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Etrange Festival #3 : Headshot, Antiporno, Sam was Here…

Troisième partie de nos pérégrinations au Forum des Images pour l’Etrange Festival qui touche à sa fin ce weekend après avoir notamment diffusé cette semaine Detour de Christopher Smith, avec qui l’on reparlera prochainement de son travail.

Ces derniers jours, nous avons notamment vu l’un des derniers longs métrages du très prolifique réalisateur Sono Sion et intitulé Antiporno mais aussi Headshot avec Iko Uwais, la star de The Raid…

 

Antiporno (2016) de Sono Sion

Un Etrange Festival sans Sono Sion, c’est un petit peu comme un Noël sans sapin ou un été sans soleil. C’est impossible ! Et le réalisateur japonais avait encore un belle place dans la sélection cette année avec la diffusion d’un documentaire sur sa carrière (The Sono Sion) et son dernier film en date, Antiporno ! Un film qui ouvre un cycle anniversaire dans la société de production Nikkatsu, qui fête les 50 ans du « Roman Porno », un genre japonais qui a permis de relancer un peu l’industrie à l’époque en proposant des œuvres seulement érotiques contrairement à ce que le titre pourrait penser. Qui de mieux que Sono Sion pour débuter les festivités me direz-vous ?
Comme le bougre ne fait rien comme tout le monde, on y suit en quasi huit-clos une star de la mode délurée et en petite culotte qui s’ennuie à mourir et profite de l’arrivée de son assistante pour l’humilier. Jusque-là, rien de foufou, mais c’était sans compter sur Sono Sion, qui part dans un exercice méta en brisant la diégèse de son film qui devient un film dans le film… Ça peut paraître compliqué à suivre et ça tombe bien : ça l’est ! S’éclatant à brouiller les pistes pour mettre en perspective le genre, la représentation de la femme au cinéma et l’idée même de film, le cinéaste s’en donne à cœur joie dans les strates méta au point de tomber dans l’abstraction la plus totale, et une certaine hystérie il faut bien le dire. Dommage que le tout finisse par sonner un peu vain en fin de course contrairement à son récent Tag, d’autant qu’on a par moment l’impression de voir une performance d’art contemporaine des plus gratuites et des plus vaines. D’autant y verront sûrement de la poésie filmique, toujours est-il que Sono Sion est radical comme à son habitude, et le contraire aurait été décevant.

 

Headshot (2016) de Kimo Stamboel & Timo Tjahjanto

Tout juste projeté en première mondiale au festival de Toronto, Headshot débarque à toute berzingue à l’Etrange festival, attendu par tous les amateurs de grosses mandales et de bastons enlevés. Et pour cause, puisque le nouveau film des Mo Brothers réunit une partie du casting de The Raid, dont son héros Iko Uwais qui joue ici un amnésique suite à une balle dans la tête qui va essayer de se refaire une vie avant que les ennuis reviennent au galop.
L’avantage des Mo Brothers, c’est justement d’essayer de ne pas recopier les films de Gareth Evans en montrant ici un personnage qui va en chier comme jamais dans ses combats. Fini la machine de guerre qui se farcissait 15 mecs dans un couloir en 3 min, ici chaque homme est un obstacle qui va mettre ses nerfs à rude épreuve, dans des joutes martiales brutes de décoffrage, longues, éreintantes et dont on ne sort pas complètement indemne. Une bonne idée, qui offre notamment une scène centrale dans un commissariat assez furieuse et inventive. Sauf que les mecs ont quand même les yeux plus gros que le ventre, et à trop vouloir multiplier les moments de bravoure, ils finissent par noyer leur film dans une succession de duel finissant tous par se ressembler.
A ce titre, 2 combats sont d’une gratuité totale tant ils n’apportent rien de nouveau visuellement ou sur le plan des chorégraphies, tandis qu’ils manquent de justification dans le scénario et atténue les enjeux du film à cause de la répétition. On peut aussi regretter dans les gunfights cette tendance à faire gicler du sang numérique sur des acteurs qui gigotent dans tous les sens en finissant malgré tout en un seul morceau quand bien même on vient de leur vider un chargeur d’AK-47 dans le gosier ! Un comble, surtout pour un film qui s’appelle Headshot, et qui ne montre pas une seule tête exploser sous le coup d’une arme à feu ! On nous aurait menti ?!
Sans être trop dur avec l’ensemble, le tout possède certains moments forts mais aurait gagné à être plus concis et direct, son scénario à grands sentiments ayant tendance à pas mal plomber le rythme aussi…

 

