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Lastman : Rencontre avec Balak, Sanlaville, Bacci et Vivès

Bonjour chers amateurs de belles images et de belles histoires ! Mais attention, nous ne parlerons pas cinéma mais bande dessinée avec la seconde interview réalisée à Angoulême 2018 tout exprès pour vous. Et cette fois-ci, on vous soigne car nous avons pu rencontrer l’équipe créative d’une série qui fait le bonheur de tous les fans d’aventure et de testostérone (mais pas que) ; celle de Lastman!

Entre la sortie de la série animée (préquelle à la série papier) en fin d’année 2017 et l’arrivée de Lastman Stories, une série dérivée se déroulant dans le même univers, l’actualité était double pour Michaël Sanlaville, Alexis Bacci, Bastien Vivès et Balak (Bastien était aussi dans la sélection du festival cette année).
Dans une ambiance à la fois décontractée, passionnée et professionnelle, rencontre.

 

Où en êtes-vous de Lastman ? Est-ce que ça sent la fin ? Est-ce que pour vous, c’est déjà fini ?
Michaël Sanlaville : Ce n’est pas du tout fini, au contraire ! Il reste deux tomes à faire sur la série principale. On a attaque le climax et il reste deux tomes pour « boucler la saga ». Mais on veut bien faire les choses, c’est pour ça qu’on a réduit le rythme des parutions, pour réécrire, se poser les bonnes questions et pas finir en eau de boudin. Le plus dur arrive.

Donc, quoiqu’il advienne, vous vous en tiendrez à douze tomes ?
Sanlaville : Ouais ! Douze tomes, c’est le bon compromis pour faire de la qualité. Vu notre rythme, le fait que ça soit un rythme permanent, on a vite fait d’être le nez dans le guidon et de vouloir terminer pour terminer. Et puis on connait tous des séries qui s’étirent pour des raisons commerciales et on ne veut pas tomber là-dedans.

Vous avez dit que ce que vous vouliez dire ou il reste des zones à explorer ? C’est à ça que servent les Lastman Stories ?
Sanlaville : Y a toujours des choses à dire mais dans la thématique telle qu’on l’a lancée, dans ce cadre, on aura tout dit. Les Lastman Stories permettent de développer l’univers, de donner des pistes à l’histoire et tenter des choses qu’on s’était interdit dans la BD originale, par peur de décevoir. Tout ce qu’on peut se permettre en baston, en déconnade… C’est le but des spin offs.

Il y aura donc plusieurs Stories ? Celle-là est urbaine. Y aura-t-il une Lastman Stories plus fantastique ?
Sanlaville : On en a parlé mais ceux qu’on a évoqué sont plus situés à Paxtown.

Bacci : Quand Michael a évoqué le temps nécessaire… Il faut qu’une idée soit retravaillée, murisse. On a besoin de réfléchir. Il faut un compromis entre l’énergie initiale des projets et l’envie de faire n’importe quoi. Notre projet a pris du temps mais du coup, j’ai pu modifier mon dessin, travailler des idées de scénario avec Bastien Vivès et ça a pas mal dérivé de l’idée originale.

Sanlaville : Les idées ont besoin de temps pour prendre forme. Et puis la série doit garder le même temps. « Soir de Match » permet d’adopter un ton différent, peut-être plus fun, moins premier degré qu’on peut avoir dans la bd principale..

Bacci : C’est vrai qu’on se lâche plus. Et puis c’était notre délire avec Bastien, autour du Dernier Samaritain qui a servi de référence. On a vraiment l’impression de faire du cinéma en BD. Notre inspiration, c’est les Tuches. Frank Dubosc est une grosse référence [rires]
Non, sérieusement, là c’est le plus le Dernier Samaritain que Conan. Mais c’est fait avec le même sérieux et la même implication, sachant que je regarde le Dernier Samaritain au premier degré. Peut-être que des gens le prendront au second degré et très bien.
Mais la question sur les prochaines Stories se pose. J’aimerais bien me faire un trip et travailler avec Michael ou Balak, comme j’ai travaillé avec Bastien

Sanlaville : Moi je les ai vu travailler ensemble et vu de l’extérieur je les ai vu se marrer, sans la contrainte de la série.

