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Critique : Twixt

Nous avons rencontré Francis Ford Coppola comme vous avez pu le voir en interview.

Le réalisateur était à Paris pour présenter Twixt, son dernier film.
Après L’Idéaliste, sorti en 1997 avec Matt Damon, le réalisateur du Parrain a choisi de se lancer dans du cinéma indépendant, qu’il produit lui-même et dans lequel il fait ce qu’il a envie sans contraintes. Il a donc réalisé L’Homme Sans Age et Tetro.

Maintenant, il revient donc avec Twixt, mettant en scène Val Kilmer et Elle Fanning…

 

 

Twixt – Sortie le 11 avril 2012
Réalisé par Francis Ford Coppola
Avec Val Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning
Un écrivain sur le déclin arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Le soir même, il rencontre, en rêve, l’énigmatique fantôme d’une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V et le meurtre commis en ville, mais il décèle également dans cette histoire un passionnant sujet de roman qui s’offre à lui. Pour démêler cette énigme, il va devoir aller fouiller les méandres de son subconscient et découvrir que la clé du mystère est intimement liée à son histoire personnelle.

 

Dans la catégorie légendes vivantes/poids lourds du cinéma américain, Francis Ford Coppola réside confortablement malgré une carrière qui a le mérite d’en perturber plus d’un.
Il faut dire qu’après une pause de 10 ans, le tournant pris dans sa carrière avec l’Homme sans âge et Tetro était pour le moins étonnant, le réalisateur multi palmé et oscarisé délaissant tout système Hollywoodien pour revenir à des films plus modestes, au budget moindre mais lui offrant une liberté et un contrôle artistique total. Autant dire que son nouveau film Twixt s’avère être le plus radicale dans cette quête d’indépendance puisque cette enquête fantastique a notamment été tourné chez le réalisateur même ! Se retrouvant affublé d’une réputation désastreuse après quelques festivals dont celui de Gérardmer et qualifié par certains de film d’étudiant de cinéma, Twixt sort enfin dans les salles et s’apprête à révéler ses mystères…

Si vous avez vu la bande annonce, vous vous êtes sûrement rendu compte à moins d’être aveugle que visuellement, le nouveau Francis Ford Coppola est pour le moins étrange. Allez, disons le mot, il paraît cheap. Quoi de plus normal avec un tournage en Sony F900, habituellement destiné à une utilisation dans le milieu de la télé. Et pourtant, cela ne suffit point à balayer le film d’un revers de la main comme beaucoup l’ont déjà fait tant il faut bien admettre qu’une fois devant la bête et les premières minutes passées, ce qui semblait être un côté fauché va vite devenir une bizarrerie caractéristique de la chose et revendiquée au plus haut point. Il aurait été naïf de penser qu’après 50 ans de bouteille, Coppola se laisserait aller sans plus aucune exigence artistique ou technique car véritablement, l’image du film et sa texture peu conventionnelle vont vite servir une atmosphère dont le pouvoir de fascination va s’accroître rapidement. Qu’il soit en 4/3 ou en cinémascope, le cinéma reste du cinéma pourvu qu’on utilise les outils visuels et sonores qu’il nous offre afin de raconter une histoire à travers eux et coup de bol, c’est exactement ce qu’a fait Coppola.

Au delà même du rendu de l’image, la mise en scène de Twixt se base sur des plans fixes évacuant autant que possible tout mouvement de caméra. On pourrait y voir la fainéantise d’un géant pressé de faire son film et pourtant, la démarche du réalisateur est belle et bien de ramener le pouvoir d’une image, aussi bien symbolique et narratif, au cœur de sa mise en scène. Le constat avec lequel il part est pourquoi faire un mouvement de caméra pour suivre un évènement quand le cadre pour en raconter tout autant. A la vue des premières minutes du film, on se rend vite compte consciemment ou non que le bougre sait de quoi il parle tant on finit par oublier la prétendue rigidité de la réalisation. Et pour cause, chaque cadre étant méticuleusement composé et pensé pour dire juste ce qu’il faut par rapport à son sujet sans en faire des tonnes et s’accommoder de mouvement inutiles. Cherchant à amener l’émotion et l’information uniquement par ses axes de caméra ou ses focales, le tout orchestré dans un montage qui prend en compte la succession d’une image à une autre et le lien qui s’en dégage naturellement ou s’y trouve brisé, le découpage de Twixt parvient naturellement à créer une vraie dynamique dans le récit par le simple contenu de chaque plan, veillant bien à ce que chacun d’eux ait le temps suffisant à l’écran pour que le spectateur en décèle tout le sens. Un procédé en total opposition avec la mode clipesque, hystérique ou hyperactive auquel le cinéma contemporain nous a habitué, au sein d’un film qui veille bien à briser une à une les habitudes de son spectateur.

Twixt ne se limite pas à user d’une réalisation remettant le plan en tant que tel au cœur des enjeux mais aussi travaille-t-il énormément sur l’esthétique de celui-ci, quitte à prendre le spectateur à rebrousse poil de plus bel. Dans ces moments les plus lyriques, le long-métrage exclut totalement l’esthétique réaliste auquel on nous a habitués et prend à bras le corps la thématique des rêves pour jouer une fois de plus sur la crédibilité des images. Certains décors ressemblent ni plus ni moins à des découpages recollés tel un scratch book tandis que certaines lumières ont des auras extrêmement définies et tout sauf naturelles, pour des assemblages visuels abracadabrantesques et défiant toute logique. Cela aura tôt fait de trouver bons nombres de détracteurs se moquant bêtement la chose en arguant combien elle peut paraître laide alors que finalement, Coppola embrasse cette dernière et tente de donner corps à l’indicible monde de l’imagination dans ce qu’il peut avoir de plus biscornu et baroque. Une démarche d’autant plus salutaire, qu’elle est comme toujours au service d’un conteur hors pair.

Cette attitude vis-à-vis de la forme est d’abord une réaction face à un système. Coppola est connu pour ses déboires avec les producteurs et tout ce qu’il veut montrer ici est que l’histoire prime avant tout chose, le fond et la forme ne devant faire qu’un et ne jamais empiéter l’un sur l’autre.
C’est aussi pour suivre une histoire bizarroïde, dans lequel le personnage paumé de Val Kilmer va, au travers d’un parcours antirationnel, trouver la vérité sur un terrible fait du passé et mieux encore, sur lui-même, son existence et ses démons intimes. L’univers d’Edgar Allan Poe revisité par Coppola permettent au deux de former une symbiose hallucinante et aux effets cathartiques, le réalisateur regardant droit dans les yeux l’un des épisodes les plus noirs de sa vie au détour d’une scène absolument bouleverse dans laquelle le héros revoit le fait en question dans un lac devenu écran. C’est dans ce moment d’intimité transcendant et à la forme résolument hurluberlue que Twixt prend tout son sens, et boucle la boucle de la plus belle des manières.

A la fois terrain d’expérimentation complet et introspection bouleversante, Twixt est un plaidoyer superbe sur la puissance d’attraction et d’émotion du 7ème art. Malgré une utilisation bien futile d’une 3D extrêmement succincte (2 scènes !), la liberté de mise en scène prônée par Coppola n’est là que pour servir son génie absolu pour le découpage, ou la quintessence du cinéma.
Alors ne faites pas comme les spectateurs fermés et faussement exigeants de certains festivals et comme le précisait si bien la dernière réplique de la bande annonce : Préparez vous à être surpris.

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