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NIFFF ’23 : From The End of The World, Superposition, Mad Fate, Tiger Stripes

From The End of The World (2023) de Kiriya Kazuaki

En 2004, Kiriya Kazuaki fût remarqué sur la scène internationale avec Casshern, film d’action ultra ambitieux qui utilisait abondamment les fonds verts et faisait preuve d’une liberté formelle assez novatrice pour l’époque. Presque 20 ans après, l’ambition du bonhomme ne s’est pas tarie comme il le prouve avec From The End of the World, l’histoire d’une adolescente de 17 ans dont la vie vole en éclats à la mort de sa grand-mère chez qui elle vit, et qui va être prise de visions dans ses rêves la plongeant en pleine période de guerre samouraï. Des retours dans le passé loin d’être anodins, puisqu’ils possèdent des indices qui pourront peut-être sauver l’humanité comme elle va vite s’en rendre compte lorsqu’une  organisation secrète va rentrer en contact avec elle, et la mettre au centre d’un conflit à l’importance cruciale. Tout ça en essayant de joindre les deux bouts, de faire face à une harceleuse au lycée et en étant à fleur de peau. Pfiou. Ambitieux, on disait ?

Que ce soit dans ses images au passé dans un noir et blanc très classieux et ses multiples intrigues qui croisent pêle-mêle Assassin’s Creed et Cloud Atlas, difficile de rester de marbre face à un projet aussi copieux, où le fantastique et l’imposant mille-feuilles narratif sont avant tout au service de l’héroïne et de ses émois, le tout étant évidemment une métaphore à peine cachée sur le conflit intérieure de la demoiselle dont le monde s’écroule.
Avec ses délires fantastiques de sociétés secrètes et d’acteurs multiples, le tout passe malheureusement par des tartines de dialogues à tout va, explicitant en détail le fonctionnement de l’ensemble et les ramifications philosophiques et existentielles aussi bien que les règles de base de tout ce bazar, et comme tout ça est couplé à de grosses louches de sentiments à la japonaise, avec des personnages au volume sonore souvent élevé, qui n’hésitent pas à rabâcher plusieurs fois leurs états d’âmes, le film s’avère poussif dans sa construction, d’autant qu’il jongle et tourne un peu en rond sur les évolutions mentales de son sujet, qui fait le yoyo entre chaud et le froid à plusieurs reprises, atténuant la force du final.

Bref, un film qui souffre quelque peu de son envie d’y aller à fond, et qui aurait gagné à utiliser plus la forme et le montage pour mettre en corrélation ses différentes strates, plutôt que de se reposer autant sur ses dialogues. Cela étant, difficile de ne pas saluer l’entreprise, véritablement incarnée, et qui possède un souffle certain.

Superposition (2023) de Karolyne Lyngbye

Vous en avez marre de la vie en ville, du bruit constant, de ce monde superficiel obsédé par sa propre image et déconnecté du naturel ? C’est le cas d’un couple de jeunes parents danois qui part s’isoler à la campagne dans un trou perdu, pour vivre en total autonomie avec leur jeune fils et se retrouver.
En bons hipsters un peu paradoxaux, tout ça est documenté par un podcast un chouilla égocentrique, le tout dans une maison avec tout le confort moderne, loin d’un délire survivaliste poussé…
Mais c’est l’intention qui compte.
Et en parlant de se retrouver soi-même, ils vont avoir une drôle de surprise en croisant des inconnus dans le coin, qui s’avèrent être leur double !

Voilà pour le synopsis de Superposition, qui met une bonne heure à démarrer et s’appuie abondamment sur le caractère quelque peu superficiel de son couple pour meubler, avec un scénario pétri de facilités, notamment autour du gamin complètement transparent pendant 20 minutes, avant de monopoliser l’intention de ses mauvais parents pendant les 15 suivantes, pour redevenir invisible ensuite, etc.

Manquant cruellement de rigueur narrative, Superposition a en plus le chic de faire réagir ses personnages de manière hâtive et précipitée aux évènements, et le tout ne devient réellement intéressant que dans son dernier tiers, quand enfin la confrontation avec les doubles se joue, même si là encore, le film se focalise sur ce qui l’intéresse et met le reste sous le tapis, avec une crédibilité d’ensemble jamais probante. Bref, un petit exercice de genre trop superficiel pour convaincre, et qui semble constamment effleurer son sujet.