Equus (1977) de Sidney Lumet

Leader du groupe The Killing Joke, Jaz Coleman avait le droit cette année à une carte blanche en bonne et dûe forme à l’Etrange Festival, dans laquelle il a notamment choisi de projeter une œuvre méconnue de Sidney Lumet, Equus. Adapté d’une pièce de théâtre, le film suit la rencontre entre un psychiatre renommé et un adolescent interné après avoir crevé les yeux de 6 chevaux dans une écurie. Va s’en suivre une relation faite d’incompréhension et de fascination, qui va pousser le docteur joué par Richard Burton dans des eaux troubles, l’obligeant à reconsidérer son métier et son rapport à la vie, dans un face à face vénéneux qui n’a rien perdu de son ardeur ou de son aspect moral troublant.

 

Sam Was Here (2016) de Christophe Deroo

Nouvelle première mondiale, décidément cette année ça n’arrête pas, avec Sam Was Here, un film français tourné avec un budget dérisoire dans le désert californien. Le Sam du titre, ce n’est pas celui qui ne boit pas, mais un vendeur au porte-à-porte qui va se retrouver dans une situation délicate, puisque les gens semblent soudain s’être volatilisés, tous cachés pour éviter de croiser un tueur qui rôde… D’un côté, un pareil projet donne forcément envie de le soutenir puisqu’il vient de chez nous, est animé par un amour inconditionnel pour le genre et amorce peut-être, on l’espère, la carrière d’un cinéaste dans le domaine. Surtout que formellement, bien que tourné avec peu d’argent, Sam Was Here a fière allure, et l’on ressent devant le film le travail de préparation et de storyboarding derrière chaque plan tant le tout est composé avec soin et une belle lumière. Cette envie de bien faire se ressent aussi dans la musique de « Christine », carpenter-esque à souhait (sans blague ?), qui appuie l’atmosphère anxiogène vers laquelle le film penche. En revanche, le petit budget se sent directement dans la narration, tant cette histoire simple ne va jamais beaucoup plus loin que son pitch de base et s’avère non seulement maigre mais répétitif, tournant autour de quelques gimmicks bien visibles au fur et à mesure de la progression. Le résultat en pâtit et n’est jamais passionnant, ce qui n’enlève rien au boulot accompli, en espérant que la prochaine production aura lieu et permettra à toute cette équipe de mettre la barre plus haut.

 

The Tenants Downstairs (2016) d’Adam Tsuei

Il y a des types qui ne reculent devant rien. Ni plus ni moins président de Sony Music Entertainment en Asie, Adam Tsuei semblait voir son existence toute tracée en étant haut placé dans le business de la musique. Mais pourquoi vivre une existence quand on peut en avoir plusieurs ?
Cet homme a semble-t-il trouvé une réponse puisqu’il a tout lâché pour devenir réalisateur avec The Tenants Downstairs, un premier film Taïwannais avec un gardien d’immeuble un peu spécial. Déjà parce qu’il a installé des caméras dans tous les appartements de ses locataires et ensuite car il va en tirer profit et commencer à manipuler tout ce beau monde pour dynamiser le quotidien de chacun…
Sorte de rencontre entre Fenêtre sur Cour et le Malveillance de Jaume Balaguero, The Tenants Downstairs se joue de l’humain en cassant les codes sociaux à travers son microcosme, pour mieux mettre ses protagonistes face à leurs désirs, leurs peurs et leurs fantasmes. Le film est étonnant dans sa manière de croiser les genres, sans aucun compromis : comme si son réalisateur voulait rendre hommage à tout ce qu’il aimait, de Matrix à Audition de Takashi Miike, en passant par le cinéma de David Fincher. Résultat : son premier long-métrage mêle romance, comédie, chronique sociale, horreur bien gore ou thriller psychologique sans aucun problème, et se permet des ruptures de ton qui s’en prennent parfois aux nerfs du spectateur, le tout dans une mise en scène enlevé qui fait la part belle à une caméra assez aérienne et ample, amatrice de mouvements complexes sans pour autant trop en faire. S’amusant à repousser les interdits, Adam Tsuei livre une œuvre délicieusement perverse et retorse, qui aurait pu aller beaucoup plus loin si sa toute fin ne terminait pas en jus de boudin tant on sent que le bougre n’a pas trop envie de se prendre la tête pour finir, à moins que ce soit le livre qu’il adapte qui terminait d’une façon aussi décousue. Cela étant, le film reste très plaisant avant tout, fait autant rire que grincer des dents, et le public de l’Etrange Festival ne s’y est pas trompé.

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