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NIFFF #6 : Swiss Army Man, Bad Cat, Mi Gran Noche
L’article que vous avez sous les yeux, c’est un peu nos « Lost Episodes » à nous, ceux qu’on diffuse bien après l’arrêt de la série et qui n’ont pas été mis en ligne pour d’obscurs raisons.
Ca n’enlève rien à leurs qualités, ces mini-critiques de films vus au NIFFF étant notamment consacrée à Kiyoshi Kurosawa, à Mi Gran Noche d’Alex de la Iglesia ou encore au fameux Swiss Army Man avec Paul Dano et Daniel Radcliffe.
Creepy, de Kiyoshi Kurosawa
Par Basile – Un jeune inspecteur de police spécialisé dans les serial killers prend sa retraite et déménage avec sa femme dans un nouveau quartier. Leur nouvelle voisine n’est guère avenante et l’autre voisin est carrément bizarre… Si Creepy fait montre des mêmes qualités que Psycho Ramaan dans sa manière de faire monter le malaise dès lors que le psychopathe fait intrusion dans l’intimité du couple, il finit malheureusement par se perdre en cours de route. En partie à cause d’une durée trop longue mais surtout par la faute d’un ressort scénaristique absolument inacceptable (une drogue quasi magique qui rend docile les protagonistes) qui fait voler la suspension d’incrédulité en éclats. Dommage car cette vision clinique de la cellule familiale japonaise ne manque pas d’intérêt.
Mi Gran Noche, d’Alex de la Iglesia (2016)
Par Basile – Après le grand guignolesque et joyeusement païen Sorcières de Zugarramurdi, Álex de la Iglesia revient aux affaires en proposant un spectacle tout aussi énergique mais nettement plus cadré. Dans Mi Gran Noche, il se frotte à un huis clos aux dimensions confortables (un gigantesque plateau télé assiégé par des manifestants, dans lequel se tourne une émission ringarde de fête de fin d’année). Mais il ne s’assagit pas pour autant et s’endort encore moins sur ses lauriers en composant une toile de personnages et de petits destins absolument magistrale. On passe d’un arc narratif à l’autre en virevoltant sans jamais se perdre et l’humour féroce de l’ensemble ne laisse aucun répit (pour notre plus grand bonheur). Une leçon d’écriture et de mise en scène, qui ne confond jamais frénésie avec hystérie. Un bémol peut-être, on s’attend à une fin beaucoup plus explosive, où les différents enjeux se télescoperaient de façon apocalyptique, mais de la Iglésia préfère rester sobre.
Tenemos la Carne, d’Emiliano Rocha Minter
Par Arkaron – Dans un Mexique post-apocalyptique, un frère et une sœur acceptent d’aider un mystérieux individu à compléter ses étranges travaux en échange de nourriture et d’un abri. Très vite, celui-ci les oblige à se soumettre à d’impensables rituels sexuels qui ébranleront les règles sociétales ayant régi leurs vies. Le premier film court (1h15) du réalisateur Emiliano Rocha Minter est à mi-chemin entre œuvre auteuristo-autiste et expérimentation cinématographique géniale. C’est d’ailleurs pour ça que la demi-mesure est difficile : soit l’on adhère à l’approche, soit on la rejette, et personne n’aurait tort ou raison. De filtres multicolores en images se voulant subversives, le Mexicain tente de réorganiser le rapport de l’homme à sa propre chair et à celle des autres. C’est le retour de l’idée selon laquelle tous les systèmes de pensée s’effondreraient en même temps que le monde, ou peu après, pour renaître sous une forme différente. Quelques monologues souvent abscons ponctuent les scènes de coïte et d’errance métaphysique afin de distiller les intentions intellectuelles du film, qui est promis, par sa forme au moins, à une belle carrière de festivals. Dommage que l’ultime scène détruise absolument tout ce qui précède.
HK2: Abnormal Crisis, d’Yûichi Fukuda
Par Arkaron -On le croyait de retour plus en forme que jamais, mais hélas, le pervers Hentai Kamen se contente de renfiler quelques culottes et de singer la structure narrative de Spider-Man 2 de Sam Raimi (jusqu’à en plagier certaines scènes) sans retrouver l’euphorie généreuse du premier volet. Certes, l’un de ses nouveaux adversaires, l’aspireur de strings, est fort bien senti, mais cela ne suffit pas à relever le manque cruel de renouvellement dans l’inventivité de l’action qui caractérisait autrefois le personnage. Souffrant également de lenteurs narratives handicapantes (tout le passage chez le vieux sage pourrait être retiré) et de trop nombreuses répétitions, cette suite donnera seulement envie de revoir le premier (ou de se refaire les Spider-Man, au choix) pour l’oublier. Passe encore tard le soir en festival, mais guère plus.