Mad Fate (2023) de Soi Cheang

Il y a deux ans, on retrouvait le réalisateur hong-kongais Soi Cheang pour Limbo, polar flamboyant dont le postulat de base assez balisé était transcendé par un flacon splendide.
Le voilà de retour avec un projet zinzin, et produit excusez du peu par Johnnie To, puisque le héros de Mad Fate est un diseur de bonne aventure qui fait tout dans l’intro pour conjurer le sort d’une prostituée, persuadé que c’est sa dernière journée à vivre, et essayant de la faire passer pour morte aux yeux de Dieu en simulant une fausse mise en terre dans un cimetière, sous un orage torrentiel. Manque de bol, à peine rentrée chez elle, la pauvre va subir un concours de circonstances pas vraiment favorable pour elle, avec un serial killer passant par là…

En terme d’entrée en matière, difficile de trouver à redire à Mad Fate, tant le film met les pieds dans le plat directement, avec une ambiance crasseuse et désabusée teinté d’humour sacrément noir, où l’on assiste impuissant à un effet papillon tragique, avec chaque pièce du puzzle qui s’emboîte par le fruit du hasard (ou pas ?), pour mener à une conclusion sanglante.
Notre héros spirituellement autre va vite tenter de remédier à un tel drame en tombant sur un livreur témoin du meurtre, dont la vue du corps l’a chamboulé et fait vrillé dans le côté obscur, et le film devient une drôle de course et de buddy movie, avec un mentor faisant tout pour empêcher son élève d’être un psychopathe ! Hélas, ce pitch alléchant va quelque peu tourner en rond, la faute à une caractérisation au burin (en gros, c’est noir ou blanc, pas de nuances), tout le récit voulant mettre en avant des personnages au bord du gouffre, qui vivent chaque instant en étant à cran, hurlant constamment, ultra turbulents, tapant dans tout ce qui bouge… Bref.

Mad Fate en devient quelque peu usant, et ne retrouve jamais l’énergie et la fluidité de sa géniale première demi-heure, sans pour autant démériter dans son envie d’aller au bout des choses et de dépeindre une humanité en bout de course émotionnellement.
Le tout aurait mérité un peu plus d’équilibre narratif, mais n’en possède pas moins quelques moments très engageants, et un tempérament bien trempé.

Tiger Stripes, de Amanda Nell Eu – Sortie en salles le 11 mars 2024

Direction la Malaisie pour Tiger Stripes, sélectionné cette année à la semaine de la critique à Cannes, et qui suit une jeune adolescente de 13 ans à la joie de vivre un peu trop forte aux goûts de ses parents, surtout dans leur communauté rurale baignant encore pleinement dans des traditions quelques peu datées. Et les choses ne vont pas s’arranger quand Zafran, l’héroïne, va être la première de la classe à avoir ses règles, et commencer à voir son corps subir des transformations étranges…

Certes, Tiger Stripes est un premier long-métrage et une toute petite production avec les défauts qu’on peut imaginer, entre certains effets pas assez spéciaux, et une écriture qui patine par moment, utilisant les moments de vie de façon un peu trop récurrente pour meubler son récit.

Mais pourtant, difficile de ne pas s’enthousiasmer devant l’aura dégagée par un tel film, qui vilipende haut et fort patriarcat, doctrines religieuses oppressantes et place de la femme encore trop restreinte au fin fond d’une Malaisie musulmane. Les charlatans défilent, la pression sociale se fait de toute part et contamine même ses camarades de classe, les adultes ne comprennent rien, les hommes encore moins, et le parcours de cette jeune fille s’avère aussi frais que touchant, d’autant que le film ne recule pas devant son virage fantastique qu’il aborde à fond, et tant pis si le résultat n’est pas toujours chatoyant à l’écran ! Malgré bien des défauts, aussi bien structurels que formel, Tiger Stripes remporte l’adhésion avec son actrice principale charismatique qui se donne à fond, et qui rend le film terriblement attachant.

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