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Découvrir la Galaxie : les Gardiens du Cosmicverse

Nous publions depuis ce samedi un gros dossier consacré aux Gardiens de la Galaxie coté comics, autour de la sortie du film de James Gunn le 13 août.

La première partie était consacrée à l’historique des héros dans les pulps et comics avant les années 1950. Il est maintenant temps d’entrer dans le vif du sujet : les Gardiens eux-même.

Depuis leur création dans les années 60 jusqu’à un arrêt des arrêts de parutions au début des années 90.

 

À la fin des années 1960, l’univers cosmique de Marvel se résumait aux questionnements introspectifs du Surfer d’Argent et aux aventures rocambolesques de Captain Marvel (Mar-Vell). Sans être les titres les plus vendeurs, ces deux héros parvenaient à subsister alors que les superstars qu’étaient Spider-Man et autres 4 Fantastiques régnaient sur les stands. La naissance des Gardiens de la Galaxie révèle une stratégie éditoriale chancelante, ne sachant que trop inventer pour créer un nouveau hit.

Fin 1968, le fan devenu éditeur Roy Thomas imagine un concept impliquant un groupe de super guérilleros combattant les forces communistes et chinoises ayant envahi les États-Unis. Il confie alors son idée au scénariste Arnold Drake, qui avait déjà travaillé sur des titres de science-fiction comme Space Ranger, chez DC Comics. Stan Lee, qui avait un droit de regard sur toutes les histoires, suggère alors à Drake de transposer l’idée dans le futur lointain et ainsi de tenter une nouvelle fois de pénétrer le registre cosmique. Dessiné par le talentueux Gene Colan, le numéro introductif des Gardiens est publié dans la revue Marvel Super-Heroes #18, en janvier 1969.

Dès les premières cases en oblique, Drake et Colan choisissent de rester fidèles à leur maison d’édition en adoptant un registre solennel, rappelant le Surfer, et optant pour des jeux d’ombrages appuyés, rendant l’espace considérablement moins coloré que celui habité par la Légion des Super-héros de DC. Le ton initialement mystérieux vire rapidement au pessimisme post-apocalyptique, lorsque l’homme modifié Charlie-27, résident de Jupiter, découvre que l’humanité du 31e siècle a été conquise par la race extra-terrestre des Badoons. Dans sa lutte pour s’échapper, il s’allie à un plutonien à la peau de diamants nommé Martinex, à l’alien Yondu et à Vance Astro, un astronaute du 21e siècle sorti de sa cryostase peu avant l’invasion Badoon. Laissant peu de place à l’humour et insistant assez efficacement sur le désespoir de la situation, Drake essaye ici de former une équipe de fortune constituée exclusivement de combattants pour la liberté. Le chaos ambiant se retrouve dans l’organisation des cases, qui déforment sans cesse la narration classique pour traduire l’incertitude du destin des héros (sans pour autant créer de confusion dans le sens de lecture).

L’initiative est un échec cuisant, coupant court au projet de série continue. Cela ne signifie pas, cependant, que les Gardiens disparaissent totalement de l’univers Marvel. L’année 1974 se révélant riche en événements cosmiques, spécifiquement grâce au scénariste Jim Starlin qui fait s’opposer Captain Marvel au titan fou Thanos, puis lance l’épopée « The Magus Saga » dans les pages d’Adam Warlock, Roy Thomas décide de raviver les Gardiens dans le magazine Marvel Two-In-One #5 de septembre 1974. La même équipe, au design plus sophistiqué, revient alors pour venir en aide à Captain America et à la Chose, transportés au 31e siècle par Reed Richards. Sans doute né d’une volonté de tirer parti de l’élan créé par Starlin sur d’autres titres, ce retour inattendu marque le début d’une série d’apparences continues au sein de l’univers Marvel.

En juillet 1975, les Gardiens voyagent à leur tour dans le temps pour enrayer un plan de destruction fomenté par les Badoons. Croisant sur leur chemin Docteur Strange, Hulk et le reste des Defenders, l’équipe cosmique se retrouve impliquée, sur plusieurs numéros, dans un scénario de paradoxes temporels et de visions dystopiques digne des meilleures nouvelles littéraires. Regroupant avec cohérence de nombreux lieux communs du corpus littéraire science-fictionnel, cette aventure marque un tournant tonal dans l’histoire des Gardiens : ces héros aux pouvoirs surhumains n’existaient finalement, aux yeux de l’univers Marvel contemporain, qu’à travers une série de mécanismes narratifs uniques au genre de la SF (voyage temporel, invasions aliens, bionisme, manipulation génétique, terraformation, etc.). Dans une suite de pages retraçant l’historique séparant le 20e du 31e siècle, Vance Astro mettait en place un réseau de références et de symboles mythologiques puissants (Defenders #26, août 1975).

