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Pour / Contre : La Cabane dans les Bois
Sur CloneWeb, nous avons rarement la possibilité de voir à plusieurs les films en avance et les quelques fois où ça a pu se faire nous n’étions pas d’avis suffisamment éloignés pour que ça mérite d’être évoqué.
Cette fois, c’est différent puisque nous avons deux avis diamétralement opposés. Arkaron a pu voir à Dublin La Cabane dans les Bois il y a quelques semaines en avant-première. A la lecture de son papier (contre) et au vu d’autres échos positifs que le film a eu, j’ai voulu aller y jeter un oeil pour me faire mon propre avis (pour).
Une fois n’est pas coutume, voici donc un Pour / Contre consacré à la Cabane dans les Bois. A partir du deux mai, vous pourrez nous dire de quel coté vous vous rangez et ce qu’il faut penser du 2e film scénarisé par Joss Whedon à l’affiche.
La Cabane dans les bois (Cabin in the Woods) – Sortie le 2 mai 2012
Réalisé par Drew Goddard
Avec Amy Acker, Fran Kranz, Chris Hemsworth
Cinq amis se rendent dans une cabane isolée au fond des bois pour le week-end. Alors qu’ils croient être seuls, une mystérieuse agence aux ressources technologiques et logistiques hors du commun surveille de près leurs faits et gestes. Très vite, le groupe est pris pour cible par de mystérieuses créatures et leurs vacances tournent au cauchemar…
POUR
La première fois que le projet de la Cabane dans les Bois a été évoqué, c’était au Comic Con de 2009. A l’époque, Joss Whedon et Drew Goddard avait annoncé un film qui reviendrait sur les codes de l’horreur et s’en moquaient gentiment via quelques affiches teaser. On avait imaginé alors que La Cabane aurait tout d’un film classique mais dans lequel les personnages auraient des réactions intelligentes, des comportements réalistes dépassant les habitudes du genre.
Si ce n’est finalement pas le cas, le film propose néanmoins une expérience nouvelle et qui se révèle être tout aussi intéressante.
On commence donc comme d’habitude sur un groupe d’étudiants. Ils sont beaux (Kristen Connolly est particulièrement ravissante), jeunes, fringuants, drôles et s’offrent comme d’habitude un weekend dans une cabane au bord d’un lac dans une forêt. Ils s’y voient se baigner, glander, faire la fête et l’amour. Un grand classique, tellement que sur leur route ils croiseront évidemment le pompiste le plus louche qui soit, qui finira par leur dire qu’ils ne reviendront sans doute jamais. Tout cela sent le déjà vu si ce n’est que ce petit groupe est manipulé.
Ce n’est pas un spoiler : le film commence non pas sur les jeunes mais sur une sorte de laboratoire high-tech où on découvre que des scientifiques manipulent des groupes comme des pantins. Le pompiste est donc un comédien qui en fait des tonnes et toute la cabane est truffée de technologies permettant de les surveiller mais aussi d’influencer sur leur comportement. Evidemment, ils ne se doutent de rien, seul le spectateur le sait.
Ils vont donc finir par se retrouver dans une cave, et y trouver un journal intime évoquant une légende. La lire réveillera des zombies. On découvre là qu’ils auraient pu tout aussi bien y choisir un médaillon, s’attarder sur une boite à musique ou sur un masque de clown. Sans doute alors les gens du laboratoire auraient-ils laché une créature différente.

C’est à partir de là que le spectateur va se mettre à vivre une expérience particulière, puisqu’au courant qu’ils ne sont que des pantins et va suivre les personnages aussi bien coté scène que coté coulisses. La galerie de personnage, Connoly, Chris « Thor » Hemsworth et Fran « Dollhouse » Kranz en tête est suffisamment attachante (et n’est pas sans rappeler l’équipe de Scoobi-doo) pour qu’on se laisse prendre au jeu comme un film d’horreur (quelques jumpscares fonctionnent très bien), dont on est régulièrement sorti pour nous rappeler que tout cela est bidon.
