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Etrange Festival #3 : Sweet Virginia, Avant que Nous Disparaissions…

Chaque année on salue l’éclectisme de la programmation de l’Etrange Festival qui ne se contente pas de se limiter au fantastique ou à l’horreur.

Le programme de ce troisième récap’ est à la hauteur de la réputation des organisateurs puisqu’il est question d’un thriller tourné dans le même village américain que Rambo mais avec Jon Bernthal, une enthousiasmante production film franco-brésilien, le nouveau long métrage du prolifique Kiyoshi Kurosawa, un délire belge mêlant bière et musique rock et une reprise signée Françis Girod.

 

Sweet Virginia (2017) de Jamie M. Dagg

Dans un trou perdu de l’Alaska, un triple meurtre déguisé en cambriolage va secouer la population locale, qui cache bien des mystères… Vous voulez le modèle du petit thriller US indé bien troussé ? Sweet Virginia est là pour ça ! Avec un casting renommé (Jon Bernthal, Christopher Abbott et Imogen Poots), le réalisateur Jamie M. Dagg filme le village de Hope, où a été tourné le premier Rambo, sous un angle plus posé, atmosphérique, pour un portrait de cette Amérique profonde où l’homme est toujours un loup qui dort. Bon, il faut bien admettre qu’il n’y a rien de marquant ici, le film ne sortant jamais des sentiers battus du genre, et ne produisant rien de mémorable, mais la simplicité de son découpage n’a d’égal que sa sincérité et une certaine efficacité. Dans l’absolu, on se demande bien ce que ça fait dans un festival consacré à l’Etrange, d’autant que le film était aussi à Deauville, mais voilà une œuvre appliquée et loin d’être désagréable.

 

Les Bonnes Manières (2017) de Julianas Rojas & Marco Dutra

On se plaint souvent du manque d’audace de la production française, mais il fait bien de se rappeler grâce à des manifestations comme l’Etrange que tous les films ne parviennent pas dans le circuit de distribution classique, bien au contraire. En tout cas, on voit mal comment les Bonnes Manières, co-production franco-brésilienne, arrivera chez nous, et pourtant dieu sait combien on a besoin d’œuvres comme celle-ci.
Alors soyons honnêtes d’entrée de jeu : il y a des films qu’on veut aimer à tout prix et dont la fabrication peine sévèrement à convaincre et manque de bol, en voilà un parfait exemple.
Avec l’histoire d’une jeune infirmière à Sao Paulo qui devient l’aide à domicile d’une femme enceinte au comportement de plus en plus étrange, Julianas Rojas & Marco Dutra débutent une fable en 2 parties très distinctes, pour mieux revisiter un folklore fantastique cher à nos cœurs avec un sous texte social très présent, et un décor assez inédit. Et sur le papier, il faut bien saluer le courage pour avoir monté une telle entreprise tant les idées sont là, aussi palpable que le cœur qui bat très fort derrière chaque image. Seulement voilà, à l’image, ce n’est pas jojo !
Se trimballant une lumière aseptisée parfois digne d’une télénovela, une direction artistique qui n’ose pas y aller franchement dans des excentricités formelles à peine effleurées, et surtout une narration beaucoup trop lente et timide pour un conte, les Bonnes Manières peine à captiver d’autant que ses acteurs n’ont pas toujours l’air convaincus parce qu’ils jouent.
Beaucoup trop long, alors que sa structure en 2 temps aurait pu être raccourcie sans être altérée, le long-métrage clame le manque d’expérience de son équipe et sent bon le système D à bien des reprises, ce qui est d’autant plus gênant qu’on perçoit çà et là le potentiel fou de son récit, notamment lors d’un dernier plan très fort.
On a hâte de voir la suite de la carrière de cette petite équipe non moins attachante, car il y a là de belles promesses qui en demandent qu’à éclore.

 

Avant que nous disparaissions (2017) de Kiyoshi Kurosawa – Sortie française prochainement