Sous l’égide du scénariste Steve Gerber, cette saga se poursuit avec Defenders #27-28-29, multipliant les manipulations des codes du genre pour créer une aventure exaltante, où science-fiction et fantaisie super-héroïque se croisent dans une histoire aux enjeux temporels et galactiques. En 1976, les Gardiens envahissent les pages du magazine Marvel Presents, du numéro 3 au numéro 12, pour continuer leur combat contre les Badoons, puis imiter l’équipage de l’Enterprise pour explorer le cœur de la galaxie et affronter des dangers plus inimaginables les uns que les autres. Le scénariste profite de l’occasion pour vite agrandir l’équipe, avec le mystérieux Starhawk et l’intrépide Nikki Gold. Avec cette épopée de space opera aux enjeux palpables, aux héros hauts en couleur et à la dynamique tantôt feuilletonnante, tantôt « monster of the week » avec un fil rouge d’arrière-plan, la série des Gardiens de la Galaxie devient sans conteste l’un de ses titres cosmiques le plus stimulant et, de plus, l’unique titre mettant en scène une équipe super-héroïque dans un décor majoritairement influencé par le planet opera.

Parallèlement, Marvel agrandit sa famille cosmique avec des personnages répondant aux mêmes codes que les Gardiens, mais évoluant principalement en solo : Nova, Star-Lord, Quasar et Rocket Racoon font leur apparition solitaire dans les pages de diverses revues. Il faut dire que l’heure est au space opera, les éditeurs de comics comprenant bien que le succès de Star Wars de 1977 ne peut jouer qu’en leur faveur. En outre, DC Comics avait publié au début des années 1970 le chef d’œuvre de Jack Kirby : Fourth World, mettent en scène les New Gods, Darkseid et les Forever People.

Formellement, Gerber et ses dessinateurs resteront globalement classiques dans les premiers numéros (bien plus, en tout cas, que le prologue de Drake et Colan). Une fois la série lancée, cependant, quelques expérimentations ponctuent leur run, dynamisant grandement l’action déjà effrénée. Gerber est toutefois connu pour avoir brisé le flux narratif de la bande dessinée afin d’inclure des pages en prose illustrée, comme le feront quelques années plus tard des auteurs tels que Dennis O’Neil, Alan Moore ou Grant Morrison.

Plus tard, sa relève (Roger Stern et Jim Shooter) adoptera une approche similaire en composant des pages allant du classique à l’audacieux, utilisant les éléments de la diégèse pour justifier des déformations formelles, préfigurant à petite dose certaines planches de Promethea :

Malgré leur réussite artistique, les Gardiens finissent les années 1970 en se retirant peu à peu, faisant quelques apparitions auprès des Vengeurs lors de la saga Korvac, ou encore avec Spider-Man ou la Chose dans les revues Marvel Team-Up et Marvel Two-in-One, pour finalement disparaître complètement de l’univers Marvel pendant dix ans.

Leur premier retour triomphal se fera tout naturellement grâce à Star Trek : en 1990, Tom DeFalco, alors éditeur en chef chez Marvel, remarque que beaucoup d’employés de la maison s’emploient à discuter avec ferveur des épisodes inédits de la nouvelle série Star Trek: The Next Generation. De plus, si les Gardiens étaient absents des années 1980, ces dernières offrirent cependant quelques titres mémorables : on peut citer la mini-série Captain Victory and the Galactic Rangers de Jack Kirby, ou le crossover Cosmic Odyssey de DC Comics. Souhaitant confier la tâche à un auteur compétent, DeFalco fait appel à Jim Valentino, un scénariste-dessinateur ayant fait ses preuves sur quelques numéros « What if… ? ».

Grand admirateur du travail effectué par ses pairs dans les années 1970, Valentino ne reboot pas la série, mais en propose tout simplement la suite. Son comic book nous entraîne donc au 31e siècle, que nous découvrons au fil des aventures des héros. Rappelant les événements du Silver Age de manière cyclique, le scénariste parvient à créer une continuité forte, perpétuant ainsi la dimension sérielle des Gardiens. L’attrait premier de la série tient sans nul doute de l’utilisation des éléments familiers de l’univers Marvel, transposés 1 000 ans dans le futur. C’est ainsi que les premiers nouveaux adversaires que nous découvrons s’appellent les Stark, des êtres organisés en société matriarcale et technocratique, baptisés après qu’une fusée remplie de la technologie de Tony Stark s’est écrasée sur leur planète natale. De même, le bouclier de Captain America devient une relique convoitée, la Vision une intelligence immortelle, et ainsi de suite. Ces détails contribuent par ailleurs au surnom donné aux Gardiens : les Vengeurs du futur.

Malgré toutes leurs qualités scénaristiques, les Gardiens des années 1990 finissent par s’essouffler, les révélations fonctionnant principalement grâce à la connaissance supposée des lecteurs vis-à-vis de l’univers Marvel présent, et la série a finalement du mal à s’émanciper de ce schéma qui ressemble de plus en plus à une forme de fan service sympathique. Techniquement, Valentino savait gérer son rythme et relancer les intrigues de manière efficace, mais l’émerveillement provoqué par l’imaginaire déployé sous la plume de Steve Gerber ne reviendra jamais réellement, l’exploration des concepts de SF ayant été remplacée par un soap opera spatial avec énormément d’action. C’est au final assez peu surprenant, le style de Valentino s’inscrivant très clairement dans un registre propre aux années 1990 chez Marvel : bastons fréquentes, amourettes chuchotées, clins d’œil constants et surtout style graphique chargé, manquant parfois de dynamisme dans ses mouvements. Jim Valentino quittera Marvel courant de la décennie pour fonder Image Comics avec ses amis Todd MacFarlane et Rob Liefield, et la série Les Gardiens de la Galaxie s’éteindra trois ans plus tard.

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