Contrairement à eux qui vivent leur histoire horrifique de la manière la plus classique qui soit, on va non seulement découvrir comment les deux scientifiques y parviennent mais aussi se demander comment ils vont réussir à s’en sortir.
On aurait néanmoins aimé vivre l’expérience plus longtemps mais ce concept inédit, à la limite du tragico-comique, ne tient pas si longtemps la route. On ne va en dire d’avantage mais les derniers chapitres de l’histoire sont un gros melting pot de culture fantastique dont on se serait sans doute passé, avec une justification finale qui fera sans doute sourire quelques nerdz amateurs de vieille littérature fantastique mais qui semble sortie de nulle part.
Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir. La Cabane dans les Bois est suffisamment réussie, portée par des acteurs tous sympathiques et offrant quelque chose de pour une fois un peu novateur qu’il serait dommage de ne pas passer à coté.
– Marc

CONTRE
Film dont la sortie a été retardée pendant plus de deux ans à cause des problèmes financiers de la MGM, Cabin in the Woods semble faire le buzz dans le petit monde des films d’horreur et des films faits par et pour des amateurs de la culture geek. Il y a deux raisons principales à cela : les quelques critiques apparues ça et là sur la toile sont dithyrambiques, et Joss Whedon a participé à l’écriture du scénario. Si l’ascension de Whedon a été fulgurante et qu’il a souvent démontré être un scénariste, sinon talentueux, au moins assez intelligent pour donner à ses récits un équilibre bien trouvé entre divertissement, subversions formelles marginales, et réseau de références omniprésent, ses tentatives de révolution conceptuelle ont parfois mené à des aberrations inquiétantes (ne revoyez surtout pas Alien 4).
Cabin in the Woods serait, selon Whedon lui-même, une tentative de redorer le blason des films d’horreur, qui auraient semble-t-il perdu de leur charme depuis l’avènement du torture porn. Mais qu’en est-il donc du film ? Le genre de l’horreur a souvent reposé sur deux concepts très simples : d’abord, le spectateur s’identifie aux personnages parce qu’il n’en sait pas plus qu’eux sur la situation. S’il en voit plus, c’est parce que le narrateur manipule les points de vue afin de créer un sentiment d’impuissance chez le public, qui n’a d’autre choix que regarder les victimes endurer des souffrances psychologiques et parfois physiques insurmontables. L’autre concept repose dans la dimension voyeuriste du genre, qui exploite les pulsions sadistes de son audience.
Ainsi, Goddard et Whedon ont l’ingénieuse idée de renoncer dès le départ aux deux principes fondamentaux sur lesquels s’est établie l’horreur au cinéma. En effet, cette fascinante agence pleine de mystères et à propos de laquelle vous saurez tout est révélée au public de telle sorte que le spectateur ne partage jamais vraiment le même degré d’ignorance que les personnages. En nous mettant ainsi dans la confidence, Goddard élimine l’isolement des victimes et offre des possibilités d’échappatoire assez évidentes, rendant de fait tous les passages censés jouer sur la tension absolument inoffensifs.
Le jumpscare est le seul véritable mécanisme horrifique survivant à ce parti pris, et je ne vous apprendrai pas combien la méthode devient stérile après une petit demi-heure de pellicule, en particulier quand la réalisation fait preuve d’une ambition téléfilmique rarement égalée. Au delà d’une photographie terne et d’une mise en scène sans saveur, le cinéaste débutant utilise de très étrange façon la manipulation des points de vue, et construit ses scènes d’angoisse sans se soucier une seconde de la cohésion de sa mise en scène.
Les incohérences formelles ne sont pas les seules, puisque le scénario se permet d’accélérer son déroulement par des raccourcis un peu embarrassants. Ces facilités d’écriture pourraient à la rigueur passer inaperçues si la suspension d’incrédulité n’était pas constamment mise à rude épreuve par une histoire fort peu crédible. Pour soutenir le tout, les acteurs font ce qu’ils peuvent avec une batterie de personnages peu attachants (voire agaçants) et face à des antagonistes aussi emblématiques qu’inquiétants.