S’il n’est pas aussi productif que ses confrères Sono Sion & Takashi Miike, Kiyoshi Kurosawa enchaîne tout de même les films puisque moins d’un an après Creepy et le Secret de la Chambre Noire, voilà Avant que nous disparaissions ! Un projet d’autant plus intéressant qu’il constitue sa version des fameux bodysnatchers, ces extraterrestres qui prennent possession des gens et leur donne un comportement un peu étrange tout en leur permettant d’envahir la terre ni vu ni connu.
L’intérêt ici réside dans le détournement systématique des codes du genre, les contaminés ne cachant même pas leur nature et expliquant le plus naturellement du monde leur projet à ceux qui s’en approchent ! Et quel projet, puisqu’il s’agit de faire perdre connaissance de concepts intellectuels entiers, comme la famille, le travail ou la conscience de soi à des hommes qui dès lors errent comme des imbéciles avec un handicap social bien cocasse.
Assez imprévisible dans sa progression, avec parfois des fulgurances de violence ou de comédie absurde, ce Kurosawa se définit avant tout par la véritable intelligence de sa démarche, qui reprend la lecture sociale du genre et l’applique à une société non plus paranoïaque mais noyée par l’indifférence, comme si tout le monde se foutait éperdument de ce qui peut arriver aux autres.
Un désengagement émotionnel et affectif au cœur du film et de son procédé sur la perte du langage, une autre façon de voir les dégâts causés par les échanges numériques et l’appauvrissement qu’ils engendrent sur la qualité du dialogue. Tout n’est pas désenchanté non plus, en témoigne la très belle idée qui clôture le récit en toute logique, ce qui n’empêche pas l’ensemble d’être beaucoup plus expansif dans sa mise en scène, avec une narration bien trop longue qui aurait vraiment gagnée à être plus nerveuse et raccourcie de 20 bonnes minutes facile. Cela étant, parmi tous les films trop longs que l’on a pu voir sur le festival, c’est celui qui a le plus de choses à dire !

 

Spit’n’Split (2017) de Jérôme Vandewattyne

En Belgique, on aime bien la bière et le rock’n roll. Certes, c’est un rien cliché comme image, mais ce n’est pas Spit’n’Split qui va changer la donne ! Ce documentaire suit le groupe The Experimental Tropic Blues Band dans une tournée de 2 ans avec toutes les galères qui vont bien et les moments les plus absurdes que peuvent produire un mélange de mecs fatigués, de guitares saturées et de drogues consommées sans modération. Et comme les bougres sont malins, le projet ne s’arrête pas en si bon chemin, puisque le film vire progressivement vers la fiction pour embrasser les velléités quasi nihilistes et en tout cas complètement expérimentales et psychédéliques.
Un bien drôle d’objet cinématographique, où la frontière entre réel et fiction fout le camp tant on finit par être paumés, notamment lors d’une rencontre bruxelloise digne de John Waters.
Fruit de plus de 2 ans de tournage, Spit’n’Split est un savant mariage des genres, le jeune réalisateur Jérôme Vandewattyne ayant su mêler à la perfection les éléments du quotidien du groupe avec leurs envies de cinéma zinzin. Les bougres y vont franchement, le leader du groupe passant pour une raclûre finie et il faut saluer l’excellent travail de montage, qui donne une énergie débordante à une production résolument modeste. Si la forme perd en suspension d’incrédulité sur la toute fin, où la partie écrite est mise en scène trop proprement face au reste pour passer totalement inaperçue, voilà un film qui sue le punk par tous les pores et s’impose comme une vraie dose d’adrénaline, aussi sincère que délirante.

 

Le Trio Infernal (1974) de François Girod

Voilà 20 ans que l’émission Mauvais Genres occupe les ondes de France Culture pour décortiquer les franches les plus obscures du cinéma mondial, ce que l’Etrange Festival a décidé de célébrer en leur offrant une carte blanche dans laquelle était présenté ce Trio Infernal.
Inspiré d’une histoire vraie assez hallucinante, cette luxueuse production française des années 70 témoigne d’une époque où le cinéma populaire n’avait pas froid aux yeux ! Car ce premier film, qui bénéficie d’une musique signée Ennio Morricone et de Michel Piccoli et Romy Schneider au casting, parle d’un avocat et de 2 sœurs passés maîtres dans l’art de l’escroquerie à l’assurance vie juste après la première guerre mondiale, le trio éponyme massacrant ceux dont ils venaient d’être les bénéficiaires… Si le découpage global, parfois théâtral à l’extrême, s’avère un peu trop platement illustratif, le film n’en reste pas moins saisissant par la frontalité dont il fait preuve, tout ce beau monde se donnant à cœur joie dans cette comédie abyssalement noire, où l’immoralité la plus totale règne dans une bonne humeur des plus inquiétantes. Ça baise, ça boit et ça massacre à tort et à travers avec une allégresse aussi criminelle que jouissive, pour un film qui envoyait royalement chier la bien-pensance sans jamais s’en cacher. Un an après la Grande Bouffe, le Trio Infernal était un autre exemple d’une époque hélas résolue, où il était encore possible de flinguer le politiquement correct dans un cadre grand public.

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