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Max et les Maximonstres : rencontre avec Spike Jonze
Le Cinéma des Cinéastes et le Club300 Allociné organisait ce lundi une avant-première de Max et les Maximonstres. Le magnifique film (dont Basile vous parlait déjà en octobre dernier, voir sa critique) était suivi d’une rencontre avec le réalisateur Spike Jonze, animée par Lionel Delplanque (réalisateur de Président avec Albert Dupontel). On y a parlé enfance, images 3D, psychanalyse et adaptation. Voici l’intégralité de la conférence…
Mise à jour : l’enregistrement audio a été entièrement retranscris.

Lionel Delplanque à gauche, Spike Jonze et sa traductrice à droite
Rencontre avec Spike Jonze (audio intégral)
Vous tournez peu mais bien, un film tous les cinq ans. Comment envisagez-vous votre travail de réalisateur à ce rythme ?
Max et les Maximonstres mas m’a pris cinq and mais je pense que c’est à cause de sa nature compliquée. Les autres films m’avaient pris trois ans. J’aime aussi faire d’autres choses : des courts-métrages, des clips vidéos… Quand une idée de film se profile, j’attends d’être vraiment prêt pour la mettre en scène.
A peu près en même temps que Dans La Peau de John Malkovich est sorti La Ligne Rouge de Terrence Malick, un film qui a également été long à faire. Je me suis demandé ce que Malick avait fait pendant tout ce temps… Mais je me suis rendu compte que, lui comme moi, on faisait tout simplement d’autres choses que des films.
Vos films se nourrissent plus de votre vie que du cinéma lui-même…
Oui. (en français)
(Au public) Spike Jonze m’avait prévenu : si mes questions n’étaient pas intéressantes, ces réponses seraient courtes.
Max et les Maximonstres est un livre culte pour enfants paru en 1963. Il a été très important pour des générations d’enfants. C’est très court pour un adulte (100 mots en VO) et destiné à de jeunes enfants. Comment simplifier ? Se concentrer sur une trame narrative resserrée ? Comment faire 1h40 de film à partir de 100 mots ?
(S’adressant au public) Combien de personnes ont lu le livre ici ? (Un quart de la salle lève la main)
Qui parle couramment anglais ici ? (Trois quart de la salle répond)
Qui ici travaille dans le cinéma ? (Dix personnes lèvent la main)
Qui ici est saoûl ? (Rires)
J’aime bien connaitre mon public, pour me sentir à l’aise.
Pour revenir à la question, je crois qu’il faut rappeler que le livre se lit comme un poème, il est très évocateur. Il n’y a que vingt phrases mais beaucoup d’émotion. Pour moi, c’est un poème. Je l’ai vu comme ça.
Après avoir travaillé deux fois avec le scénariste Charlie Kaufman, vous avez décidé d’écrire celui-ci avec l’aide de l’écrivain Dave Eggers. Pourquoi ?
Je ne sais pas si vous connaissez Dave Eggers, c’est un romancier et un ami [il a également participé au scénario de Away We Go]. Je voulais d’abord écrire seul. Mais je me sentais trop seul alors je lui ai demandé de l’aide. On a simplement travaillé à deux.
Vous dites que ce n’est pas un film pour les enfants mais un film sur l’enfance. Est-ce un film nostalgique ?
Ce n’est pas un film nostalgique. Mais je voulais faire un retour sur l’enfance, rendre ce que pouvait être le sentiment d’avoir neuf ans. La nostalgie implique une sorte de filtre, ce que je ne voulais pas. Je voulais qu’on retrouve des émotions immédiates, quelque chose de viscéral, et qu’on voit les choses comme elles peuvent être vues à travers le regard d’un enfant de neuf ans. Si on se ressent de la nostalgie, c’est que quelque part j’ai échoué.
Comment avez-vous choisi le casting vocal ?
On choisit les voix comme on choisit un comédien. La question est toujours la même : comment trouver la personne qui va rendre juste ce qu’on cherche à rendre ?
James Gandolfini, qui interprète Carol, est quelqu’un de très brutal, qui a des qualités émotionnelles très brutes. Il a un pouvoir assez incroyable puisque les gens suivent ses émotions. Il était donc idéal.
