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Rencontre Kaboom #1 : Thomas Dekker
Après avoir vu Kaboom, nous avons eu l’occasion de rentrer le réalisateur du film et son acteur principal. Gregg Araki et Thomas Dekker ont fait un passage à Paris pour répondre à nos questions et celles de quelques confrères lors d’une table ronde.
L’acteur, découvert pour beaucoup dans Heroes alors qu’il a déjà une très longue carrière, en profite d’ailleurs pour balancer sur la série, sur Freddy les Griffes de la Nuit et évoque également son rôle dans Terminator : Les Chroniques de Sarah Connor.
Voici son interview. Celle de Gregg Araki est à lire ici.
Vous avez commencé jeune étant acteur. Est-ce qu’à ce moment là vous saviez que c’est le métier que vous feriez ?
Non, je ne sais toujours pas. si c’est que je veux faire. J’aimerai être derrière la caméra. Mais en même temps quand vous demandez à d’autres acteurs, c’est ce qu’ils veulent faire. Mes débuts étaient un accident, ce n’était pas ce que mes parents voulaient que je fasse. Mais quand je me vois ici à Paris à soutenir un film que j’aime, je me dis que j’aime être acteur.
C’est étrange, parce qu’être acteur, c’est aussi avoir une vie très solitaire. Je connais finalement peu de jeunes de mon age
Je me souviens avoir été un gamin très curieux de tout. L’éducation est très importante pour moi. Je connais des gens qui pensent que ce n’est pas important. Moi je m’intéressais aux maths, à l’histoire.
Comment avez vous eu connaissance du projet et comment s’est passé votre rencontre avec Gregg Araki ?
Je suis fan des films de Gregg. Deux ans avant Kaboom, j’ai demandé à le rencontrer pour lui dire que j’étais fan. On a le même manager. J’ai d’abord vu Mysterious Skin et ce film a été une révélation pour moi émotionnellement parlant. Puis j’ai vu The Doom Generation. J’étais un jeune très violent, agressif, donc ça me parlait.
On s’est donc rencontré, j’ai eu une copie du script de Kaboom un an avant que le projet ne commence. Dès que je l’ai lu, j’ai envie du rôle, je me suis dit « Putain, il faut que personne d’autre ne l’aie ». Puis j’ai passé le casting comme tout le monde.
Quand vous avez lu le script, avez vous été surpris ou choqué par certains aspects ?
Non, ça n’a pas été le cas. Certains autres acteurs ont été surpris parce qu’ils ne connaissaient pas ses précédents films, son univers et sa manière de faire des films. Je n’ai pas été surpris, moi, c’était un peu ce que j’espérais parce que je trouve que son précédent film, Smiley Face, était trop différent de son travail habituel. Et puis voyant qu’il allait revenir à ce qu’il faisait avant, j’ai été très content. Même en tant que fan, et si je n’avais pas été dedans.
Quel est l’aspect le plus singulier d’un tournage avec Gregg Araki ?
J’étais stressé parce que je voulais qu’il soit content. Je me mettais moi-même la pression pour qu’il aime mon travail. Normalement, en tant que personne humaine, je devrais me sentir vaniteux et ne me tracasser que de ma performance plutôt que de ma tronche. Mais pour Kaboom, je savais que ma tronche allait être vue alors j’ai fini stressé.
Comment s’est passé l’ambiance sur le tournage ?
Fun ! Très fun. Gregg est très strict sur les éléments visuels du film. Il nous dirige beaucoup. Il est vigilant sur les dialogues. Mais, comme il a passé du temps à caster la bonne personne, il la laisse ensuite se lâcher sur le plateau. La confiance était installée et il nous laissait faire.
C’était fun mais ça reste un film de Gregg Araki, avec un ton un peu sombre quand même. Lui ne l’est pas du tout sur le plateau.
Dans le film Whore, vous êtes à la fois réalisateur, scénariste, producteur, acteur. Comment vous avez géré tout ça ?
