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NIFFF #8 : Frank & Zed, Post Mortem, Wild Men, My Missing Valentine, A Glitch in the Matrix

Le Festival du Film Fantastique de Neuchatel s’est terminé ce weekend, récompensant Lapsis du prix H.R Giger du Meilleur Film. Le Meliès d’Argent a été attribué à Boys From County Hell (le reste du palmarès est ici). Merci aux équipes du NIFFF pour le boulot accompli, on a déjà hâte de revenir en 2022.

Frank & Zed (2020) de Jesse Blanchard

Après avoir récolté plus de 20 000 dollars avec une campagne de crowdfunding en 2017, la folle équipe de Puppetcore a pu financer son premier long-métrage Frank & Zed, qui fait désormais le tour des festivals.
Un projet hyper attachant sur le papier, puisque cette société de production est spécialisée dans le cinéma de marionnettes gore, comme ils l’avaient magnifiquement prouvé avec leur court-métrage Shine. 6 ans de travail plus tard, voici donc les aventures de Frank pour la créature de Frankenstein et de Zed pour zombie, un duo de monstres qui vit dans un château gothique en ruines, aux abords d’un village dont le roi a passé un pacte avec un démon pour éviter un massacre par le passé.

Quelques esprits mal intentionnés vont venir mettre à mal tout ça, et notre duo principal mal léché va se retrouver pris pour cible par les villageois, ce qui risque évidemment de finir dans un foutoir total.
Dès son introduction, Frank & Zed impressionne par certains décors et l’ampleur qu’il parvient à donner à son univers en jouant avec les codes de tout un pan du cinéma d’horreur, l’âge d’or de la Hammer étant cité à tort et à travers. Cette déférence absolue, ainsi que des trouvailles visuelles amusantes à l’instar des yeux qui deviennent des croix dès que les gens meurent, donnent à croire que l’ensemble va être un régal du début à la fin, d’autant que si les marionnettes humaines ont des têtes assez semblables, les deux héros bénéficient d’une conception incroyable, à l’image d’un Zed en pleine décomposition qui s’avère réellement écœurant à l’écran tant il suinte la pourriture, quand il ne perd pas un membre à chaque action entreprise.

Une envie de bien faire qui se retrouve jusque dans l’excellent score de Michael Richard Plowman, dont la qualité de production étonne sincèrement pour un aussi petit film.
Hélas, mille fois hélas, Frank & Zed prend un sacré coup dans le pif sur la durée, tant il devient répétitif dans ses scènes et dans son découpage, la logistique des marionnettes obligeant la production à privilégier des cadres assez serrés, qui finissent par tous se ressembler, surtout dans la demi-heure finale de massacre intégrale, qui montre pourtant une maitrise des effets gores assez géniale sur des objets pareils. Une redondance qui finit par user tant le film devient monotone thématiquement, visuellement et dans son humour, même si il faut à l’inverse saluer les auteurs pour être aller au bout de leur délire, et qu’il est bien difficile de leur en porter rigueur quand on voit un bout de making-of en générique de fin, qui transpire l’amour pour leur support et le grand guignol, et qui montre à quel point cette bande de joyeux lurons semble s’être éclatée en produisant un film pareil.

On aurait aimé être autant en délire qu’eux, mais cela n’empêche pas Frank & Zed d’être terriblement attachant, et on leur souhaite de parfaire leur art par la suite.

Post Mortem (2020) de Péter Bergendy

Après avoir miraculeusement survécu à la Première Guerre Mondiale, un soldat hongrois se lance dans la photographie mortuaire et va être approché par une petite fille lui conseillant de venir dans son village dans lequel rôderaient quelques fantômes…

Si les Américains écument les films d’horreur avec portes qui claquent, plafonds qui grincent et sièges qui bougent tout seul, il n’y a pas de raison que la Hongrie ne s’y mette pas aussi, et elle a le mérite de raccrocher le genre dans son histoire, avec une production dont on sent quelque peu les limites au niveau des décors et des costumes, ce qu’elle compense par une photo parfois inspirée.
Post Mortem offre même quelques passages macabres troublants et réussis lorsque le héros photographie des familles du village avec leurs défunts pour les immortaliser, conciliant un certain lyrisme avec un sentiment évidemment pesant compte tenu de la situation.

Pour le reste, et même si le duo principal entre le héros et la petite fille qui forme un duo d’enquêteurs pas comme les autres possède une alchimie assez tendre, Post Mortem sert globalement toutes les scènes typiques de ce genre de film, avec des effets spéciaux pas toujours heureux pour les silhouettes ombragées qui menacent le village, et les sempiternelles montées de suspense servies par un sound-design assourdissant qui est censé rendre spectaculaire un tremblement de meubles, ou un cadavre qui gigote en arrière-plan en vous faisant vriller les tympans avec des violons stridents. Assez ringard dans ses effets horrifiques, le film les utilise pourtant de plus en plus au point de tomber dans le ridicule le plus total devant certaines situations, où les acteurs semblent eux-mêmes en décalage avec l’action. Cette envie de servir de l’effroi à outrance tire le film vers le bas, malgré des intentions nobles sur le décorum historique et la volonté d’approcher thématiquement la figure du fantôme avec considération pour leur parcours, ce qui amène un enjeu émotionnel intéressant bien que gâché par la forme.

