Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Etrange Festival #5 : The Innocents, Saloum, Prisoners of the Ghostland, Raging Fire

L’Etrange Festival édition 2021 s’est terminé en apothéose avec la présence de Donnie Yen, en chair et en os, venu profiter (c’est lui qui l’a dit) du vin français pendant une pause sur le tournage du prochain John Wick. L’acteur est venu présenter Raging Fire, long métrage de clôture d’une édition bien riche.

Cette année, le festival a récompensé du Prix Nouveau Genre The Innocents (dont on parle ci-dessous) et Mad God de Phil Tippett est reparti avec le Prix du Public.

The Innocents

Après avoir été remarqué au scénario des films de Joachim Trier, dont le récent Thelma, Eskil Vogt est passé à la réalisation et confirme l’essai avec son deuxième film The Innocents.
Les innocents en question, c’est nos chères têtes blondes, qui ont l’habitude d’être malmenées par le cinéma fantastique pour mieux les faire descendre de leur piédestal et rappeler que la cruauté humaine n’a pas d’âge !

On suit ici une fillette qui déménage dans un nouveau quartier avec ses parents et sa sœur autiste, et dont la rencontre avec un nouveau camarade de jeu va vite tout chambouler puisque celui-ci présente des pouvoirs psychiques…
Ce qui va commencer comme un jeu d’enfant (!) va alors prendre des proportions plus dramatiques au fur et à mesure des expérimentations des gamins, avec l’aide de 2 autres camarades dont la sœur autiste de l’héroïne, pour une exploration de la morale dans l’enfance, au moment où l’on découvre les limites à ne pas franchir socialement et humainement, où l’on prend conscience de la dangerosité de la physique et de la fragilité de son corps, et où nos sentiments bruts se confrontent aux barrières posées par le cadre social…

Mais que se passe-t-il justement si on a les moyens de passer outre ?
Eskil Vogt sonde la part sombre de l’âge tendre, en opposant l’insouciance de nos petits héros à la gravité de leurs gestes, et réussit à emballer ça dans une mise en scène lancinante, aux cadres très strictes et posés, sans jamais utiliser le moindre artifice visuel pour montrer les pouvoirs des bambins. Cette épure aurait pu se heurter à un certain ridicule, et cela marche du feu de dieu déjà grâce à l’incarnation subtile des jeunes comédiens hyper convaincants, mais aussi grâce au style du film et la gravité qui l’entoure, le rythme pesant de l’ensemble donnant du poids aux actes.

Réussissant vite à s’écarter de la simple exploitation basique où des enfants méchants se mettraient à buter des adultes, le film parvient à garder sa thématique en ligne de mire, l’héroïne se sentant vite dépassée par les évènements, tout en tenant à distance les parents de manière un peu artificielle parfois, mais qui fait sens thématiquement dans l’idée d’isoler les mômes pour mieux les ausculter de l’intérieur. Tout ça aurait pu être une réussite de bout en bout si le film ne tirait pas trop sur la corde, la faute à un troisième acte qui peine à construire son crescendo dramatique et qui multiplie des péripéties très semblables pour y parvenir, le faisant quelque peu tourner en rond en diminuant sa pertinence. De la même manière, Eskil Vogt se repose sans doute sur pas mal d’effets et de thèmes déjà présentés avec un autre âge dans Thelma, et l’effet redite s’en ressent d’autant plus, le film de Joachim Trier étant en plus mieux tenu sur la durée.

Qu’à cela ne tienne, les Innocents reste une œuvre délicatement ténébreuse, et qui possède une vraie prestance, comme l’a souligné le festival qui l’a récompensé d’un prix. Le film sortira en février prochain.

The Innocents, de Eskil Vogt – Sortie en février 2022

Saloum

Remarqué en 2014 avec son premier film Dealer, Jean Luc Herbulot avait pour but ces dernières années de créer sa société de production au Sénégal pour mettre en avant un cinéma africain plus percutant que celui qui parvient habituellement dans nos salles, à plus forte connotation sociale. Après avoir pu affiner son style dans la série Sakho & Mangane (disponible sur Netflix), il livre le premier long-métrage à sortir de ce beau projet, et Saloum arrive avec un engouement autour de lui assez fort, puisqu’il était présenté il y a quelques jours au festival de Toronto.

Il faut dire que cette histoire de braconniers devant faire profil bas quelques jours dans un village touristique paumé au beau milieu du désert du Sine Saloum, une région sénégalaise, fait tout pour en jeter à l’écran.

