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Un Dimanche, Une Critique : Le Voleur de Badgad

Pour alimenter les critiques du dimanche, Arkaron a choisi d’écrire quelques papiers sur les films d’action en remontant le temps. Vous pourrez donc lire plusieurs papiers autour de ce thème dans les prochains mois.

Il est donc tout naturel de commencer il y a longtemps, par un film sorti il près de 90 ans avec l’excellent Douglas Fairbanks dans le rôle principal – connu pour son interprétation de Zorro. Si le film est tombé dans le domaine public, il est aussi disponible en DVD.

Un Dimanche Une Critique est consacré au Voleur de Bagdad, visible en intégralité dans la suite.

Le Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad) – 1924 aux États-Unis (date inconnue en France)
Réalisé par Raoul Walsh
Avec Douglas Fairbanks, Snitz Edwards, Julanne Johnston
Un voleur d’origine pauvre tombe amoureux de la princesse de Bagdad. Pour la séduire, il décide de se faire passer pour un prince et se voit obligé d’affronter les autres prétendants dans une course au trésor. Dans le même temps, l’un d’eux prépare en secret l’invasion de la cité…

Parmi les nombreux genres qui peuplent le paysage cinématographique, le film d’action est l’un des plus ardus à définir. On peut sans mal cerner les limites du genre horrifique ou de la comédie, tandis que l’action semble être une notion qui s’applique trop largement à une grande variété de films. Quels sont donc les éléments qui permettent d’identifier un film d’action et, plus important encore, son héros ? Si la réponse ne trouvera sans doute pas de réponse définitive, il est possible d’observer à travers la multitude d’œuvres considérées comme appartenant à cette catégorie des points communs qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les autres genres.

Ainsi, l’on remarque que les films d’action mettent en scène un personnage (ou un groupe de personnages) vivant des aventures qui sortent de l’ordinaire. Il ne s’agit donc pas d’illustrer le quotidien, ou du moins pas un quotidien lambda. En outre, cette extravagance qui tend à chasser son protagoniste de la normalité permet de créer une distance avec la réalité, et ainsi d’associer les péripéties du personnage à la tradition millénaire des fables. Cette idée est par ailleurs renforcée par la fréquence et la régularité de la répétition de ce genre dans la culture populaire : raconter une histoire une fois relève de l’anecdote ; la raconter cent fois relève de la fable.

Par conséquent, c’est l’adhésion du spectateur à cette supercherie narrative qui permet de dépeindre le héros d’action comme appartenant à un monde que le public connaît, celui grâce auquel l’identification et l’empathie sont possibles, et comme étant en mesure de faire céder, raisonnablement, les contours de cette même diégèse afin de pénétrer dans l’extraordinaire.

Cependant, la particularité première du héros d’action est énoncée par sa dénomination : la portée de son influence sur l’univers qui l’entoure n’est solidaire ni de ses paroles ni d’un éventuel deus ex machina ; elle est liée à ses actions, et ses actions uniquement. En cela, les (bons) films d’action n’auraient théoriquement pas besoin de dialogues pour être parfaitement intelligibles, la mimèsis, l’action de montrer, prenant le pas sur la volonté d’expliciter.

Quel meilleur film d’action prototypique, alors, qu’une adaptation de contes réalisée à l’ère du film muet ?

Inspiré des contes des 1001 nuits, The Thief of Bagdad est un exemple parfait de construction évolutive du héros d’action. Le voleur en question, interprété par Douglas Fairbanks (icône du cinéma d’aventure des années 1920), est un archétype résolument adapté aux récits légendaires. En effet, sa première caractéristique est d’être dépourvu de nom ; il n’a pas d’identité au delà de sa présence à l’écran (ou l’empreinte de sa présence, vous dirons les puristes). Le Voleur est donc le héros anonyme, qui pourrait porter votre nom comme le mien mais qui n’existe pas en tant qu’être de chair : il est la personnification d’une idée.

Cet anonymat qui permet de l’intégrer au reste de son monde tend cependant à contredire son statut de paria volontaire qui justifie ses capacités physiques hors du commun. Ainsi, le Voleur grimpe sans effort le long d’une corde magique, il invente des solutions grâce auxquelles il commet ses méfaits, et n’a pas peur d’illustrer son caractère intrépide.

La définition du personnage ne s’arrête toutefois pas là. Idéologiquement, il s’ostracise en clamant son athéisme dans un pays majoritairement religieux, et choisit de vivre isoler dans une cave secrète avec un complice du troisième âge (ça ne vous rappelle rien ?).

Comme tout bon héros d’action, cependant, son statut se voit remis en cause par un double événement perturbateur : la découverte de la princesse de Bagdad, qu’il devra sauver, et l’entrée en scène du prince Mongol, qui devra affronter. Ce prince, rival tout trouvé du voleur sur tous les plans (sa richesse, sa méchanceté, et même son origine), n’est ni plus ni moins que la représentation de l’Autre, concept d’opposition fondamental pour tout héros d’action.

L’épopée du Voleur le fera ainsi passer du statut de héros à la marge à celui de héros du peuple. L’évolution du récit est, à ce titre, on ne peut plus classique et rejoint la structure littéraire des contes.

Techniquement, The Thief of Bagdad est une merveille de 2 millions de dollars (un budget titanesque à l’époque). Plus précisément, les péripéties du Voleur l’entraînent aux quatre coins du monde et le font rencontrer des créatures mythiques (basilic, pégase, etc.), l’architecture majestueuse de Bagdad n’a rien à envier au pouvoir hypnotique des expressionnistes européens, et les trucages sont tout simplement renversants.

Le film de Raoul Walsh, s’il s’inscrit dans la tradition du film de cape et d’épée, fait preuve d’une ambition grandiose : son récit, ses décors, son action, tout est pensé pour franchir les limites du spectaculaire à une époque où le genre est principalement représenté dans des serials sous-budgetés.

The Thief of Bagdad est sans doute l’un des films les plus représentatif de l’Hollywood des années 1920 : prolifique, ambitieux et magique. Cette première forme d’action pure, directement inspirée des fables, se verra très vite menacée par deux faits historiques qui changeront à jamais les films d’action américain : la découverte des films parlants, et le crise économique de 1929.

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