Cette cabane au fond des bois manque donc des ingrédients essentiels à la composition d’un film d’horreur efficace. Il faut bien pourtant que certains éléments aient flatté quelque attention pour qu’il soit dit du premier métrage de Goddard qu’il « changera la donne » à sa sortie et qu’il soit comparé au génial Evil Dead 2. Il semble donc que l’humour du film, presque entièrement basé sur une opposition des points de vue entre les jeunes adultes et leurs manipulateurs, en ait conquis plus d’un. Pourtant, cette forme de dérision n’a strictement rien à voir avec l’absurdité volontaire des péripéties du mythique Ash, celui-ci évoluant dans un univers comico-gore, dont l’humour forme une partie intégrante, tandis que les personnages des scénaristes de Cabin ont affaire à une tentative avouée de redéfinition des règles horrifiques dans un univers vampirisé par des retournements de situation qui ne surprendront personne d’autre qu’eux-mêmes, et ponctuée de pincements ironiques amusants.
Au delà du grand projet de retour en force de l’angoisse, Whedon et Goddard créent, grâce à leur concept, une mise en abîme intéressante du processus de création du film d’horreur. Ainsi, l’observation/manipulation ininterrompue des personnages et de leur univers tend à renforcer le pouvoir absolu qu’a l’auteur sur ses créations. Les victimes sont triturées, guidées et sacrifiées au bon vouloir d’une force qui les dépasse. Cependant, le dernier acte, qui est déclenché par la réapparition improbable d’un personnage, fait prendre au film un tournant différent et permet de réintroduire l’idée millénaire que même l’auteur se doit parfois de plier à une volonté supérieure qui induit une résistance de ses personnages à se soumettre aux ordres qui leur sont donnés. À ce titre, le chaos offert dans ce dernier quart d’heure dépasse peut-être la flatterie des amateurs de genre pour essayer d’illustrer l’idée que le pouvoir de création dépasse dans certains cas le créateur lui-même.
Si on ne doute pas de la bonne volonté des scénaristes, Cabin in the Woods se révèle être un mauvais film d’horreur sur quasiment tous les plans. N’y allez donc pas pour avoir peur. Cependant, on s’attend sans doute à une relative réussite auprès d’un public imprégné des divers mythologies qui peuplent la culture populaire. En faisant appel à des fondements de l’imagination, aussi bien tirés des classiques du cinéma que des comics, Whedon et Goddard réussissent leur pari de laisser derrière eux le torture porn au profit d’un culture porn qui, voulant jouer sur tous les tableaux et participer à tous les débats, fini par ne plus exprimer grand chose de pertinent.
-Arkaron
4 Comments
par kwyxz
De ce que je lis de la critique « Contre », il semble qu’Arkaron n’ait pas aimé le film tout simplement parce qu’il voulait un film d’horreur, et que The Cabin in the Woods n’en est pas un. Comme le dit la critique « Pour », si la justification finale est bidon et qu’on pouvait tout à fait s’en passer, c’est tout simplement parce que le contrat est rempli à partir du moment où tous les poncifs ont été passés en revue (sans parlers des personnages emblématiques). Cabin in the Woods est un film qui se moque des gimmicks du film d’horreur : il ne fait jamais peur, et n’en a pas la vocation.
par Marc
Ca me fait d’ailleurs penser qu’il réussit là où Scream 3-4 se plante…
par Arkaron
Je ne m’attendais à rien en allant voir ce film.
Je comprends ce que vous voulez dire, mais je me permets de croire qu’il reste une volonté certaine de faire peur au spectateur. Sinon, quel intérêt de s’attarder sur des plans longs de 15-20 secondes rompus par un jumpscare ? Et surtout, quel intérêt de le faire plusieurs fois ?
Si les scénaristes voulaient décortiquer les codes horrifiques, pardonnez-moi mais c’est un échec. Tout ce qu’ils parviennent à mettre en exergue, c’est la manipulation des points de vue… et leur parti pris leur empêche justement de manipuler quoi que ce soit !