El Paramo, de Jaime Osorio Marquez
Par Arkaron – Film d’horreur mettant en scène une escouade militaire qui se rend en montagne pour enquêter sur une base ayant coupé toute communication, le film de Jaime Osorio Marquez est basé sur d’excellentes idées s’attardant sur les spécificités culturelles de la Colombie et les traumas de la guerre civile ayant ravagé le pays. On retiendra donc surtout le climat de paranoïa s’installant petit à petit, et la résolution plutôt bien pensée de l’histoire. Malheureusement, l’exécution pêche en de nombreux points, à commencer par le rythme catastrophique du métrage, qui se permet de ne rien mettre en scène pendant 45 minutes, soit la moitié de sa durée. La dimension horrifique est trop tenue en laisse pour convaincre, et quiconque est peu réceptif au sous-texte sociétal aura tôt fait de s’endormir.
Daemonium Underground Soldier (2015) de Pablo Pares
Par Jean-Victor – A la base petit court métrage fait entre potes argentins, Daemonium a rencontré rapidement le succès sur Internet, développant une base de fans assez importante dans son pays d’origine et aussi à l’international, notamment en Russie. L’opportunité se présentant, le projet a grossit pour devenir une web série, puis carrément un long-métrage produit sur 5 ans durant les week ends et avec les moyens du bord. Histoire que l’entreprise soit bien drôle, le tout met en scène un univers post apocalyptique bien foutraque, dans un pot-pourri d’influences geeks digérées et recrachées n’importe comment. Des démons gorasses à la Clive Barker côtoient des soldats sortis de Mad Max ou de Matrix, en se mettant joyeusement sur la tronche dans des combats qui évoquent aussi bien Dragon Ball Z que les actionners des années 80. Le scénario est du même tonneau, avec une histoire d’amour tragique balancée au beau milieu d’un combat pour la survie du monde, avec plusieurs factions se renvoyant la politesse à longueur de film. Bon, c’est fauché, c’est le bordel, c’est rarement de bon goût, on a souvent l’impression d’être face à une œuvre pensée par des cosplayeurs lors d’un comic con et ça n’a ni queue ni tête, et pourtant !
Force est de constater que cet énergumène filmique fait preuve d’une énergie parfois contagieuse et d’une sincérité attachante tant l’ensemble transpire l’amour des imaginaires SF aussi tarés que débridés.
Les effets spéciaux sont suffisamment soignés pour que le tout soit regardable, bien que la réalisation soit dans l’ensemble bancale avec une photo qui suinte le numérique bon marché mais si on accepte les conditions de production amatrices, le tout possède un capital sympathie évident.
The Greasy Strangler (2016) de Jim Hosking
Par Jean-Victor – Précédé d’un buzz en festival assez important et d’un trailer hallucinogène, The Greasy Strangler débarquait à fond la caisse en séance d’une heure du matin au NIFFF pour bien éclabousser les spectateurs avec la plus grande quantité de graisse possible. Mettant en scène un père et son fils âgés, vieux garçons, gras, moches et à peu près tous les adjectifs qualificatifs négatifs possibles, le film de Jim Hosking est l’une des nouvelles productions de SpectreVision, la boite spécialisée dans l’horreur d’Elijah Wood. Surtout, c’est sûrement à ce jour le plus bel accomplissement de l’entreprise tant ce qui ressemble à un film indé en mode Sundance s’avère être un formidable pétage de câble déviant.
Son grotesque duo s’en donne à cœur joie pour taper dans certains sujets tabous sans détour sans oublier de voir quelques personnes se faire sauvagement assassiner par un type couvert de graisse ! On assiste donc médusé à un défilé de corps énormes nus comme des vers qui forniquent et se dandinent sans complexe, avec des dialogues gogols jouant sur l’art de la répétition jusqu’à l’usure, dans un timing comique qui met vos nerfs à dure épreuve pour mieux les faire exploser.