Très vite, difficile de ne pas voir l‘influence d’un Tarantino, aussi bien dans la volonté de présenter des personnages au tempérament de feu que dans l’énergie déployée dans la mise en scène, le film se voulant le plus percutant possible avec un montage parfois clippesque, des dialogues enlevés qui fusent et une histoire qui part d’un postulat à la Rio Bravo ou Reservoir Dogs pour glisser vers le fantastique. Tout ça est fait avec des moyens modestes, et malgré des effets spéciaux réussis sur le 3ème acte, difficile de ne pas noter les multiples errances techniques de l’ensemble, entre des tâches sur l’objectif à de nombreuses reprises, des plans aériens effectués avec un drone manifestement défectueux qui livre des images saccadées, ou encore cette drôle de manie de vouloir donner à plusieurs personnages des lunettes de soleil réfléchissantes quand on voit à multiples reprises toute l’équipe de tournage dans leurs reflets, parfois en gros plan !

Ces erreurs de jeunesse, qui témoignent de l’aspect un peu guérilla de la prod, sont aussi rejointes par un récit un peu calamiteux sur sa fin, dont le climax est un vrai bordel pour s’y retrouver par moment sur qui fait quoi et quels sont les objectifs des personnages, avec des interprètes pas toujours convaincants.
Malgré ces tares, il faut bien admettre que le tout transpire un amour et une envie réelle de cinéma populaire fun et rythmé, et c’est bien cette énergie qui l’emporte sur les défauts, donnant envie d’en voir plus tant Saloum possède un caractère bien trempé et une ambition salutaire, en plus d’être plaisant à suivre.

Saloum (2021) de Jean-Luc Herbulot

Prisoners of the Ghostland

C’était le choc des titans attendu de cette édition, un projet complètement improbable sur le papier et dont on n’avait jamais osé rêver.

D’un côté : Sono Sion, véritable mercenaire du cinéma punk japonais et coutumier de l’étrange, un cinéaste versatile qui ne s’arrête devant aucun genre, enchaînant pêle-mêle thriller érotique, drame, comédie musicale gangsta-rap dystopique ou kaijū eiga de noël avec une énergie démentielle, étant capable de réaliser jusqu’à 5 films par an !
De l’autre : Nicolas Cage, l’un des comédiens les plus barjos qu’Hollywood ait jamais vu, dont la carrière a été un véritable roller-coaster l’amenant aussi bien chez les plus grands et les récompenses prestigieuses que sur des séries Z, productions fauchées et/ou expérimentales.

Prisoners of the Ghostland avait tout sur le papier pour être un feu d’artifice schtarbé, d’autant plus que c’est la première réalisation en langue anglaise de Sono Sion, qui en rêvait depuis très longtemps après avoir fait ses études aux Etats-Unis.
Devant initialement se faire sous une forme plus « Mad Max » de l’aveu de ses auteurs avec un tournage au Mexique, le projet a rencontré pas mal de problèmes, dont ceux de santé de Sono Sion, qui réadapta en fonction la production pour tourner au Japon et y amener une grande dose de samouraïs, puisqu’il est question d’un braqueur de banque déchu qui va être embauché par un gouverneur texan pour sauver sa fille disparue dans un endroit mystérieux appelé Ghostland.

Dans sa première demi-heure, le film est à la hauteur du bordel attendu, en déployant un univers cosmopolite et foisonnant, avec un village traditionnel japonais où l’on trouve un saloon avec ses cowboys (dont un qui parle français !) face aux samouraïs locaux, tandis que la rue principale propose un mur géant orné de têtes de geishas chantantes !
Et en dehors de ce bazar, Nic Cage va vite passer par un camp qui oscille entre Mad Max et une fête foraine, alors qu’un gang de lords samouraïs zombies fait quelques apparitions sur la route qui amène au fameux Ghostland, un purgatoire de ruines ayant subies de plein fouet un choc atomique, où des hommes tirent inlassablement une corde reliée à une horloge géante pour l’empêcher d’avancer et de provoquer une nouvelle explosion !

Vous êtes déjà épuisés par tant de propositions délurées ? Ça tombe bien, car le film va plus ou moins s’arrêter là, et subir une baisse de régime monumentale dès lors qu’il a posé son univers à la fois fou et modeste (tout se joue entre 4 décors), même s’il réserve quelques conneries encore en chemin, comme la combinaison de Nicolas Cage munies d’explosifs, dont certains sont situés au niveau de ses testicules !
Basé sur un scénario qui n’est pas de son réalisateur contrairement à ses habitudes, Prisoners of the Ghostland multiplie les errances narratives et les séquences molles, à l’instar du braquage constitutif de son héros qui est montré à 2 reprises alors même qu’une seule fois était largement suffisante dramatiquement, ce qu’un léger agencement structurel aurait très bien pu supporter.

