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Rencontre avec Neil Jordan
Il a eu l’Oscar du meilleur scénario pour Crying Game, le Lion d’Or à Venise pour Michael Collins et a réalisé Entretien avec un Vampire ou encore Ondine. Nous avons passé une vingtaine de minutes avec Neil Jordan.
Le réalisateur est venu passer quelques jours à Paris dans le cadre du festival L’Europe autour de l’Europe pour un hommage rendu au cinéma irlandais qu’il représente si dignement.
Accompagné de son éternel comparse le comédien Stephen Rea qui a été au générique de nombre de ses réalisations, Neil Jordan s’est prêté au jeu des question réponses pour évoquer aussi bien ses différents films que son pays. Il revient évidemment aussi sur Byzantium, son nouveau film de vampires avec Gemma Arterton et Saoirse Ronan, et sur Broken Dreams, un projet écrit il y a très longtemps avec John Boorman et qui devrait bientôt voir le jour.
Vous êtes ici à Paris pour un hommage rendu au cinéma irlandais. C’est important pour vous de faire des films se déroulant en Irlande ?
Stephen Rea : Pour moi c’est important d’être dans certains, pas tous, mais c’est important d’y être.
Neil Jordan : J’ai vécu en Irlande mais aussi à Londres et aux USA à cause de mes enfants. Faire des films en Irlande est très important pour moi. De 1969 aux années 80, il y avait des problèmes politiques. J’ai fais trois films à ce sujet parce que c’est important. Le film que nous montrons ce soir, Butcher Boy, est un film important car il il se déroule dans une petite ville en Irlande dans les années 50. Le héros vit dans un monde où la frontière entre monde réel et univers fantastique est très mince, et c’était un film à propos d’un lieu et d’une époque spécifiques.
Michael Collins est un film politique. Ondine est plus basé sur la mythologie. Y a t il d’autres aspects de l’Irlande que vous voulez raconter ? Ou d’autres coins du pays ?
Neil Jordan : Oui, j’aimerai beaucoup raconter d’autres choses. Je voudrais faire deux autres films qui seraient des expressions contemporaines du folklore irlandais et j’espère pouvoir les faire un jour. J’aimerai faire quelque chose autour des possibilités qu’offre la tradition irlandaise plutôt que d’exprimer ma colère vis à vis de ce que le pays est devenu. Je suis surpris que la population ne réagisse pas d’avantage à l’état du pays d’ailleurs. Ils ont quand même élu un putain de comédien. J’ai du mal à comprendre pourquoi les Irlandais se laissent tant faire.
L’Irlande est un pays obéissant. On a obéit à ce que disait l’église catholique et maintenant on obéit aux politiques. C’est un pays étrange.

Stephen Rea : ça change quand même selon les régions. Les choses sont différentes si tu vas dans le Donegal par exemple.
Neil Jordan : c’est triste mais c’est un pays qui s’appauvrit. J’espère qu’on va s’en sortir.
Irlande mise à part, y a t il des genres de films qui vous intéresse vous qui avez aussi bien tourné des grosses que des petites productions ?
Neil Jordan : Oui, il y a beaucoup de choses que j’aimerais faire. Pour le moment j’écris et on verra où ça nous mène.
Parlons d’Ondine. Le début du film est très orienté légende et l’histoire d’une selkie mais la fin est très réaliste. Pourquoi ce choix ?
Neil Jordan : Je ne sais pas vraiment. On est parti sur l’histoire d’un pêcheur qui prend une fille dans ses filets et je pensais pas que les gens pourraient y croire. Mais quand on a fini le film, on s’est rendu compte qu’on pouvait y croire. Et on se rendait compte que « mais non, elle n’est pas une sirène ».