Bacci : Sur la série, ils doivent tenir un propos, une rigueur, du sérieux. Ils ne peuvent pas délirer autant que sur Soir de Match. Ils ont misé sur moi qui vient de la BD underground. Je suis un outsider qui y va à fond.

Sanlaville : C’est hyper enrichissant aussi d’avoir une série animée, un jeu vidéo, deux séries de BDs. On travaille en groupe, chacun apporte sa touche, son écriture, son style.

Bacci : Lastman, c’est un super laboratoire. On peut faire des choses différentes, pas forcément dans l’esprit, comme le jeu vidéo par exemple. Si Balak, Mick et Bastien avaient fait un truc complètement différent, on ne serait pas là. Moi je suis hyper content de participer à l’aventure, de collaborer aussi dans une maison comme Casterman qui a une histoire dense alors que je lisais Tintin quand j’étais gosse.

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Justement, comment vous vous êtes rencontrés ? Comment vous vous connaissez ?
Bacci : En fait, je suis dans l’atelier de Bastien depuis dix ans. Il m’a vu faire de la BD et c’est donc par lui que j’ai rencontré les autres. C’est un atelier très vivant, un super vivier où sont passés plein d’artistes : Natacha Sicaud, Bertail, Merwan Chabane…. On s’est influencés les uns les autres. Techniquement, c’est comme si j’avais appris mon métier à l’atelier. Au début, j’avais pas envisagé de participer Lastman vu l’ampleur du phénomène en plus. Bastien m’a proposé, il en a parlé aux autres, ils étaient ok. Je pensais ne pas avoir les épaules mais ils ont été très bienveillants.

Sanlaville : On partage plein de choses. Et même si Alex est un tout petit plus vieux que nous, il a une culture ciné monstrueuse, on passe nos journées à parler de cinéma, de choses qu’on aime et qu’on a envie de partager. Des références…

Bacci : Oui, clairement, pour Soir de match, ya le Dernier Samaritain mais niveau visuel, je peux citer Ranxerox de Liberatore qui est quand même un truc d’initiés et ils captent. On parle le même langage, sur les mêmes œuvres, on a les mêmes gouts. Je suis reconnaissant à la vie de pouvoir délirer, parfois un peu trop, toute la journée avec eux.

A quel moment, prenez-vous le plus de plaisir ? A l’écriture ou au dessin ?
Sanlaville : Moi c’est au dessin, sur les compositions. Je ne suis pas scénariste. Heureusement qu’à côté de moi il y a « le prince du scénario », c’est son surnom [il désigne Balak]. Yves va me lâcher une planche de storyboard et je n’ai qu’à rigoler. Mon plaisir est essentiellement graphique.

Balak : Il n’y a aucun plaisir. C’est que de la souffrance. Ne faites pas ça chez vous les jeunes.

Vous vous lancez des défis parfois entre vous ?
Balak : Y a des trucs que Bastien ne fera pas, parce qu’il y a de la perspective, parce qu’il y a de grands décors. Quand il y a un beau décor soigné à faire, je balance juste le storyboard avec juste marqué « Là, y a un beau décor, démerde toi – Michael ». C’est ça mon plaisir, c’est de déléguer.

Est-ce que dès l’écriture, vous vous imposez le sens des prises de vue ? Genre indiquer « en contreplongée » … ?
Balak : Non, ça se fait au storyboard.

Sanlaville : Ce qui est cool à trois, c’est que je peux me perdre dans mes délires graphiques et certains me rappellent à l’ordre.

Balak : Du coup, je l’engueule. Et c’est aussi un de mes plaisirs d’engueuler Michael.