Ne pétant jamais un câble pour de bon, Nicolas Cage offre quelques écarts de comportement mais ne semble pas en pleine possessions de ses moyens les plus délurés, comme s’il attendait perpétuellement qu’on lui donne le go pour griller un fusible, et il a l’air plus paumé qu’autre chose au milieu d’une histoire qui étire son récit assez inutilement.
Sion n’arrive à vrai dire même pas à rehausser la chose tant le récit avance dans cette semi-énergie non affirmée, et on a le sentiment que lui comme Cage, et les équipes américaines comme japonaises, ont passé toute la production en étant heureuses d’être là, mais en jaugeant leurs collaborateurs timidement, sans oser aller plus loin, n’arrivant pas à trouver le bon tempo pour un film bordélique, même si cela donne aussi de bonnes choses, comme le langage du film qui oscille entre anglais et japonais à tout moment.

Même si la photo n’a rien d’exceptionnel et est même parfois cheap, elle propose pour autant quelques très beaux plans et bien que le récit semble avoir le potentiel pour exploser à tout moment, l’étincelle ne vient pas, y compris dans un final un peu bourrin mais où les limitations physiques de Cage, qui n’est clairement pas le mec le plus souple de la planète, rendent la chose peu spectaculaire, surtout quand Sofia Boutella offre une très courte mais bien plus réussie scène de combat dans la foulé, merci la souplesse et la science du mouvement !

Ultime signe que cette production est un foutoir peu réjouissant : 20 minutes ont sautées depuis sa présentation à Sundance, et qui ont été coupées par le distributeur américain.
Et le pire, c’est que le film paraît déjà longuet, alors qu’il méritait à l’inverse un coup de pied au cul au montage !

Alors comme certains avis recueillis à la sortie de la salle, les néophytes de Sono Sion semblent y trouver leur plaisir puisqu’il reste évidemment un peu de folie douce, et plusieurs choses rigolotes dont la première demi-heure, mais il faut bien avouer que c’est assez timide à tous les niveaux, et que cette rencontre hautement inattendue entre ces deux esprits fêlés que sont Sono Sion et Nicolas Cage ne produit pas l’explosion tant fantasmée.

Prisoners of the Ghostland (2021) de Sono Sion

Raging Fire

Par Marc – Si l’on voit beaucoup Donnie Yen dans des productions outre-Atlantique (Mulan, Rogue One, le prochain John Wick 4…), la star hong kongaise n’oublie pas pour autant de tourner régulièrement de son côté du globe, comme c’est le cas ici avec Raging Fire. Son nouveau long-métrage est signé du réalisateur Benny Chan, malheureusement décédé en 2020 et qui avait déjà mis en scène La Guerre des Cartels ou encore New Police Story.

Raging Fire raconte le face à face entre un flic droit dans ses bottes (Donnie Yen) et son ancien élève passé du coté obscur de la force après un passage en prison (Nicholas Tse), ce dernier ayant buté quelques flics après un braquage.

La rencontre, souvent très inspirée par Heat, aussi bien dans les échanges entre les personnages que dans une scène de fusillade avait de quoi faire des étincelles. Pourtant, Benny Chan noie son récit dans des flashbacks trop nombreux et dans des scènes de bureau en forme de tunnels de dialogues indigestes. Le résultat est trop long, souvent pénible et même bancal en terme de tonalité, avec des touches d’humour souvent malvenues et peu adaptées à l’ensemble.

Heureusement il reste quelques scènes d’action particulièrement bien troussées et généreuses. Outre la fusillade à la Heat, qui se termine sur un plan absolument « what the fuck », on retiendra une longue scène où Yen affronte des malfrats dans des bidonvilles, n’hésitant pas à s’offrir quelques cascades mémorables. L’acteur, qui a dirigé les chorégraphies, se fait plaisir et on se laisse porter avec lui. Citons aussi le face à face final qui remplira votre jauge de « film de combat parce que la bagarre c’est cool » pour un petit moment.

Raging Fire bastonne et il le fait bien. Dommage qu’il faille, pour autant, se fader autant de scènes inutiles pour en arriver là.

Raging Fire, de Bennie Chan (2021)

Voir les commentairesFermer

Laisser un commentaire