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Rencontre avec un vilain : Albert Dupontel

Après la projection du Vilain (voir notre critique), Albert Dupontel a bien voulu répondre à nos questions sur son film, sur le processus d’écriture mais aussi sur Jean-Pierre Jeunet et -forcément- sur Terry Gilliam histoire de boucler la boucle. Voici l’audio et la retranscription de cette rencontre.

D’où vous est venu l’idée du Vilain ?
J’avais envie de parler de façon ironique des problèmes qu’un enfant peut rencontrer, des parents absents et de ce genre de thème… Ensuite, il fallait raconter tout ça. Moi je fais une petite fiche avec la base de l’histoire. Puis, semaines après semaines, une fois l’histoire établie, je cherche à la pervertir, ajouter des idées, des gags, etc… Puis, une fois que c’est fini, je cherche encore à rajouter une couche, notamment avec le casting. Puis après, y a encore le boulot du découpage…
La tortue, elle, c’est le point le plus carnavalesque du scénario. L’idée de départ est un bonne idée pour un vrai cinéaste comme Depardon ou Ken Loach. Puis je me suis dit que je pouvais y mettre une tortue, écrire des gags et m’approprier cette idée pour en faire un film.

Ici vous avez travaillé avec une petite équipe…
(Interrompant la question). On était quand même une cinquantaine. En réalité, c’est le huis clos qui a nous forcé à ça. Attention, je ne me suis pas dit au départ que j’allais faire un huis clos. Mais en avançant dans l’écriture, j’ai voulu accentué ça.
Je me suis donc retrouvé avec très peu de personnages : Catherine Frot, Nicolas Marié (l’excellent Docteur William), Bouli Lanners (un grand acteur et réalisateur belge qui joue beaucoup)…. C’est d’ailleurs grâce à eux que mes scènes tiennent debout
Il y a donc beaucoup moins de personnages que dans mes précédents films, quoique dans Bernie il n’y en a pas beaucoup non plus. Mais là, on était cohérent, on a cherché à respecter cette cohérence. Tout ça a mené à l’histoire du Vilain, avec ses pitreries visuelles. Là, je me suis senti rassuré.
Au début, je voyais pas trop où je voulais aller avec ce personnage qui balance des tortues par les fenêtres. J’avais peur, peur de décevoir. Puis au fil de l’écriture, l’histoire est devenue intéressante : la galerie de portraits, la cavalcade du Vilain. Je me suis aussi rendu compte que l’aspect farce pouvait survivre à un thème un peu à la Frank Capra.

Encore un film dont vous êtes le héros. Pourquoi ?
Héros ? Je suis pas sûr que ça soit un héros.

Le personnage central alors…
Je ne suis pas non plus le personnage central (rire). C’est l’histoire d’une grand-mère qui a un souci métaphysique…
Sérieusement, je n’ai aucune vocation à jouer dans mes films. Je me sers de moi en me sous-payant honteusement ou ne me payant pas du tout. En fait, c’est un genre de personnage un peu marginal, un peu caricatural que je connais relativement bien.
Mais j’estime que j’arriverai à faire des films dignes de ce nom en n’étant plus à l’image, en dirigeant un acteur et une actrice qui joueront dans des registres que je ne peux pas faire moi-même.
Sur le prochain film, il y a encore un personnage féminin important, et un marginal qui l’accompagne. Soit le film se fera en français et je prendrai le rôle, soit le film se tournera dans une autre langue et là je pense à d’autres acteurs, même si c’est hypothétique pour le moment.
J’avoue aussi que j’aime faire le guignol mais aussi jouer avec « mes » acteurs. Jouer avec eux me permet de leur demander beaucoup plus que si j’étais loin à donner des directives par haut-parleur. J’assume le grotesque, le ridicule, je transpire avec mes acteurs, je bosse avec eux et à l’arrivée j’ai un meilleur résultat.
Par exemple, c’est moi qui poussait Nicolas Marié dans son rôle. C’est moi qui lui ai dit : « on va mettre une balle dans la mur », on a commencé à rigoler comme deux crétins. Le fait de travailler avec lui comme ça, de s’amuser, c’est communicatif.