Aussi corrosif et méchant que drôle, The Greasy Strangler est une réussite par sa capacité à faire monter le curseur de l’improbable un peu plus à chaque scène, en repoussant sans cesse les limites du politiquement correct. On en ressort avec l’envie violente de prendre une douche, et surtout avec les zygomatiques en miettes pour peu que le surplus d’huile de vous fasse pas froid aux yeux.
Girl Asleep (2016) de Rosemary Myers
Par Jean-Victor – Il y a des films comme ça où l’on sent rapidement la douille venir. Dès son premier plan, Girl Asleep dégueule le Wes Anderson par tous les photogrammes, avec un univers, une mise en scène et une histoire tellement décalquée sur son modèle que cela en devient suspect, à la limite de plagiat. Avec son adolescente arrivant dans un nouveau lycée où elle peine à s’intégrer et qui se retrouve à devoir supporter une fête d’anniversaire en son honneur qu’elle ne désirait pas, la première demi-heure du film est un numéro de décalcomanie curieux, certes pas désagréable, mais trop gros pour être honnête.
Sauf que la cinéaste Rosemary Myers semble bien consciente de ses faits et gestes lorsque son héroïne bascule dans un univers onirique sombre, où elle rencontre les êtres étranges peuplant ses rêves dans un périple à la Alice au Pays des Merveilles sauce carton-pâte. Brisant quelque peu ses gimmicks formels, la réalisatrice emballe alors un conte étrange, plutôt bien senti et portée par une jeune actrice talentueuse, avant de retomber sur ses pattes avec délicatesse et en montrant qu’elle peut s’éloigner du modèle écrasant du début de film. Bon, ça reste des couleurs pétantes dans un format 4/3 aussi à la fin, mais au moins le film a embrassé un univers fantastique entre temps, et nous a même offert des scènes de fête sur du bon vieux disco ! Et s’il y a bien un truc auquel je ne peux pas résister, c’est le disco…
Swiss Army Man (2016) de Daniel Scheinert & Dan Kwan
Par Jean-Victor – Paul Dano a de la chance tout de même. Alors qu’il est seul, désespéré et sur le point de se pendre sur une île déserte, voilà qu’il découvre un cadavre péteur sur la plage ! Et non seulement ce cadavre pète tellement fort qu’il se transforme en jet ski sur les eaux mais en plus, c’est Daniel Radcliffe !
Avec son pitch totalement absurde et son personne pas trop mort ni trop vivant dont le corps sert de couteau suisse surpuissant, Swiss Army Man a tôt fait de faire parler le buzz par son trailer.
Et si on pouvait craindre la blague rigolote qui tourne rapidement à vide, le film nous prend doublement en surprise en se transformant en une très belle histoire d’amitié accompagnée d’une quête existentielle incongrue mais non moins touchante ! Alors oui, les Daniels érigent le pet en un véritable art de vivre, mais nous rappelle aussi que ce dernier peut être source d’émotions profondes et au cas où on en douterait encore, ils le prouvent par la force des choses dans un crescendo dramatique des plus efficaces. Un film américain indé à concept qui se tient de bout en bout et délivre bien plus qu’on ne le pensait, ça existe encore en 2016 !
Bad Cat (2016) de Ayse Ünal & Mehmet Kurtulus
Par Jean-Victor – Bad Cat, c’est l’histoire d’un chat méchant. Jusque-là, rien de sorcier, surtout qu’en étant un fumeur de pétard invétéré, un obsédé sexuel notoire et un pilier de comptoir, ce chat animé venu tout droit de Turquie n’a apriori rien de nouveau par rapport à un Ted dans le genre figure mignonne pervertie.
Sauf que nos amis turcs ont poussé le délire dans ses derniers retranchements, en faisant de leur héros un taré notoire, notamment quand il va rendre visite à la nouvelle chatte du voisinage, qui va mourir cramée devant ses yeux par peur de ce dernier. Vous avez dit humour noir ? Ça tombe bien, ce film d’animation en images de synthèse cultive les situations corrosives et les répliques cinglantes avec énergie, certains passages ayant tout d’un Tex Avery numérique déluré. Si la facture technique n’est pas à la hauteur des gros studios US, l’ensemble parvient à surprendre à plusieurs reprises par sa hargne et la violence dont il est capable, mettant un immense coup de pied au cul des sempiternelles minionneries et autres animaux gentils qui défilent dans nos cinémas. C’est sûr, on ne s’adresse pas aux gamins, mais qui a dit que les grands n’avaient pas le droit de rire devant un dessin animé ?
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