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Un Dimanche Une Critique : K20 l’homme aux 1000 visages
En septembre, Un Dimanche Une Critique va vous proposer grâce à Arkaron plus de que simples critiques mais un cycle. Pendant cinq semaines, vous pourrez découvrir cinq films totalement différents ayant pour points communs d’évoquer l’Aventure avec un grand A, tous dans un environnement plus ou moins steampunk.
Pour ce premier épisode de la série, Arkaron vous propose de découvrir un film japonais sorti en 2008 sous le titre français de K-20 L’Homme aux Mille Visages (et disponible en DVD édité par Zylo), l’histoire d’une sorte de super héros dans un univers décalé, où le Japon n’a pas participé à la Seconde Guerre Mondiale. Vous verrez rien qu’à la bande annonce que les images valent le coup d’oeil.
Voici le premier épisode de « L’Aventure Steampunk » d’un Dimanche Une Critique.
K-20, l’Homme aux 20 Visages – sorti en Blu-ray et DVD le 20 octobre 2009
Écrit et réalisé par Shimako Sato
Avec Takeshi Kaneshiro, Matsu Takako, Nakamura Toru
Dans un monde où le Japon n’a jamais participé à la seconde guerre mondiale, la ville de Teito, tyrannie des riches sur les pauvres, est hantée par les crimes du mystérieux K-20, maître de l’illusion. Pour son acte final, le criminel choisit un jeune acrobate d’origine modeste et le fait inculper à sa place. Le jeune Endo doit alors prouver son innocence et stopper K-20 avant qu’il ne mette toute la ville en danger…
S’il est un genre qui ne s’est jamais mieux porté que dans les années 2000, c’est celui des super-héros. Inutile de refaire une chronologie de leur essor hollywoodien, qui a malheureusement écrasé les chances de notoriété des super-héros d’autres horizons. Les américains, enfermés dans leur propre cercle vicieux de remakes et de reboots, ont bien trop souvent manqué l’essai pour vraiment laisser les grandes réussites avoir de l’impact. On se réjouit bien sûr du succès de Captain America, bouffée d’air frais dans l’actuelle suffocation du genre; et tandis que certains s’efforcent d’interpréter leurs héros dans un présent qui manque de magie ou dans un futur qui manque d’un peu tout, d’autres se tournent vers un glorieux passé, bien assez riche pour continuer d’alimenter un imaginaire collectif et populaire.
C’est le cas de K-20, l’Homme aux 20 Visages, super-production japonaise dirigée par la réalisatrice Shimako Sato, assez peu connue, et qui marque son retour au cinéma après une longue pause de douze ans (elle a également contribué au scénario du récent Space Battleship Yamato). On retrouve à la distribution quelques-uns des acteurs les plus populaires au Japon, qui prêtent leur talent à une nouvelle interprétation de l’univers des romans policiers Akeshi Kogoro, signés Edogawa Rampo, et publiés des années 1920 aux années 1950. Institution de la pop culture japonaise, la série Akeshi Kogoro a été fortement influencée par certains auteurs occidentaux tels qu’Edgar A. Poe ou Arthur Conan Doyle. Rampo, de son vrai nom Hirai Tarō, est d’ailleurs considéré comme le doyen de cette littérature populaire qui mélange enquêtes et parfois surnaturel.

