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Retour sur la Nuit Nanarland
Après son expansion massive l’an dernier en passant de la Cinémathèque à l’immense salle du Grand Rex, la Nuit Excentrique continue sa mutation toujours plus grande en cessant toute filiation officielle avec « le temple du cinéma français » et en étant désormais officiellement la Nuit Nanarland.
Un retour logique des choses, tant le site a toujours été le moteur de cet évènement, et un acteur primordial en hexagone dans l’éducation à la culture du nanar, à l’heure où ce terme est employé n’importe comment notamment quand il est question de Sharknado et autres comédies foireuses surfant grassement sur la vague du mauvais film rigolo.
On ne le rappellera jamais assez : un nanar n’a pas pour vocation de l’être, ce qui en fait précisément les charmes insondables.
Et ce nouveau marathon nocturne en a été la démonstration à moult reprises avec au programme une suite de productions toutes plus invraisemblables les unes des autres.
On passera sur les sélections d’extraits nanardesques et autres bandes annonces chatoyantes, contenant notamment celle du mythique Braddock Portés Disparus 3 de Chuck Norris, contenant la fameuse réplique « Je mets les pieds où je veux Little John, et c’est souvent dans la gueule » reprise par la nuit en véritable étendard.
Si ces sélections sont nombreuses et s’avèrent être avant chaque film de délicieuses mises en bouche, elles ne peuvent pourtant pas préparer pleinement au choc ressenti devant Karaté Contre Mafia, le premier film d’arts martiaux espagnol datant de 1980 et tourné en une semaine aux Canaries en y placardant des panneaux chinois partout pour y simuler Hong Kong.
Ça vous paraît déjà aberrant ? C’est pourtant loin de vous préparer à ces nombreuses et interminables scènes de combat, qui peuvent démarrer à n’importe quel moment du film, dès l’instant où le personnage se balade dans un endroit public. Surgissent soudain 4 hommes cagoulés en veste/jeans qui cultivent l’art du moulinet dans le vide, de la pose efféminée et des coups reçus sans être touchés dans des scènes qui durent toujours plus de 5 minutes !
L’intrigue fait du surplace, le film a quasiment 3 décors max, le grand sage est en réalité un espagnol qu’on a tenté de maquiller en chinois, la police est représentée par une série de bras cassés tous plus bêtes les uns que les autres, les plans interminables se succèdent à croire que le monteur a du gonfler un court métrage en long et globalement, tout ça est une abnégation de toute règle cinématographique basique. Et dans une salle chauffée à bloc, surtout en présence du réalisateur du film ( !), ça fait des merveilles, avec un public encourageant son ninja cagoulé préféré (le rouge !), et ne manquant pas de retenir à voix haute la moindre connerie du film. Coup de bol, il y en a probablement une à la seconde.
Dans le même genre, mais plus friqué, on a pu voir Samuraï Cop, un classique du genre dont la réputation s’est faite avec les VHS et n’a eu de cesse de grossir, à tel point que le film fait salle comble chaque fois qu’un festival le diffuse outre atlantique. Sorte d’ersatz de l’Arme Fatale ou de n’importe quel buddy movie du genre, cette péloche de 1991 porte sur elle le charisme bovin de Matt Hannon qui vous offre un jeu très rigolo à faire pendant le film : repérer s’il porte ou non une perruque trois fois plus épaisses que sa chevelure de base. Et oui Matt, fallait pas se couper les cheveux avant les reshoots ! Outre les scènes de combat foireuses et l’intrigue haletante d’un tel concentré de connerie, Samuraï Cop nous offrait du voyeurisme de premier ordre. Déjà parce que notre héros fait tomber toutes les donzelles qui ne peuvent s’empêcher de dévoiler leurs charmes devant la caméra, nous permettant par exemple de constater que la méchante du film n’est pas une vraie rousse. Mais surtout parce que toutes ces demoiselles sont des chaudières à la langue bien pendue, et que le side kick black ne rajoute des caisses avec un humour pour lequel on aurait presque honte s’il n’assumait pas totalement, le tout dans une VF bien attardée comme on les aime. Et ne serait-ce que pour ses scènes de dialogues avec des cadres merveilleusement composés (il est perturbant ce lion, n’est-ce pas ?), le film de Amir Shervan ne démérite jamais et fait honneur au genre.
On pourrait s’attarder sur le seul film décevant de la soirée, Commissaire X : Halte au LSD, dont le titre plein de promesses cachait un James Bond like allemand partant dans plein de directions certes, mais dans un rythme assez lent et avec un récit globalement tenu, ce qui ne pardonne pas vers 5h00, la salle étant bien plus calme qu’à l’accoutumée. Le bordel général fût de retour heureusement pour le Dernier Dragon, film d’arts martiaux produit par la Motown riche en passages musicaux et avec le héros le plus niais de la soirée. La cerise sur le gâteau concernant cette production 80’s de nature bien kitsch était le doublage français d’origine, attribué à des voix habituées aux dessins animés et aux cartoons, le méchant parlant par exemple avec la voix de Picsou !
L’adaptation des dialogues a été faite dans ce sens, et le tout est un festival de sous-entendus sexuels et de débauche sous une façade « branchée » et candide du plus bel effet, notamment quand le héros explique à sa belle qu’il n’a pas encore de poils au pinceau. Pour draguer, c’est une approche comme une autre me direz-vous.
Toujours est-il qu’arrivé 9h30 du matin, après quelques trailers porno pour bien traumatiser nos rétines jusqu’au bout, cette « première » Nuit Nanarland se clôturait en triomphe.
La bière a coulé à flot, les cordes vocales ont saturé à l’excès, les yeux ont capturé des images inoubliables et l’espace d’une nuit, la débauche et la maladresse la plus totale ont étés célébrées dans la joie et la bonne humeur, pour mieux relever comme le disait Jean-François Rauger de la Cinémathèque la poésie atypique de telles œuvres. Alors longue vie aux analphabètes de l’image, vive le nanar, et à l’année prochaine !
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