Mais pour le reste, on a procédé de la même manière que pour choisir des comédiens « normaux »
Les Maximonstres ne sont pas en CGI. Ce sont des acteurs en costumes, fait par la maison de Jim Henson, et des raccords en 3D sur les visages. Je voudrai savoir comment vous avez travaillé avec le petit garçon pour rendre tout cela à l’écran.
Par rapport à mes films précédents, j’ai travaillé différemment avec Max. Jusque là, je faisais une première prise puis je faisais des remarques, donnais des conseils, dirigeait mes acteurs.
Dans mon film Adaptation, avec Nicolas Cage qui incarne des jumeaux, je travaillais déjà un peu différemment parce que je lui donnais la réplique hors champs.
Pour Max, les dialogues étaient parfois rendus par haut parleurs. Mais sinon, il avait en permanence une petite oreillette (il se met à chuchoter) dans laquelle je lui murmurais des conseils : « Oh regarde ce qui sort du nez de Carol, c’est dégoutant, c’est une crotte de nez » ou alors « Luke, je suis ton père », tout ce qui pouvait l’aider à faire fonctionner son imagination pour jouer.
On a aussi plaisanté derrière la caméra. On faisait des tours avec des boites, on reprenait des scènes de films pour le faire rire, faire des scènes de batailles… Je le faisais rire pour lui permettre de travailler dans la spontanéité.
Pourquoi ne pas avoir fait les Maximonstres en 3D ?
La réponse est simplement : on ne peut pas faire un câlin à un personnage en 3D.
Je ne plaisante qu’à moitié. Je voulais que Max puisse leur parler, s’appuyer sur eux, qu’il y ait un jeu physique et qu’on ressente tous les éléments : la poussière, le vent, la boue. Ca permettait de respecter Max et de donner une réalité à ce monde-là.
Il y a quelques différences entre le livre et le film, notamment la fin et le fait qu’il rejette les monstres. Pourquoi ces choix ?
On a encore échoué. (rires) Mais je ne pense pas avoir une réponse à ça.
On nous interroge beaucoup sur les films que les gens auraient aimé voir. Moi je vous dit que je préfère le livre au film que vous auriez fait, vous aussi.
Pouvez-vous nous parler de deux thèmes qu’on retrouve dans le film : la réalité et la solitude ?
C’est tout à fait le genre de question auquel je m’attendais en France, sans être péjoratif. Je ne suis pas certain d’avoir une bonne réponse. Mais ce sont des thèmes bien présents et que je ressens également.
Il y a en France une sensibilité particulière chez les spectateurs. Je trouve ça très inspirant.
Je voulais savoir ce qui s’est passé entre la fin du tournage et la fin de la post-production…
Quand on a tourné, les visages des monstres étaient statiques. On a fait le montage comme ça aussi. Ca rappelait le théâtre kabuki. C’était irréel. L’ajout des visages a donné une profondeur particulière. C’était d’ailleurs un processus expérimental, on ne savait pas ce que ça donnerait.
Je fais très attention aux effets visuels, je me doutais que les gens regarderaient d’abord les yeux. Donc on a bossé là-dessus mais je n’avais pas idée du résultat.
Est ce que vous avez parlé de psychanalyse en écrivant le scénario ? Pourrait-on penser que Carol est le surmoi de Max ?
Oui. (rires et applaudissements)
On a vu pas mal d’adaptations tout au long de l’année de livres cultes : Watchmen d’Alan Moore, The Road de Cormac McCarthy et maintenant Max et les Maximonstres. Y a-t-il une recette miracle pour réussir une adaptation ?
Non, je ne pense pas qu’il y ait une recette.
Je ne pense pas qu’on puisse faire une adaptation littérale d’un livre. Il faut reprendre ce qu’est pour vous l’essence du livre. Je n’ai pas encore vu La Route mais j’ai très envie de le voir.
Dans la scène où ils décident de résoudre des problèmes avec la guerre, j’ai pensé à George Bush, à sa marionnette des Guignols où il est représenté comme un enfant. Y avez-vous pensé ?
Non, je ne connais pas ce qui semble être une bonne émission de télé. Mais je n’ai pas écrit cette partie de l’histoire. Mon co-scénariste, Dick Cheney, s’en est chargé. (rires)
Fin de la rencontre avec Spike Jonze
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