Comment vous organisez-vous pour travailler ? Entre vous sur Lastman et aussi sur vos projets persos ?
Bacci : Tout le monde a toujours plus ou moins des projets à coté. Pour Un Soir de Match, j’ai composé avec la disponibilité de Bastien et lui a composé avec la mienne. On se débrouille.

Balak : A trois, c’est plus facile de rouler. Quand j’ai des planches d’avance coté storyboard, je peux faire n’importe quoi comme aller vendre de la drogue ou prendre des jours de vacances pendant qu’ils font les planches. Y a eu un gros hiatus après le tome 10 parce que Michaël faisait sa bd, parce que je devais réaliser une série animée et Bastien avait un projet. On a alors arrêté tous ensemble et on a va reprendre tous ensemble. Mais on s’est toujours démerdé pour qu’il y a toujours quelqu’un qui bosse.
De toute façon, pendant qu’on s’est arrêté, Bastien a fait douze livres : un livre pour enfant, un livre à colorier, un pornographique

Maintenant que vous êtes quatre, vous allez vous organiser en binôme sur les Stories ?
Bacci : on n’est pas vraiment quatre en fait. « ILS » sont trois et moi j’ai fait une stories à côté.

Vivès : on a fait une Story avec Bacci. On va voir comment on va faire pour les suivants, comment l’album est reçu. Y aura peut-être d’autres invités. Selon nos projets et nos disponibilités, on verra. On peut tourner entre nous, on peut imaginer en faire un en solitaire, il n’y rien d’établi.

Bacci : On va voir aussi comment il est reçu aussi ! [NDLR : apparemment, très bien car sur le stand du festival, tout est parti en quasiment 24h !]

Est-ce que vous avez senti le regard des professionnels évoluer sur la série ? Certains n’y croyaient pas. C’est devenu un succès parce que vous avez tenu bon ?
Vivès : Ya de ça mais c’est aussi parce que Casterman nous a permis de continuer. La série a décollé à partir du tome 4. Ça fait déjà plus d’un an qu’on travaillait. Et ça ne se passe habituellement pas comme ça dans la bande dessinée. L’anime a aidé à valider et maintenant on n’a plus trop peur. Lastman c’est un gros succès d’estime mais y a encore plein de gens à aller chercher, des gens qui ne sont pas lecteurs. En plus ce n’est ni une BD, ni un manga ni du comics, un peu un mélange des trois…

Balak : Ni du shonen, ni du seinen

Vivès : C’est un peu compliqué. C’est pas de l’achat automatique, tout passe par le bouche à oreille.

Bacci : Casterman a du mérite. Moi j’ai vu la série se faire en tant que « colocataire » et j’ai vu les moyens de dingue qui ont été mis. Ils ont signé un projet à la confiance, ils ont fait confiance à Balak, Mick et Bastien pour faire un truc nouveau.

Vivès : Ils avaient quelques productions japonaises mais ce n’est pas du tout le genre de la maison. Ça n’avait jamais été fait chez Casterman, ils ont essuyé les plâtres avec nous.

Les libraires ont trouvé que la mise en place des premiers était ambitieuse…
Balak : la mise en place de base devait être moins ambitieuse. Mais les premiers retours de libraires étaient bons. Ils ont tiré à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et moi j’ai fait une descente d’organes. Ils étaient complétement fous. Ca n’avait aucun sens. C’était symptomatique des gens qui ont suivi le projet, qui en ont un peu trop mis.
On a un peu eu le retour de bâton derrière mais finalement, pécher par excès d’amour est-ce vraiment un pêché ?

Y avait aussi des éditions collectors, du second degré dans le rabat de la couverture
Balak : Ah mais ça c’est George Lucas, là ! [il désigne Bastien Vivès] Pour le rabat, ben… les génies sont toujours incompris. Regarde Les Tournesols de Van Gogh : si tu enlèves le rabat, ce sont des bites en fait, le mec a dessiné des bites sous les fleurs, un truc de dingue ! (et les gens ne le savent pas).
Nan mais, Lastman, c’est nous sans filtre donc il faut nous prendre comme on est. Avec notre beauferie, avec nos conneries. Et si les gens ne sont pas contents, ils vont lire le Chat du Rabbin volume 14 et puis ils nous fichent la paix !

