce amère pour le culturiste de l’extrême. Certes Arnold, ce sont les vacances, mais ça n’est pas une raison pour te rouler un spliff le soir près du feu. Évidemment ce qui devait arriver arrive et quand bien même McTiernan fait usage d’une judicieuse ellipse dissimulant aux regards de l’audience la prise de drogue, le mal est fait. Alors dans un dernier tourbillon d’images viscéral et cauteleux, le cinéaste tisse un canevas de scènes surréalistes, support de projection aux hallucinations d’Arnold sous l’emprise de la marocaine. Et pêle mêle, viennent s’unir des tableaux dansants aussi grotesques qu’évocateurs où Schwarzie tour à tour pousse un hurlement bestial torche à la main, assiste à un feu d’artifice et enfin affronte son ancien dealer jamaïcain qui pisse de la fluorescine (le résultat, à n’en pas douter, d’un abus de glowing sticks, ce qui dénote une activité intense de night clubber). Le tout dans un délire coloromètrique incertain ou le bleu le dispute au rouge, sans trop qu’on sache pourquoi.

Enfin un saut dans un étang glacé permet à notre héros de reprendre peu à peu ses esprits. À mesure que cette nuit hallucinothrope (ce mot n’existe pas) se dissipe, l’ardent soldat se dit que finalement, les vacances c’est pas toujours de tout repos et que cette année, ça manquait un peu de meuf quand même. L’hélicoptère d’EuropAssistance arrive enfin et Arnold peut rentrer à la maison. L’an prochain, il ira en Iran parce que merde quoi l’héritage culturel perse ça doit être un sacré truc à voir et puis il a vachement aimé Persepolis.

– Basile

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9 Comments

  • par Syphiss
    Posté dimanche 22 novembre 2009 13 h 42 min 0Likes

    Critique tout simplement énorme. Du grand art.

  • par Mattevil
    Posté dimanche 22 novembre 2009 18 h 57 min 0Likes

    Meme si c’est du second degré ou pour rigoler, faire une critique comme celle ci, au point de rabaisser un film culte, je ne vois pas l’interet !!!!!

  • par Basile
    Posté dimanche 22 novembre 2009 19 h 45 min 0Likes

    Moi non plus.

  • par Dark-movie
    Posté dimanche 22 novembre 2009 21 h 37 min 0Likes

    no coment
    sauf que le film est bien sympa :)

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  • par benoit skywalker
    Posté lundi 23 novembre 2009 12 h 52 min 0Likes

    Bonne critique tout simplement.

  • par Kdace
    Posté lundi 23 novembre 2009 14 h 39 min 0Likes

    Énorme cette critique :D felicitations !

  • par BigHead972
    Posté lundi 23 novembre 2009 16 h 19 min 0Likes

    J’ai adoré ce film à sa sortie, je l’ai revu plusieurs fois depuis et j’ai meme le DVD.
    Mais il faut avouer que « Les larmes du soleil » d’Antoine Fuqua lui a donné un sacré coup de vieux !

  • par Tomjury222
    Posté lundi 15 avril 2013 20 h 22 min 0Likes

    Cette critique n’a rien à faire là où elle est.
    Tout simplement parce que, si c’est du second degré, elle a pas à être présenté ici, et si c’est sérieux, le type qui a écrit ça a rien compris à la manière de critiquer un film

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