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Rencontre Kaboom #2 : Gregg Araki
Deuxième partie de notre table ronde dans le cadre de la sortie de Kaboom. Cette fois, nous avons posé des questions au réalisateur du film, Gregg Araki, tout juste revenu de Deauville où il avait projeté son film.
L’interview se termine en vidéo par l’apparition du réalisateur et de Thomas Dekker lors de l’avant-première du film dans une salle parisienne.
La première partie de cette interview avec Thomas est à lire ici.
On peut comparer Kaboom avec votre trilogie sur l’adolescence mais le film est moins violent, il y a plus de comédie. C’est peut-être moins pessimiste aussi. Qu’en pensez-vous ?
La différence entre The Doom Generation et Kaboom est principalement que ce dernier est moins brutal comme vous l’avez dit. Mon dernier film est plus joyeux, plus fun, même si le coté apocalyptique est toujours présent. C’est un peu comme un apocalypse fun. Je suis devenu plus mature, je ne suis plus la même personne qu’en 1995. Je ne pourrai pas faire The Doom Generation maintenant comme je n’aurai pas fait Kaboom il y a 15 ans. J’ai eu de l’expérience entre-temps, j’ai fais d’autres films dont Smiley Face mon film le plus optimiste. Kaboom est intéressant, c’est une combinaison d’un peu tout ça.
Les différences sont donc plus issues de votre expérience que de l’évolution de la jeunesse actuelle ?
Je pense effectivement que les choses ont changées depuis The Doom Generation. Le monde me semble encore plus perdu maintenant qu’avant. Maintenant, les jeunes vivent dans un monde sans limite sexuelle, c’est devenu une réalité. On en parlait déjà dans The Doom Generation. Kaboom est plus fun.
A quel point l’univers de David Lynch vous a inspiré dans votre vie et dans vos films ?
J’ai une admiration immense pour Lynch. C’est un réalisateur fabuleux. Il a fait des films révolutionnaires. Il a dépassé les limites de ce qu’on pouvait faire. Kaboom s’en inspire un peu parce qu’il a son propre monde, des choses non conventionnelles, un gros mélange des genres aussi (de l’humour, du fun, de la peur, du soap opera, etc), il utilise une sorte d’innocence un peu naïve et il laisse l’histoire devenir sauvage. Dans cet univers, les gens n’ont pas peur de saisir leur chance et ne s’inquiètent pas que tout y soit un peu étrange.
Vous avez pensé à Lynch pour le casting aussi ? Vous avez une actrice qui fait penser à Rosanna Arquette dans Lost Highway…
C’est intéressant, je n’avais jamais pensé à ça ! Peut-être de manière inconsciente mais c’est tout.
Vous avez reçu un prix à Cannes cette année. Qu’en pensez vous ?
J’ai évidemment été très honoré et enthousiaste de gagner cette récompense. C’était ma première sélection officielle, et j’ai eu droit à ma première si longue standing ovation. C’était extraordinaire, un peu comme dans un rêve.
Je suis très content que cette récompense représente mon genre de cinéma et la liberté qu’il y a derrière.
Comment avez-vous choisi Thomas Dekker ?
Comme tout le monde. On a vu beaucoup de monde, le casting était intense. Thomas a été combattif pour avoir le rôle. J’avais une idée précise d’un personnage au moment de l’écriture, il l’incarnait parfaitement.
Avez-vous eu des problèmes pour trouver un financement et était-ce à cause du sexe ?
C’est toujours difficile de faire un film comme Kaboom. Il n’y a pas de star, il y a beaucoup de sexe. L’industrie du film n’est pas très audacieuse, ils font le même film encore et encore. C’est en partie lié à la crise économique d’ailleurs. Le public est de plus en plus saoulé et va moins au cinéma.
Mais oui, c’est un film difficile à faire.
Vous avez déclaré que « Kaboom doit vibrer à son propre rythme ». Pouvez-vous préciser un peu ?
Je voulais qu’il soit vrai. C’est un peu concept abstrait mais je voulais qu’il suive une formule, qu’il soit lui-même. J’avais une idée pour l’histoire des personnages. Je voulais que le film serve l’histoire, qu’il soit fun et sexy, sans être restrictif.
Vous êtes intéressé par la télé. Si vous deviez faire une série, auriez vous une approche spécifique ?
Kaboom a à un moment été pensé comme une série télé. Et tous les projets télé sur lesquels j’ai bossé ont tous à leur manière un lien avec Kaboom. J’aurai sûrement fait quelque chose que personne n’a jamais fait, d’intéressant, d’imprévisible sinon ce serait juste un boulot pour payer des factures.
La fin de Kaboom est assez pessimiste…
C’est étrange parce que je trouve que Kaboom est littéralement apocalyptique. ais en même temps, je le trouve optimiste et joyeux. Je ne le crois pas aussi pessimiste que The Doom Generation. Il y a une sorte de joie dans ce film.
Vous avez tourné avec une caméra qu’on trouve dans le public…
Oui, j’adore cette caméra, je me suis beaucoup amusé avec. Et puis on a joué sur beaucoup d’images virtuelles. Ce que j’aime dedans d’ailleurs, c’est le potentiel infini de faire ce qu’on veut. On peut vraiment les manipuler. 75% des images du film sont retouchées. C’est cher, ça prend du temps, c’est fastidieux mais c’est un formidable outil créatif que de pouvoir faire ces images.
Beaucoup de réalisateurs indépendants finissent par faire des films plus « normaux » et à aller à Hollywood. Ça vous a déjà tenté ?
C’est une voie facile et il faut bien gagner de l’argent à un moment. Mais je préfère faire un film que personne n’a jamais vu que de faire du déjà-vu. J’adore ce que je fais, j’ai des idées pour des films à venir très différents mais je ne ferai que ce que j’aime.
Un grand merci aux gens des Fiches du Cinéma pour leur aide technique.