Il faut dire aussi que le lectorat a grandi avec la série et s’est habitué à ce second degré. Mais aujourd’hui, est-ce que vous avez ressenti l’impact de la série animée ?
Balak : Oui, clairement, il y a un impact sur les ventes, quasi-immédiatement. On a dû retirer. Sans être Sfar ou Zep, on n’est pas en train de se gratter les couilles. Mais grâce à la série, on est rentré dans le petit cercle des 1% des auteurs qui ont touché des droits d’auteurs sur leurs créations.

Y a eu l’expo à Angoulême…
Balak : C’est grâce aux gens de Casterman et Angoulême qui nous ont fait confiance. Beaucoup de gens ont travaillé sur le projet de la série animée en étant payé comme de la merde mais parce que le projet plaisait, et qu’ils voulaient faire ça une fois dans leur vie. On a du bol d’avoir des gens enthousiasmés par ce qu’on fait. Et ça se vend. Alors que ce sont seulement des gens qui font ça avec leur cœur. Et tant pis si ça ne se vend pas.
On pourrait se dire qu’on est les rois du monde mais en fait on est toujours le même groupe de punks qui font les mêmes morceaux, les mêmes conneries dans une cave. On croit qu’on pourrait remplir des stades mais on remplit des petites salles.

Disons que vous avez au moins pu fédérer des professionnels autour de vous, même si certains sont des potes…
Balak : Oui, c’est vrai, mais tu vois, encore une fois, ça fonctionne à l’amour.
Pour faire une analogie, dans les comiques américains, tout le monde connaît Louis CK, mais il y a un gars qui s’appelle Doug Stanhope et c’est la référence pour les autres comiques. Et j’ai l’impression que Lastman c’est un peu ça : la bd que les auteurs de bd kiffent particulièrement parce qu’on voit ce qu’on apporte techniquement..

Vous partagez toujours le studio avec Marion Montaigne ?
Balak : elle partage notre vie

Est-ce qu’elle vous traite avec dédain maintenant qu’elle traine avec Thomas Pesquet ?
Balak : y a pas besoin de Pesquet ou machin, ça a toujours été une relation de dédain absolu.

Bacci : non, on l’aime beaucoup, elle est top. Et c’est marrant de voir qu’elle a un succès amplement mérité mais elle reste exactement la même..

Y a une grande place faite au manga cette année à Angoulême. Est-ce que vous avez eu le temps de voir les expos et de rencontrer Urasawa ?
Vivès : Ben, je l’avais déjà rencontré au Japon, Urasawa….

Les autres : Ah pardooooon !

Vivès [qui joue les blasés]: Oui, bon, à Angoulême, c’est difficile, je préfère le voir en off… Non plus sérieusement, il est super abordable. Il a une grande culture européenne, il a un groupe de rock, il est très ouvert, loin de l’image du mangaka reclus et peureux.

Bacci : Non, je n’ai rien pu voir mais je vais tenter l’expo Tezuka…

Vivès : De toute façon, il y a une solution de secours : vous allez sur le compte Instagram de Dominique Bertail et le gars photographie TOUS les dessins exposés, pas besoin de se déplacer !

Balak : Ah, est-ce qu’on peut dire un truc sur Urasawa ? Je voudrais qu’il soit écrit noir sur blanc que cet homme est le sosie japonais de Fabien Vehlman.

Vivès : Il y a de super expos cette année mais celle que j’attends maintenant, c’est celle qui sera consacrée à Corben l’an prochain !

Eh bien rendez-vous l’année prochaine cher Bastien et en attendant, jetez donc un œil au Lastman stories Soir de match ! Merci beaucoup aux auteurs de Lastman pour leur disponibilité et à Kathy Degreef chez Casterman pour avoir organisé la rencontre.

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