Le plus difficile a été de faire le film car on n’avait pas d’argent ! J’ai fais un film de John Carpenter quand j’avais six ans [Le Village des Damnés], on est resté ami et il m’a beaucoup appris. J’apprenais à être acteur, donc je ne suis pas allé à l’école pour être réalisateur. Mais comme je vous l’ai dit, je suis quelqu’un de très curieux, donc j’ai posé beaucoup de questions sur mes premiers tournages pour voir comment les choses se faisaient.
Le prochain film que je vais réaliser est basé sur un scénario que j’ai écrit quand j’avais 13 ans. Beaucoup de choses ont changé mais pas mon intérêt et mon opinion sur certains films. Mon père était très cinéphile aussi, donc j’ai vu beaucoup de films quand j’étais petit et sans censure. Ce n’était pas des Disney. A 7 ans, mon film préféré était Shining ! A 13 ans, mon père m’a montré Le Dernier Tango à Paris, mais là, c’était trop, je n’ai pas supporté le film.
Ca m’a permis d’apprendre des choses mais aussi de ne pas être timide, je n’aime pas le cinéma timide.
Vous jouez également de la musique, vous avez sorti un album…
Oui, j’ai un album dans les bacs. J’étais jeune quand je l’ai sorti, j’avais 16 ans. Je l’ai fais tout seul. Entre temps, j’ai grandi et maintenant je l’aime moins. Mais je pense que c’est un bon enregistrement d’un morceau de ma jeunesse.
J’ai un nouvel album qui devrait sortir bientôt mais ce sera très différent.
Alors plutôt cinéma ou plutôt musique ?
Si j’ai le choix, je préfèrerais être réalisateur. Mais c’est bizarre parce que j’ai surtout été acteur. J’ai commencé à 5 ans, je n’ai pas de souvenirs dans lesquels je ne suis pas acteur. Mais faire des films est une vocation, c’est ce qui m’inspire le plus.
La musique est assez similaire puisqu’il y a le même processus de création. La différence, c’est qu’on est seul pour créer de la musique, c’est une vision solitaire.
Le cinéma demande du monde : une équipe technique, des acteurs… C’est une aventure artistique beaucoup plus difficile. Prenez Gregg, c’est un cinéaste reconnu mais il a parfois des putains de difficultés à faire son film, à trouver l’argent… C’est effrayant !
Beaucoup de critiques pensent que les films de Gregg Araki peuvent être perçus comme pleins ou très vides de sens. Que pensez-vous de Kaboom pour ça ? Est ce que c’est un film sur la jeunesse ou sur une représentation sombre de cette jeunesse ?
J’en ai déjà parlé je crois. Gregg a dit qu’il voulait faire un film de fête, fun, sexy, avec des gens qui s’amusent, qui picolent mais c’est aussi, pour moi, un film plein de sens. On vit nos vies quand on est jeune de manière libre mais on perd beaucoup de temps sur des choses futiles : du sexe à droite à gauche, des amitiés illusoires, des trucs de lycéen finalement.
Si le monde s’arrêtait demain, seriez-vous fiers de la vie que vous avez vécu ? Je crois que c’est la grosse question du film. On voit des jeunes à des moments changeants de leurs vies, ils grandissent, et quand tout explose on revient sur ce qu’on a fait. Pour moi, c’est très profond, une leçon pour la jeunesse américaine qui, je pense, s’ennuie pas mal. Ils ne font pas grand chose…
Mais de l’autre coté, c’est 85 minutes de fun. J’en ai parlé à Gregg et il ne s’intéresse pas trop aux réactions. D’ailleurs, il ne regarde pas ses propres films, il ne pense qu’aux suivants. Moi je me regarde plusieurs fois pour me rendre compte à quel point j’ai détesté mes prestations.
Est ce que vous pouvez nous parler de votre film Whore qui n’est pas sorti en France ? Il y a Megan Fox dedans…
Oui Megan Fox sans maquillage !
J’ai fais pas mal de choses récemment mais Whore est le dernier que j’ai réalisé. Ça parle vraiment de l’obsession des Américains pour la célébrité, Hollywood. C’est effrayant de voir que les gens veulent ça, qu’on vous dise qui vous devez être. En même temps, les gens qui veulent être célèbres aiment s’en prendre aux gens qui le sont vraiment. C’est un peu un cercle vicieux.