Bref, un essai intéressant mais loin d’être abouti.

Wild Men (2021) de Thomas Daneskov

Du jour au lendemain, un homme quitte famille et boulot pour aller se planquer au fin fond d’un immense territoire forestier, afin de retrouver ses racines et de mener une existence primaire, avec peaux de bête sur le dos, un arc et une hache pour chasser et le strict minimum pour renouer avec ses racines.
Mais le bougre en question sous-estimait quelque peu le quotidien d’un survivaliste, et la rencontre avec un passeur de drogue en cavale va faire dégénérer la situation !

Comédie à l’humour noir et décalé, Wild Men remet en perspective une certaine masculinité en crise en ayant aussi à cœur de comprendre la raison de tels comportements, ne tournant pas toujours tout en dérision et offrant par instant le témoignage touchant d’un être dépassé par son train de vie habituel.
Le taux de connerie reste tout de même élevé, et le film prend un malin plaisir à déconstruire l’hypocrisie et l’absurdité de tout un tas de codes sociaux et des apparences, en enchaînant les quiproquos et les scènes cocasses, arrivant petit à petit sur le terrain des frères Coen, sans en avoir le génie évidemment.

Avec une tenue visuelle de qualité, bien aidée par des paysages somptueux, et un casting inspiré, le cinéaste Thomas Daneskov déroule son programme sans temps mort et vise juste tout du long.

My Missing Valentine (2020) de Tu-Hsun Chen

Une trentenaire mène sa vie de postière un peu trop tranquillement et rencontre un homme tout à fait charmant, avec qui elle prévoit de passer enfin une Saint Valentin à 2.
Sauf que le jour J, elle se réveille en réalité le lendemain et n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé la veille, tout en étant incapable de remettre la main sur le garçon en question…

Si le pitch ne le laisse pas forcément deviner, My Missing Valentine est bel et bien une comédie romantique et un film avant tout léger, mais qui tort complétement la structure du genre et s’avère être une intrigue à tiroirs, avec 2 parties distinctes chacune du point de vue d’un personnage.
Le récit réserve bien des surprises et s’aventure parfois sur un terrain pour le moins étonnant, que certains qualifieraient vite de creepy ou de malsain, ce qui serait mal connaître la culture taïwanaise où les rapports hommes-femmes sont globalement beaucoup plus naïfs et bons enfants.
Difficile d’en dire plus sans spoiler, mais le résultat s’avère d’une tendresse infinie tout en étant très bien rythmé, ce qui lui a d’ailleurs valu plusieurs prix à la dernière cérémonie des Golden Horse Awards, les Césars locaux, dont meilleur scénario, meilleure réalisation et meilleur film !

Déjà disponible dans certains pays sur Netflix, on a plus qu’à espérer que la branche française le mette à disposition tant le résultat est drôle et ravissant, avec des révélations touchantes et un final bien plus émouvant qu’attendu, le tout faisant de My Missing Valentine une vraie bouffée d’air frais.

A Glitch in the Matrix (2021) de Rodney Ascher

Le réalisateur Rodney Ascher s’est fait une petite réputation ces dernières années dans le milieu du documentaire, avec notamment Room 237, dédié à toutes les théories folles qui entourent Shining de Stanley Kubrick, ou encore The Nightmare sur la paralysie du sommeil.
Changement de cap une fois encore avec ce glitch dans la matrice, qui explore au travers de plusieurs témoignages et faits divers la théorie de la simulation.

Popularisé par les Wachowski avec Matrix, cette théorie consiste à croire que les hommes vivent dans un monde simulé et ne sont donc pas libres de leur destin, la réalité étant ailleurs.
Sommes-nous branché à une machine, qui seraient ceux qui nous contrôlent, les autres existent-ils vraiment, tout cela se passe-t-il dans notre tête…?
Autant de questions aussi folles que fascinantes, que le documentaire aborde en mettant en avant des noms prestigieux, notamment avec des images d’archives d’une conférence donnée à Metz en 1977 par le célèbre auteur de science-fiction Philip K. Dick, qui y croyait dur comme fer et étayait son propos devant un auditoire interloqué.

Ascher n’en étant pas à son premier coup d’essai, il donne une forme spéciale à l’ensemble pour dépasser la simple succession d’interviews et de thèses, en donnant notamment à ses intervenants des avatars digitaux pour mieux embrasser l’esthétique du numérique et du digital.
Reposant abondamment sur des images de synthèse, l’ensemble s’avère être un voyage un peu surréaliste, qui nécessite un minimum d’accroche préalable au sujet pour s’y intéresser sous peine de prendre tout ce beau monde pour une brochette de cinglés.
Cela dit, le thème global englobe des questionnements métaphysiques et philosophiques qui dépassent le simple cadre de la simulation, donnant une profondeur à l’ensemble assez fascinante, et il y a aussi une narration plus directe pour décrire un fait divers glaçant qui découle de tout ça.

Au final, A Glitch in the Matrix est aussi fou que son sujet qu’il embrasse à bras-le-corps, et ça en fait un objet aussi déroutant que captivant.

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