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Interview : Richard Kelly, réalisateur de The Box et Donnie Darko
A l’occasion de la sortie en salles de The Box donc je vous parlais déjà il y a quelques semaines via notre critique, Alex a eu le privilège de rencontrer son réalisateur : Richard Kelly, à qui on doit aussi Donnie Darko et Southland.
Voici en texte et en audio l’intégralité de l’interview, dans laquelle Richard Kelly parle (et spoile) de The Box mais aussi de ses autres films, des gros studios et de Patrick Swayze.
Pourquoi le film se passe dans les années 70 ? Donnie Darko se passe dans les années 80 et Southland Tales dans un futur imparfait. Il y avait une raison particulière à ce choix ?
L’histoire a été écrite dans les années 70 avec la réalité culturelle des 70s. Maintenant, avec le numérique, les réseaux sociaux, on sait où se trouve les gens en permanence.
Il me semble donc que l’histoire est plus authentique si elle se passe à l’époque où elle a été écrite. Les gens n’y ont qu’un seul téléphone à la maison par exemple, ne sont pas dans le monde numérique de maintenant, ils étaient moins connectés.
Et puis en 1976 il y a eu l’histoire des sondes Viking envoyée par la NASA (http://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_Viking). Je voulais que le film croise un événement historique.
Pendant l’écriture, avez-vous pensé à la situation économique actuelle des USA ? Le film évoque la cupidité…
Il y a un peu de ça, quand les gens découvrent qu’ils vivent au dessus de leurs moyens… Arthur et Norma vivent un peu ce genre d’expériences, ils dépensent trop. Lui anticipe sa promotion, finit par ne pas l’avoir mais a déjà trop dépense notamment pour son fils à l’école. Ils ont des problèmes financiers. Et de plus en plus de gens sont maintenant dans cette situation.
Quand j’ai écrit le script, je n’ai pas anticipé cette situation. Mais dans un sens, ca ressemble au présent, oui. Les gens maintenant vivent au dessus de leurs moyens aussi avec des trucs comme les cartes de crédits.
Est ce que vous avez eu des contacts avec Richard Matheson [qui a écrit le livre] ? A-t-il lu le script ?
Je ne l’ai jamais rencontré. Je sais qu’il vit à Santa Barbara. On a eu une interview de lui pour le DVD. C’était cool d’entendre ses commentaires. J’aimerai beaucoup le rencontrer.
Son entourage a été très sympa de me donner les moyens de faire le film. C’est un grand monsieur, un gentleman.
Qui est exactement Monsieur Steward ? Dieu ? Le Mal ?
Je ne pense pas qu’il soit le Mal. C’est juste l’employé réticent d’une intelligence supérieure. Il a été envoyé sur Terre pour faire un job pourri. C’est juste un mec qui vient réparer les dégats, donner des conseils.
C’est un peu comme ces employés du gouvernement qui sont payés à délivrer de mauvaises nouvelles. Il serait mieux chez lui à faire autre mais il est coincé là dans ce corps pour un moment sur Terre.
Dans l’histoire d’origine, Arthur meurt dans un accident de métro. Pourquoi avez-vous changé la fin ?
En fait, je voulais voir leur réaction, je voulais savoir ce qui allait se passer pour Arthur et Norma sachant qu’ils étaient les suivants et allaient être reprogrammés. Ils deviennent comme des détectives mais qui veulent se sauver eux-même. Je voulais voir ça.
Comment avez-vous imaginé le maquillage de Frank Langella ? Ca ne devait pas être évident pour un acteur de jouer avec cet effet spécial sur le visage.
Il a trois maquillages différents sur le visage. Frank a plutot aimé ça, ça lui donnait quelque chose pour travailler. Ca prenait quand même beaucoup de temps pour faire tout ça.
Ca rend sa voix un peu différente aussi.
Frank voulait la jouer à la fois charmant et mélancolique. Il voulait sous-jouer un peu à cause du maquillage et de l’effet que ça aurait. Il voulait être un mec avec un job compliqué, pas forcément un super méchant.
Quelles sont vos sources d’inspiration pour The Box ?
Forcément, Richard Matheson. Jean Paul Sartre aussi en littérature. Et puis toute la science-fiction des années 50, dont Matheson était un des pionniers. Tous les comics de cette époque aussi.
Donnie Darko parle de la famille. Southland Tales parle de la société. The Box revient à la famille. Pourquoi ce thème est si important ?
L’intelligence supérieure cherche un couple, une famille pour ses tests. Pourquoi nous vivons dans des petites maisons toutes pareilles, des petites boites (« boxes »), prisonniers … Ca a toujours dû être un film intime sur un couple marié, une famille, avec une conspiration géante en toile de fond.
C’était bien de se focaliser sur ces personnages.
C’est aussi un film sur votre propre famille, vos parents qui ont servis de modèles aux personnages du film.
Oui, c’était très émouvant pour moi dans un sens de faire ce film. C’était une volonté de rendre hommage à mes parents, aux sacrifices qu’ils ont fait pour moi. J’espère que ce sera le genre de films qu’ils aimeront.
Est-ce que vous vous êtes inspiré de l’épisode de la 4e Dimension [qui reprend l’histoire de Matheson] ?
Toute l’inspiration vient de Richard Matheson, c’est indéniable. Tout vient de là.
Avez vous testé plusieurs boites avant de trouver la bonne ?
La manière dont on l’a construite ? On a passé beaucoup de temps sur le design avant de la construire. On l’a fait sur ordinateur, essayant différents styles et formes. On a essayé de la faire trapézoidale.
C’est un peu une oeuvre d’art en quelque sorte. On l’a fait dans ce sens. D’ailleurs, j’en ai une dans mon bureau.