Le film parle donc de ça, d’un jeune qui veut devenir acteur, qui va à Hollywood, prend pas mal de drogue. Il contient aussi beaucoup d’interviews que j’ai fais de prostituées là-bas. Elles m’ont dit beaucoup de choses qui m’ont choqué. Faire un film notamment là-dessus était intéressant même si le sujet avait déjà été évoqué un peu par Larry Clark.
J’ai aimé évoqué l’était mental de tous ces jeunes personnages, les pires problèmes dans lesquels ils se retrouvent. Ils pensent vivre leur rêve alors que ce n’est pas du tout le cas. Le film est donc un peu sarcastique.
Gregg ne l’aime pas, il le trouve trop déprimant malheureusement.
Votre personnage dans Kaboom est à l’opposé de celui de The Sarah Connor Chronicles, très prude. Comment avez-vous travaillé dessus ?
J’aime la série et le personnage iconique. La série était très intelligente mais ce n’est pas pour autant le genre de chose que je cherche à faire de moi-même. C’était une belle opportunité.
Kaboom et les films suivants, des films indépendants sont plus ce que je recherche, les personnages sont plus sauvages. Quand j’ai lu le scénario de Kaboom, ce fut très libérateur de faire quelque chose comme ça. Après deux ans de Terminator, j’étais un peu fatigué de jouer le personnage.
[sur un ton très sarcastique et second degré] J’ai ensuite fait un « formidable » film : Nightmare on Elm Street, un vrai classique ! J’ai donc alors cherché à faire quelque chose de plus expérimental, pour me dépasser : Kaboom. Il y a des scènes de nus, je n’en avais jamais fait jusque là. Mais ce n’était pas si difficile à faire. J’allais faire quelque chose de nouveau, de plus ouvert. J’aime prendre des risques, m’imposer des challenges.
Donc The Sarah Connor Chronicles était une bonne expérience ?
J’ai adoré !
Est-ce que vous retravaillerez pour d’autres séries, à la télévision ?
Il faudrait que ça soit quelque chose de très spécifique. J’ai détesté travailler sur Heroes. J’étais nul ! J’ai trouvé que les gens étaient nuls, je ne me suis entendu avec personne. Ce sont peut-être des gens très bien mais ce n’était pas le cas de ma relation avec eux.
J’avais peur que ça soit pareil sur Sarah Connor, très peu artistique, très prosaïque. Mais ce n’était finalement pas le cas. J’ai adoré les gens, Lena Headey est toujours ma meilleure amie. Et puis j’ai grandi avec la série. J’ai commencé à 18 ans, j’étais encore timide et aggressif. Mais à la fin, j’avais changé.
J’aurai aimé en faire plus mais en même temps j’apprécie que la série ait été annulée. Ça m’a permis de faire d’autres choses, quatre films depuis la fin de la série.
Je sais que vous aimez beaucoup Catherine Breillat
Ah je vois que vous avez étudié mon parcours. Vous avez bien bossé !
Y a-t-il d’autres réalisateurs français avec qui vous voudriez travailler ?
Le cinéma européen est ce que je regarde le plus. J’adore Catherine. J’aime A Ma Soeur [en français]. Je trouve que le film montre bien les relations entre hommes et femmes. Mon film préféré est plus ou moins français mais le réalisateur est allemand : La Pianiste [en français] avec Isabelle Huppert. C’est étrange parce que je me sens surtout proche des actrices plus que des acteurs, même quand je regarde un film : Isabelle Huppert dans La Pianiste, Charlotte Gainsbourg dans AntiChrist…
Je n’aime pas cette mode américaine qui veut les hommes américains ne doivent pas montrer leurs peurs, leur tristesse ou leur vulnérabilité. Ils doivent être matures. Je pense que ce sont des conneries ! Même si j’ai fais des films d’horreurs dans le passé, je dis ce que je pense aux réalisateurs. Quel que soit le corps ou l’apparence, on ressent toujours ces choses-là.
J’adore Haneke, Lars Von Triers, ces réalisateurs qui vont loin. Mais pour être honnête, les réalisateurs français que j’aime sont morts. Mon père était un grand fan de Robert Bresson : Lancelot du Lac, Au Hasard Balthazar… Godard aussi. J’ai vu Alphaville le jour du début de tournage de Kaboom. Gregg est fan de Godard aussi.