A la fin, je pense qu’elle est toujours une Selkie
Stephen Rea (éclatant de rire) : C’est mignon !
Neil Jordan : Beaucoup de gens sont comme ça. Je pense que c’est pour ça que le film a rencontré son public, le fait de donner aux gens un aspect fantasy et le retirer ensuite. Mon intention était de situer un conte de fée dans le monde réel.
Entretien avec un Vampire qui est un de vos plus grands succès. Le film a maintenant 19 ans. Quels souvenirs gardez vous de cette période ?
N.J :Ce dont je me rappelle, c’est que je venais de faire The Crying Game, qui était un film indépendant et un gros succès. Je n’ai accepté de faire Entretien avec un Vampire que si je pouvais le tourner comme un film indé, que si je pouvais avoir la liberté de le faire comme ma précédente réalisation. Et pour une raison que je n’explique pas, ils m’ont autorisé. C’était inhabituel, très bien mais inhabituel et ça ne m’est plus jamais arrivé.
Pensez-vous qu’il est encore possible de faire ce genre de film de cette façon aujourd’hui ?
N.J :Je pense que oui. Il suffirait de réunir Tom Cruise et Brad Pitt !

Michael Collins est votre film historique. Pourquoi avoir choisi cette partie là de l’histoire irlandaise plutôt qu’une autre ?
N.J :Michael Collins a été fait à une époque assez particulière. Dans un certain sens, c’était un accident. J’ai écrit le script en 1992 et j’ai essayé de le faire pendant un long moment. Puis une série d’évènements se sont produits, dont le fait que je réalise Entretien avec un Vampire [en 1994]. Warner Bros a donc accepté que je le fasse, ils l’ont financé.
L’autre point, c’est que Michael Collis est essentiellement l’histoire d’un homme qui monte une armée pour mieux la détruire. Il y avait un parallèle étrange avec des évènements se déroulant en Irlande à la même époque où on voulait que les groupes armées dont l’IRA déposent les armes. Ce fut un moment difficile pour tous les gens impliqués.
Parlez-moi maintenant de Jodie Foster et de votre collaboration sur A Vif
N.J :Je me rappelle surtout de son extraordinaire concentration. C’est un film que je n’ai pas écrit mais que j’ai beaucoup aimé faire. C’était une expérience extraordinaire car c’est quelqu’un de très impliquée dans ce qu’elle fait. J’ai vraiment beaucoup aimé travailler avec elle.
Et maintenant, vous êtes de retour à l’univers des vampires avec Byzantium. Comment s’est passé le tournage ?
N.J : Soairse Ronan me rappelle beaucoup Jodie Foster par sa force de concentration. C’est vraiment une actrice très intéressante, je n’avais jamais travaillé avec quelqu’un d’aussi jeune et de déjà si accompli. Elle avait 17 ans au moment du tournage.
Stephen, vous êtes dans beaucoup de films de Neil. Que pouvez-vous donc me dire l’un sur l’autre ?
Stephen Rea : Quand on a commencé à travailler ensemble, je ne pensais pas qu’on pouvait faire des films en Irlande ! Mais depuis il domine le box office irlandais. Neil est quelqu’un qui a un incroyable sens narratif. J’aime beaucoup sa vision des choses.
Neil Jordan : Stephen me fait penser au personnage qu’il joue dans Ondine, ce type qui est dans une église et que personne ne va voir. Pour ce personnage, je n’aurai pas pu imaginer un autre acteur, qui donne ce poids au personnage tout en y ajoutant de l’humour. Il y a mis beaucoup de mélancolie et de tristesse, ce qui doit être le cas pour ces prêtres de campagne. C’est le genre d’acteur qu’est Stephen Rea. En ce sens, il est unique. Je peux lui écrire des personnages que personne d’autre ne pourrait jouer.

Vous avez collaboré avec John Boorman sur Excalibur…
N.J : J’ai écrit la dernière version du script.
Et vous allez à nouveau travailler ensemble sur un projet intitulé Broken Dream
C’est en fait un projet qu’on a commencé à écrire avant Excalibur. C’est le premier scénario que j’ai jamais écrit. Et on va essayer de faire le film [le film, avec probablement Ben Kingsley et John Hurt est en phase de pré-production, NLDA]
Est-ce que vous êtes tenté par les nouvelles technologies comme la performance capture, la 3D, etc… ?
Stephen Rea : j’ai fais un film en 3D. C’était Underworld Nouvelle Ere, avec Kate Beckinsale. C’était beaucoup plus long à tourner à cause des caméras spéciales.
Neil Jordan : je déteste la 3D. Le format 35 mm était juste parfait. C’était une manière idéale de représenter la réalité, ce que voit l’oeil. Seul James Cameron a fait quelque chose d’intéressant avec la 3D.