Est-ce que vous avez pensé à Catherine Frot dès le début ?
Pendant l’écriture, j’ai pensé à elle pour la scène des plaques, quand elle demande « vous ne pouvez pas me mettre des plaques ? ». Je trouvais alors ça un peu excessif. Mais en pensant à elle un peu plus agée, dans ce rôle là, pour cette scène là, ça s’est dénoué et tout le reste est venu d’une seule traite.
C’était donc un personnage « genre Catherine Frot avec trois ans plus ». Je me suis dit alors qu’il fallait essayer, que ça allait peut-être l’intéresser. Je suis donc allé la voir, elle m’a rappelé deux jours après et m’a dit (imitant Catherine Frot) : « Oh Albert c’est quelque chose hein, je dis pas non mais je dis pas oui. Qu’est ce que c’est que ce truc ?! »
On s’est ensuite mis d’accord pour faire des essais de maquillage. Si ça ne marchait pas, on arrêtait là. Ca duré un moment : de début janvier à fin juin 2007. Pendant six mois, on a avancé à l’aveugle mais ça devenait de plus en plus clair. Elle était alors dans une fantaisie que moi je voulais à l’écran.
Mais fin juin, avec tous nos essais, je ne savais pas si je faisais vraiment le film avec elle, alors que le tournage démarrait fin août ! Ca devenait chaud parce que les décors étaient en construction, on était en marche.
Puis, pendant trois semaines, une fois le maquillage et le personnages prêts, on a bossé sur le scénario. Ce qui est bien avec Catherine, c’est que s’il y a un problème avec les dialogues, ca vient du texte et pas de l’actrice. Quand quelque chose ne va pas, c’est que les mots ne vont pas dans sa bouche. Donc y a pas mal de choses, de jeux mots qui ont du coup disparu…
Quand à Nicolas Marié, le docteur William [et la voix de Rupert Giles dans Buffy], il travaille avec moi depuis dix sept ans, depuis mon court-métrage Désiré en 1992. On le découvre maintenant alors qu’il avait un grand rôle dans Enfermé Dehors. C’est quelqu’un de généreux, inventif, enthousiaste. J’ai écris en pensant à lui et il m’a un peu aidé aussi. Il a par exemple tenu à ce que je lui laisse sa réplique « bonjour tout le monde ! ».
Bouli Lanners aussi, incroyable de justesse pendant les répétitions m’a fait rajouté des répliques un peu drôles.

Quelles ont été vos inspirations pour le film ? Cinéma ou cartoon ?
J’en ai forcément, des inspirations, mais je ne peux pas trop préciser lesquelles. Mais je peux vous dire que dans les années 80, j’étais scotché devant des films comme Brazil [de Terry Gilliam], les premiers films des frères Coen, certains films de Paul Verhoeven. Il y avait à la fois un mélange de réalisme, de fantaisie filmique. Ceux-là, je m’en rappelle précisément.
Mais avant eux, il y en a eu des centaines, des milliers d’autres : Chaplin, de Funès… Ils ont formé une sorte de melting pot qui m’a servi mais j’en ai moins conscience.
Il y a eu d’autres films. J’ai vu Taxi Driver 7 fois, pour faire une comédie bizarrement. Il y a une grosse influence inconsciente. Mais sinon je peux citer Tex Avery aussi évidemment.
Depuis Bernie, j’aime aborder des sujets noirs de manière comique avec des focales courtes, une façon d’isoler le propos pour montrer que c’est de la fantaisie et pas un film coup de poing, caméra portée, à la Ken Loach. Dans le genre, il y a aussi Tideland de Gilliam ou Délicatessen de Jeunet.

On parle de Gilliam… Vous avez vu son dernier film ?
Parnassus ? Ouais, super. C’est le meilleur Gilliam depuis très longtemps. C’est un type qui, dans ses thèmes, est très près de la mort (Tideland) ou très près de l’enfance (Bandit Bandit).
Les effets spéciaux de Parnassus sont un peu rétro, ça m’a rappelé Help le film de Richard Lester. Mais c’est clairement un de ses meilleurs films. Pour 6-7 euros, on peut s’évader dans l’univers de Terry…

Vous partagez avec Jean-Pierre Jeunet un univers un peu désuet et intemporel, proche des braves gens…
Plutôt lui que moi. Moi je suis plutôt du coté des cyniques. Jean-Pierre a tué l’idée avec le succès d’Amélie Poulain. Dès que quelqu’un d’autre arrive avec le même genre d’idées, une lumière travaillée et particulière, des focales courtes, on pense qu’il a pompé.
Jean-Pierre a un sens plus positif que moi. Dans Le Vilain, on reste dans une sorte de noirceur, y a des tortues qui morflent.
L’erreur serait de refaire plusieurs fois la même histoire. Y a des aficionados qui ont vu des similutes entre Le Vilain et Bernie. L’auto-référence fait un peu peur. C’est d’ailleurs une vraie question que je me suis posé, notamment pour la fin du film.
C’est difficile de pas changer de genre en court de film. Jean-Pierre a muté sans s’en rendre compte parce qu’entre Delicatessen et Amélie, il a vraiment changé.
Quand j’ai fais Bernie, j’ai eu du mal aussi. Je suis resté deux mois devant mes fiches en me demandant pourquoi je faisais un truc si noir puis tout d’un coup y a une trouvaille et c’était parti…

Seriez-vous tenté par une adaptation ou la mise en scène d’une histoire écrite par quelqu’un d’autre ?
J’ai un fantasme de metteur en scène : filmer une bataille de Napoléon. L’histoire de France m’a toujours fascinée, et ca a toujours été mal fait jusque là. J’ai demandé à l’écrivain Marc Dugain [auteur de La Chambre des Officiers, notamment] de se pencher là-dessus. J’adorerai filmer ça.
Sans comparaison aucune, je pense au débarquement en Normandie, d’abord filmé dans Le Jour Le Plus Long puis magistralement par Steven Spielberg dans Le Soldat Ryan.
Mais comme tout ça doit sûrement coûter très cher, je suis tranquille pour un moment !


Rencontre avec Albert Dupontel (audio intégral)

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2 commentaire

  • par gdy
    Posté mardi 17 novembre 2009 19 h 18 min 0Likes

    moi j adore ce mec

  • par cloneweb
    Posté mercredi 18 novembre 2009 12 h 51 min 0Likes

    Moi aussi. C’est pour ça qu’on en a parlé.

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