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NIFFF #7 : Marygoround, Censor, Ok Madam, Coming Home in the Dark, In The Earth

Marygoround, de Daria Woszek (2021)

Direction la Pologne pour l’histoire d’une femme qui fête tout juste son cinquantième anniversaire et qui s’apprête à passer par une crise psychologique et spirituelle majeure au passage.
Et pour cause : elle est encore vierge !

Alors c’est bien gentil d’avoir vécu une vie de nonne durant toutes ces décennies, d’être restée polie et dans les clous à son travail dans une supérette, d’avoir blindé son appartement de statuettes de la vierge marie pour accompagner les murs aux motifs floraux et d’accueillir à tout moment une nièce encore dans ses jeunes années qui enchaîne les soirées et les conquêtes, mais il y a un moment où tout ça vole en éclats, et c’est l’occasion pour la réalisatrice Daria Woszek de questionner la sexualité et le désir passé un certain âge tout en remettant en perspective la ferveur religieuse. Le tout est fait évidemment avec humour et un certain sens esthétique, comme en témoigne quelques passages psychédéliques, ou devrait-on dire plus perchés, mais Marygoround repose aussi sur un tempérament assez lent à l’image de son personnage, et il faut bien avouer que dans l’ensemble, ce que le film raconte est plus intéressant que le long-métrage lui-même, qui provoque certaines péripéties un peu abruptement, et qui possède un côté sans doute déceptif tant il reste assez sage au final.

Cela ne l’empêche en rien d’avoir du chien, et de travailler avec poésie un sujet casse-gueule, sans jamais tomber dans la vulgarité.

Censor, de Prano Bailey-Bond (2021)

Dès que vous allez voir un film, celui-ci est passé par un comité de classification qui vérifie à quel âge s’adresse la chose. Et bien fût un temps, ce même genre de comité pouvait censurer ou ordonner des coupes sur les œuvres hautement sensibles, et c’est le job de l’héroïne de Censor, qui se déroule à Londres dans les années 60.

A force de voir passer toute la journée des images gores et ultra violentes, l’esprit peut prendre un sale coup, un postulat évidemment pertinent et excitant pour les festivaliers d’un évènement comme le NIFFF, où l’on vient aussi pour prendre des tonnes d’hémoglobine dans les mirettes. Questionner ce goût du grand guignol et de l’extrême, comprendre pourquoi ces images peuvent provoquer une telle fascination, et éventuellement analyser leur influence…

Un sujet délicat, tant il peut tomber dans la dénonciation un peu facile ou grossière, à côté duquel le film de Prano Bailey-Bond passe un peu puisqu’il raccroche vite les wagons au passé de son héroïne pour justifier son intrigue, avec une pellicule mystère ayant une étrange proximité avec des éléments sombres de son enfance. Ce virage sur des rails plus proches du cinéma fantastique classique limite le travail de réflexion sur le genre et l’imagerie gore, le fond psychologique ayant soudain une justification toute trouvée, qui limite grandement la profondeur du récit malgré une mise en scène tenue de bout en bout, avec un vrai soin apporté à la reconstitution d’époque et à la recréation de tout un univers filmique.

Si ces choix limitent la densité de Censor, sa tenue globale et son atmosphère de plus en plus malade en font malgré tout un film assez plaisant, qui semble prendre un vrai plaisir à recréer toute une époque du 7ème art.

Ok Madam, de Cheol-Ha Lee (2020)

Prenez deux parents débordés et leur petite fille ronchon qui mènent une vie tout à fait banale en Corée du Sud, et imaginez soudain qu’ils gagnent un concours et se retrouvent dans un avion pour partir à Hawaï en vacances.

Jusqu’ici tout va bien, mais manque de pot, une prise d’otages va avoir lieu en plein vol, et c’est le moment opportun pour Ok Madam de partir en furie puisque son héroïne, une femme au foyer tout ce qu’il y a de plus cliché, va se mettre alors à dérouiller tout le monde avec une maitrise des arts martiaux stupéfiante, qui viendrait d’un passé lointain…

Comédie d’action joyeuse et bonne enfant, Ok Madam met en avant une galerie de personnages rigolos comme tout et attachants pour alimenter son joyeux bazar, en revendiquant ouvertement sa cible familiale pour une tonalité d’ensemble jamais trop violente ou percutante, qui ne l’empêche pas d’avoir les combats bien chorégraphiés. Sur un rythme efficace qui dose pointilleusement ses péripéties tout comme ses sous-intrigues amusantes entre les passagers, l’ensemble passe comme une lettre à la poste, et on imagine d’ailleurs sans mal que le concept puisse être repris et adapté à d’autres, à condition de savoir gérer et mélanger la partie action et combats avec le reste du récit, ce sur quoi le cinéma asiatique a souvent une longueur d’avance comme il le prouve ici avec un savoir-faire incontestable.