François Truffaut aussi ? Claude Chabrol ?
Truffaut oui. Et un autre réalisateur dont le nom m’échappe.
Vous savez, j’adore Paris, c’est surement la plus belle ville du monde. Pour moi, c’est étrange de vivre à Hollywood, une ville très tournée vers l’argent. Ici au moins on peut parler vraiment des films, ce qui n’est pas le cas là-bas.
Tout le monde là-bas m’a dit de ne pas faire Kaboom. Pour eux, c’est dangereux pour ma carrière. Pour quelqu’un qui a fait des films mainstream et des séries télés, ce serait très risqué d’autant qu’il y a pas mal de sexe. Les gens sont puritains, on peut voir des films gays là-bas mais ca ne me correspond pas. Ce serait comme jouer dans un film où je serai noir. Et puis toutes les histoires sont les mêmes : un mec qui devient gay, qui doit trouver d’autres mecs, etc… On ne voit jamais de thriller de science fiction avec des personnages gay.
C’est pour ça que j’aime Kaboom. Rien n’y est cliché. Par exemple, ma copine lesbienne n’est pas une caricature. Mon personnage est bi mais ce n’est pas explicite, ce n’est pas le sujet du film.
Quels sont les réalisateurs américains avec qui vous aimeriez tourner ?
J’ai failli être dans Restless, le prochain film de Gus Van Sant. Je trouve qu’il est phénoménal. J’aimerai beaucoup travailler avec lui. Retourner avec Gregg aussi. Je viens de faire un film appelé Cinéma Vérité, de Robert Pulcini et Shari Springer Berman, deux exemples à suivre parce qu’ils font de bons films sans penser aux revenus.
Je pense à Xavier Dolan aussi, on a le même agent en plus et j’aime ce qu’il fait.
Vous avez fait de l’horreur de la science fiction. Est ce que ce sont des univers qui vous intéressent ?
Ce sont des travails que j’ai eu par chance. Ce n’était pas des choses que je recherchais ou que j’ai supplié de faire, sans doute parce que je suis quelqu’un d’étrange. Je ne suis pas du genre à vouloir tourner une comédie romantique avec Miley Cirus.
Mais j’aime l’horreur. Pas trop la science-fiction. J’adore le genre horreur, d’une manière viscérale. … Comment s’appelle ce film français avec une femme enceinte ? Ah oui, A l’Intérieur. Je l’ai détesté, je l’ai trouvé horrible et n’ai pas compris. Par contre, j’ai aimé Martyrs de Pascal Laugier. J’ai eu du mal la première fois mais j’ai fini par en tomber amoureux. A l’Intérieur, c’est un prétexte à faire du gore gratuit et je n’aime pas ça.
On parlait de réalisateurs français… Connaissez vous le travail de Gaspar Noé ?
Ah oui, je connais Gaspar. Une proche de ma mère joue dans le film Enter the Void. Irréversible est des films les mieux construits. Il est dur à voir mais visuellement c’est brillant. Et puis c’est un gentil garçon que je connais. J’ai beaucoup aimé Enter the Void.
Le générique de début, que j’ai vu en ligne, m’a inspiré pour une chanson [il chantonne].
Une dernière question ?
Et d’autres réalisateurs français qui vont aux USA comme Alexandre Aja ?
Je me souviens de la sortie de Haute Tension, le film avait choqué mon père. J’aime beaucoup ce qu’il fait, même si je n’ai pas vu Piranha 3D. D’après la bande annonce, il a l’air de savoir ce qu’il fait, une bonne série B très fun.
J’aime aussi beaucoup La Colline a des Yeux, un remake bien meilleur que l’original que j’ai trouvé horrible.
Sinon pour l’année prochaine en France on va soumettre un nouveau film dans lequel je joue, très différent de Kaboom, qui s’appelle Drift. C’est un drame assez déprimant dans lequel je joue un père alcoolique dont le fils est mort. Le casting est formidable : Jeremy Piven, Elisabeth McGovern, Mira Sorvino.