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Rencontre avec Bruno Coulais
La première grande rencontre du Festival International du Film d’Animation d’Annecy était consacrée à Bruno Coulais.
Le compositeur a plus de 150 bandes originales à son actif, il est célèbre pour son travail sur Microcosmos ou les Choristes mais a également composé pour l’animation, et c’est sur cette partie de son travail qu’il est revenu à grands renforts de séquences expliquées.
La « petite » salle d’Annecy était pleine à craquer pour accueillir et applaudir celui qui a travaillé sur Coraline ou Brendan et le Secret de Kells.
Bruno Coulais peut-être qualifié d’atypique pour bien des raisons, la première étant comme il le dit lui-même qu’il est entré dans le monde du cinéma -et de l’animation en particulier- sur le tard car il « n’aime pas les histoires ». Quand il regarde un film, il s’intéresse à la composition de l’image, au cadre, aux couleurs ou à la photo plutôt qu’à ce que ça peut raconter. D’ailleurs, il ne lit pas ou peu de scénarios et préfère échanger, découvrir par l’image les projets sur lesquels il pourrait travailler. Il a expliqué qu’il choisissait de fait les films à travers son rapport au réalisateur, et à travers l’idée dans son ensemble, pas seulement pour ce qu’elle raconte.
Aujourd’hui professeur au Conservatoire Paris, il compose « de manière intuitive » et s’est même demandé si c’était un métier qui pouvait s’enseigner. Ca pourrait être un comble mais Coulais aborde d’autres aspects que le film en lui-même, qu’il doit « comprendre dans sa globalité » et pour lequel « la musique doit être aussi naturelle que la lumière ».
Le long-métrage qui l’a fait rentrer dans l’animation est le premier du genre sur lequel il a travaillé : L’Enfant qui Voulait Etre un Ours, de Yannick Astrup, sorti en 2002. Pour ce métrage à l’animation très simpliste, et pour en garder l’aspect naturel, il a notamment choisi d’utiliser des cailloux frappés entre eux à intervalles réguliers (et le compositeur de se souvenir que les pierres se désagrégeaient dans le studio, causant beaucoup de poussières). En ajoutant à cet instrument une guimbarde puis une voix, il compose un thème lui inspirant la terreur, quand le bébé de l’histoire sera capturé par un ours. La guimbarde diminue, les percussions augmentent et la voix s’insère. Il n’en faut pas plus pour que le sentiment de peur se ressente. Coulais explique alors que parfois les choix les plus simples sont les plus efficaces, tout en citant Bernard Hermann et ses compositions pour Hitchock et Vertigo en particulier.
Pour Coraline d’Henri Selick, film très musical, le son et son utilisation deviennent des choix de mise en scène, la musique finissant à certains moment par submerger le son et inversément. C’est Selick lui-même qui a choisi Coulais pour le film, après avoir entendu son travail sur Microcosmos dont il s’est servi en tant que musique temporaire. Le compositeur n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que la musique composée pour un film lui appartient et ne doit donc pas être réutilisée.
Pour ce film, Bruno Coulais a regardé plusieurs fois les séquences évidemment puis s’en est littéralement éloigné, ne gardant plus en tête que des mots-clefs, des images et des sensations lui permettant de composer ensuite sa musique et de se caler en rythme sur le montage. A noter qu’on entend sa voix dans le thème d’introduction, dont les paroles ne veulent strictement rien dire.
Enfin, Bruno Coulais a évoqué sa collaboration avec le groupe Kila, « ses amis », et les deux longs métrages de Tomm Moore, Brendan et le Secret de Kells et Le Chant de la Mer. Les musiciens irlandais ne savent pas lire de partition mais ont l’oreille tellement musicale et sont tellement bons que la collaboration s’est faite sans difficulté, d’autant qu’elle a eu lieu dans une maison en banlieue de Dublin et non pas dans un studio d’enregistrement, ce qui a rendu la chose plus vivante. Il a d’ailleurs annoncé qu’un ciné-concert dédié au premier long-métrage de Moore se tiendrait prochainement, où il accompagnera le groupe celtique. Mais ce sera, malheureusement pour nous, à New York.