Pourquoi avoir choisi Cameron Diaz et James Marsden, sachant qu’ils jouaient plutôt à contre emploi ?
C’est fun d’emmener des acteurs dans de nouveaux territoires, de leur permettre de se réinventer. C’est très excitant de les voir comme ça.
Etait-ce facile de trouver la bonne atmosphère pour le film ?
Ca a pris du temps de tout mettre en place, de construire le plateau, les décors et de capter l’essence des années 70. Il y a eu beaucoup de travail.
Vous vous êtes rappelé votre propre enfance ?
Je n’avais que 1 ans mais c’était fun de recréer une époque, de faire les recherches sur les gens, les modes de décoration d’intérieur…
La musique est très importante dans le film. Pourquoi avez-vous choisi Arcade Fire ?
Il y a beaucoup de qualités dans leur musique qui allaient bien avec l’ambiance du film. Je leur ai confié le script avant le tournage, ils l’ont beaucoup aimé. On a gardé le contact pendant un an jusqu’à ce qu’il puisse bosser. C’était une bénédiction de travailler avec eux. Une belle expérience.
Pensez-vous que tuer quelqu’un est une preuve d’amour ? C’est un des aspects les plus importants du film.
Vous parlez de sa décision de la tuer ? C’est la grande question. Est-ce qu’il a fait le bon choix ? Est ce qu’ l’intelligence supérieur va approuver et lui pardonner ? C’est un acte de foi, quand l’intelligence supérieur lui dit « vous devez tirer sur votre femme pour restaurer les sens de votre fils ». C’est une décision difficile à prendre. Qu’est ce qui est le plus moral ?
Si vous étiez Arthur, que feriez-vous dans ce cas ?
J’aimerai dire que je … Vous savez, le fait qu’il ait vu ce qu’il y avait après la mort lui donne plus de courage d’appuyer sur la gachette. Sans le surnaturel, la fin serait si sombre. Mais qui sait ? C’est une question difficile.
Mais c’est une des questions du film, posée au public.
Oui, tout à fait.
A propos de Southland Tales, vous vous souvenez sans doute du Festival de Cannes et des mauvaises critiques. Qu’en avez vous pensé ?
C’était dur parce que le film était inachevé. Il nous manquait plein d’effets spéciaux. C’était encore plus dur de savoir que les critiques allaient tuer le film. C’était alors dur de dépenser de l’argent pour le terminer, parce qu’il était déjà endommagé.
Mais je suis très fier du film même si je le trouve encore un peu inachevé. Je le finirai surement un jour.
Vous n’êtes par le réalisateur de Donnie Darko numéro 2 [S. Darko]
Non, je ne le suis pas. Je n’ai jamais vu le film et ne le verrai sans doute jamais.
J’ai lu quelque part que vous alliez tourner un 3e Donnie Darko.
Non, pas du tout. Absolument pas ! Je ne sais pas qui a écrit cette rumeur. Mais je n’ai rien à faire avec ces gens là.
Le 2e film a été fait car je ne controle pas les droits. Les producteurs font donc ce qu’ils veulent malheureusement.
Où en est votre remake de Point Limite Zero ?
Vanishing Point est le titre original. Le remake n’est qu’à l’état de projet pour le moment, les droits sont dans les mains de Richard Sarafian [réalisateur de l’original]
Quelles sont les différences entre le Richard Kelly des début et le Richard Kelly de maintenant ?
J’espère être plus mature. Je me sens plus confiant après trois films, qui étaient tous les trois des challenges éprouvants. Je me suis plus confiant pour travailler avec de grands studios et de plus gros budgets. J’espère faire des histoires plus matures.
Tout ça est un pas dans la bonne direction pour moi. Si The Box est un succès au box-office, je pense que les producteurs de gros studios me laisseront faire mes films.
Quel est votre qualité principale ?
Je pense que j’essaye de faire toujours des choses différentes, de ne pas me répéter. Je veux continuer à raconter des histoires imprévisibles et extatiques.
J’aime vraiment l’esthétisme, créer des images, créer de nouveaux mondes. C’est très excitant de travailler avec de grands acteurs aussi. C’est un peu un rêve qui devient réalité.
Vos films ne sont pas vraiment des « films popcorns ». Est-ce un choix de faire des films finalement peu accessibles ?
J’espère que The Box sera plus populaire que mes précédents films. Il y a un suspense, des énigmes. J’espère que ca plaira au grand public. J’espère d’être un mec « plus popcorn ».
Accepteriez-vous un projet de studio ?
J’aimerai beaucoup faire mes propres histoires pour un grand studio. Mais si The Box marche, je devrais probablement mettre en scène une histoire écrite par quelqu’un d’autre. Je suis ouvert à ça et je dois l’être.
Quel genre de souvenir avez-vous de Patrick Swayze [il a joué dans Donnie Darko] ?
C’était un des hommes les plus gentils que je connaisse. On devait tourner ces publicités avec lui pour Donnie Darko mais on n’avait pas l’argent pour le faire. Il nous a donc invité chez lui, dans son ranch, avec sa femme. Il a été très gentil de nous laisser faire ça.
C’était quelqu’un de terrible. J’ai été très triste de le savoir malade.
Question rituelle sur CloneWeb : quel est le dernier film que vous ayez vu au cinéma ou en DVD ?
A Serious Man, des frères Cohen. Je l’ai déjà vu trois fois. J’en suis obsédé, c’est un de mes films préférés.
– Alex
Interview de Richard Kelly (entièrement en anglais) – également disponible en podcast.
L’interview a été réalisée en présence de Marc Toullec de ToutLeCine.com et en collaboration avec nos amis du Daily Movies, journal gratuit suisse consacré au cinéma.
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