Des romans de Rampo à un nouvel univers, enfant d’une multitude d’ancêtres de la pop culture aussi bien japonaise qu’occidentale, il n’y a qu’un pas à franchir : celui de l’adaptation. C’est alors sans étonnement qu’on remarquera que l’un des attributs les plus marquants du film est sa dévotion toute entière à faire renaître avec amour et surtout sans honte un âge d’or de l’héroïsme primaire qui renvoie directement aux pulps, qu’il s’agisse de l’univers visuel ou de l’écriture des personnages. K-20, qui est en fait l’antagoniste de l’histoire, pourrait sans mal se vanter d’être le frère caché de The Shadow, à l’idéal tout différent, voire un Zorro maléfique, dont la devise serait de voler aux riches pour ne donner à personne d’autre qu’à lui-même. Comme tout bon vilain grandiloquent qui se respecte, il rit d’un rire diabolique et outrancier, et envisage de recréer le monde à son image. Ainsi, même si K-20 n’est pas le personnage principal, ses quelques apparitions théâtrales en font un digne successeur de l’oublié et pourtant inoubliable John Phillip Law dans Danger Diabolik! de Mario Bava. Pour renforcer ce retour à l’aventure qui n’a peur de rien, et surtout pas du manichéisme, le compositeur Naoki Sato offre d’exubérants morceaux orchestraux qui rappellent sans mal le genre du film de cape et d’épée. En résultent une poignée de scènes d’action survitaminées qui, si elles n’échappent pas à quelques maniérismes formels, ont tout pour séduire l’amateur d’affrontements héroïques qui versent à la fois dans l’exagération et le premier degré.
Une fois la machine nostalgique amorcée, il serait bien dommage de s’arrêter à mi-chemin. Placé dans un monde uchronique, le concept de K-20 n’a alors aucun mal à s’implanter dans un univers aux éléments steampunk évidents (les connaisseurs préféreront sans doute le terme dieselpunk). Nouvelle dystopie somme toute classique, avec sa société tyrannique en mal de révolution, et son architecture trop FritzLangienne pour être une coïncidence, l’univers de l’Homme aux 20 Visages recycle affectueusement les gadgets en tous genres, ou la menace électrique d’un Nikola Tesla nobélisé, dont la fabuleuse, et potentiellement dangereuse invention se retrouve au Japon…

Toutefois, K-20 ne serait pas le film qu’il est sans son équipe de personnages qui, s’ils sont tous un stéréotype flagrant, font preuve d’une amusante habileté à dépasser leur fonction pour s’en amuser sans pour autant tomber dans la pantalonnade. Si le héros est un jeune candide tout à fait naïf qui suit son parcours (et parkour) initiatique, il sourit à l’idée de devenir le nouveau héros de la cité, et d’en faire sa nouvelle scène. Si la demoiselle en détresse est sauvée des griffes du méchant, elle ne manque pas de savoir se battre, en plus de piloter un drôle d’avion de combat. Et le grand méchant entre tous, qui voulait prendre sa retraite, se rend compte qu’affronter le héros lui procure bien plus de joie et d’émotions.
Et voilà qu’en deux heures, Shimako Sato fait revivre l’aventure telle qu’elle était autrefois : haute en couleurs, bruyante et flamboyante, pleine de frissons et de bons sentiments. Bien sûr, ce n’est pas parfait : les acteurs en font parfois des tonnes, et le rythme n’est pas sans faille, mais pour quiconque s’intéresse plus au spectacle qu’offre le concept inaltéré du super-héros, plutôt qu’à sa relation avec son symbolisme métaphysique et la métaphore de sa dépression existentielle, vous savez qu’il vous faudra faire une place dans votre vidéothèque pour K-20, l’Homme aux 20 Visages. Juste à côté de Capitaine Sky et le Monde de Demain, de préférence.
5 commentaire
par cagliostro
Merci de m’avoir fait découvrir l’existence de ce film, il me reste maintenant à me le procurer.
par Lest'
ça fait plaisir de lire de vraie bonne critique dans cette section « un dimanche, une critique » parce que jusqu’à présent ce n’était vraiment pas le cas.
Article très agréable à lire et qui donne envie de découvrir ce film.
par cine-man
Eu cohérence s’il vous plait ! « s’ils sont tous un stéréotype flagrant, font preuve d’une amusante habileté à dépasser leur fonction pour s’en amuser sans pour autant tomber dans la pantalonnade. »
> — < "Bien sûr, ce n’est pas parfait : les acteurs en font parfois des tonnes "
par Arkaron
@Lest : allons, allons, relisons celle de Predator!
https://www.cloneweb.net/critiques/un-dimanche-une-critique-predator/
@cine-man : point d’incohérence ici. La première phrase fait référence à l’écriture des personnages, la seconde au jeu des acteurs.