Coming Home in the Dark (2021) de James Ashcroft

Curieuse expérience que d’enchaîner Ok Madam avec Coming Home in the Dark, dont le postulat de base pourrait être « presque » semblable, avec ici une famille de 4 personnes qui part en pique-nique dans les landes néo-zélandaises, pour un moment de convivialité qui va vite tourner court avec l’arrivée de deux inconnus menaçants et armés décidant de mener à la baguette les 4 individus.

Prenez la violence sèche et gratuite d’un Funny Games ou d’un Chiens de Paille et situez la dans un survival sous forme de road movie nocturne, vous aurez alors une petite idée du premier film de James Ashcroft qui ne retient aucun coup et offre un récit à l’exposition glaçante, sans jamais tomber dans la complaisance graphique avec très peu de choses montrées à l’écran, pour mieux mettre l’accent sur le thriller psychologique et un suspense lourd, avec des parents en pleine incompréhension et détresse face à l’horreur et l’injustice de la situation.

Un vrai film de genre, sur des codes assez classiques certes, mais qui les maîtrise pleinement dans sa première partie au cordeau, jusqu’à un retournement scénaristique amenant de la nuance au récit, en diluant son manichéisme de base avec une justification éventuelle à l’ensemble.
Une manœuvre louable sur le papier mais assez malheureuse dans son exécution, puisqu’elle omet la gratuité de la violence présentée en lui donnant une certaine raison d’être, ce qui coupe court à l’effroi qu’elle pouvait susciter puisqu’on la « comprend » désormais.
Par conséquent, la deuxième partie du film jusqu’à sa conclusion sont beaucoup plus prévisibles et grossiers, le tout finissant par trop tirer sur la corde pour qu’on y croit encore.

Malgré cela, Coming Home in the Dark démarre bel et bien sur les chapeaux de roues, et sait délivrer quelques sueurs froides des plus inconfortables.

In The Earth, de Ben Wheatley (2021)

Dire qu’on aime bien Ben Wheatley serait un euphémisme puisqu’on le suit depuis la présentation à l’Etrange Festival de son deuxième film et véritable choc Kill List.
Sauf que ce bon vieux Ben n’a jamais remis le couvert aussi fortement, et a même fini par décevoir récemment avec son remake unanimement conspué du Rebecca de Hitchcock pour Netflix.

Avant de partir sur le blockbuster The Meg 2, il a voulu renouer avec ses origines indé et a réalisé en pleine pandémie le film d’horreur In The Earth, où deux chercheurs partent faire des études sur la faune et la flore en pleine forêt, jusqu’à ce qu’ils leur arrivent des bricoles !

Véritable film post-Covid, puisque l’humanité est aussi sujette à un virus mondial au sein du film, In The Earth pouvait faire craindre son tournage un peu guerilla et une facture cheap.
Il n’en est heureusement rien malgré son échelle relativement petite, car l’anglais part très vite dans des expérimentations visuelles pour faire phaser le spectateur avec ses personnages, en déployant la grammaire automatique de ce genre de séquence, à base de montage épileptique, de stroboscope et d’images noyées dans les plages de couleur criardes. Tout ça sur fond d’écologie et de nature revancharde avec des personnages un peu trop dévoués à la cause, ce qui pousse le film malheureusement à répéter tout un pan de son scénario passé la première heure.

Wheatley, seul au scénario, tire inutilement en longueur en rabâchant quelques scènes et effets sans grande raison, là où il aurait pu aller à l’essentiel plus vite et gagner en impact, comme s’il craignait de ne pas avoir assez pour tenir la durée réglementaire, et c’est d’autant plus regrettable qu’il ne semblait pas impossible de synthétiser et de garder les différentes facettes de son histoire dans une intrigue plus simple.

Le tout pèse grandement sur le rythme et l’intérêt suscité par In The Earth, dans lequel on retrouve tout de même par moment la touche de sale gosse du cinéaste britannique, ce qui renforce notre léger embarras face à un film qu’on aimerait sincèrement apprécier, mais qui aurait sans doute mérité un script doctor pour en tirer la substantifique moelle.

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