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Critique : Thalasso

Après L’Enlèvement de Michel Houellebecq, l’écrivain revient avec Gérard Depardieu dans Thalasso – mis en scène par Guillaume Nicloux et actuellement en salles.

Nicloux étant partout, il proposera aussi une mini-série sur Arte avec Gaspard Ulliel et Freya Mavor intitulée Il Etait Une Seconde Fois. Premier épisode le 29 août.

 

LA CRITIQUE

Michel Houellebecq se retrouve, l’on ne sait pourquoi, abandonné par son épouse délicate dans un centre de Thalasso normand. Ici, il est interdit de boire (du vin), de manger (du saucisson et des rillettes), de fumer, et de se réunir à plus de trois dans une même chambre. Règlement strict et soin d’une agressivité corporelle nullement reposante, Michel déprime. Et tente, par définition, vainement, de négocier.

Lorsque soudain, miracle : « Oh monsieur Depardieu ! » Heureusement, Gérard Depardieu n’est pas venu les mains vides, et en sa besace a de quoi tenir. Et tenir longtemps. (À vrai dire, je n’aurais pas tenu, vin bu à proportions gargantuesques – point de vue des natures les plus fragiles.) Ainsi, tous deux, peignoirs blancs – ouvert pour l’un, fermé pudiquement pour l’autre – s’en vont boire, manger et fumer en catimini, dans ce lieu de cure thermale.

Pour comprendre Thalasso, pour en savourer tous les détails, pour s’attacher, s’enticher des personnages (Ginette et Dédé ont tant manqué), il faudrait, dans un monde idéal, avoir vu L’enlèvement de Michel Houellebecq avant. Car ici sont de retour nos trois ravisseurs, et une nouvelle petite amie mystique. Rien ne va plus entre Ginette et Dédé. Elle s’en est allée avec un autre, et tous trois, dont le fils du couple séparé, pensent que Michel sait quelque chose. Alors, il faut le rejoindre, l’encercler, et lui tirer les vers du nez.

À ce fil conducteur vers une fin étonnante, s’ajoutent les conversations lunaires entre Michel Houellebecq et Gérard Depardieu. Sexe, politique, complot, religion, la mort, le poids,  le physique, les partouzes, les problèmes de santé, la taille des fauteuils, les connards des villes et de la thalasso, tout sera conversé, sans sobriété.

De la sacralisation des personnalités publiques

On les sacralise, un peu, Michel et Gérard. Et le sacré, selon Régis Debray, n’a rien de religieux ou bien d’ésotérique. Le sacré est partout, dans notre société dite contemporaine – soit celle avec laquelle nous vivons, du latin « con temporaneus » : avec notre temps.

Michel Houellebecq et Gérard Depardieu sont un peu sacralisés. Les écrits du premier figurent parmi les plus lus des Français, il est l’un de nos rares écrivains d’aujourd’hui étudiés à l’étranger, le second est couramment surnommé par la locution suivante « monstre sacré  du Cinéma Français » Ils sont connus, reconnus, sacralisés. Ils sont aimés, détestés, tout le monde a un avis sur « Michel et Gérard. » Honte de la France ou bien joyaux nationaux ?

Michel Houellebecq et son corps chétif de grand écrivain en slip de bain, désacralise soudain le personnage. Ses réactions parfois adorables – sans trop en dévoiler – cet air d’enfant pris la main dans le sac, ses petits « Ah ? » interrogatifs de celui qui sait la faute commise, mais ne l’avouera pas. Sa charmante prétendue désinvolture. Ses accès de tristesse. Ses remords, parfois. Il dégage ici quelque chose de touchant.

Documentaire ou fiction ?

Maintenant se pose la question de la véracité des propos tenus. Dans le dossier de presse Guillaume Nicloux écrit : « Stimuler l’acte de jouer pour rattraper l’ossature scénaristique, la contredire, la supplanter, la poursuivre. C’est ce mélange qui forme les règles du jeu. »  Notons ce verbe, « stimuler » et non « simuler », une seule lettre, un seul T et soudain le film prend un autre sens. Il est envisageable d’aimer à penser que, si les situations sont fictionnelles, certaines phrases, regards et réactions ne le sont pas.

Cette fiction relève du fantastique, tant les conversations, les échanges, les situations – et les réactions! surtout, les réactions – nous semblent irréels, quasi-surnaturels. Nous sortons de la triste banalité, pour s’affairer dans l’absurde, sentiment dû au génie (notons que toute forme de génie étant incomprise, elle ne peut être la même, pour tous),  de ces deux personnages, de ces deux acteurs, de ces deux grands que sont Michel Houellebecq et Gérard Depardieu.

Pour conclure, car il le faut, à ce film apposons ces deux mots à l’assemblage ravissant, empruntés à Par les routes, de Sylvain Prudhomme : ce film est « fantastiquement con. »*

*Comprenons, à ce bel adverbe, « fantastique » s’allie cette formidable interjection buccale,  polysémique à souhait, ici utilisée comme synonyme vulgaire de « drôle. »

Thalasso, de Guillaume Nicloux – Sortie en salles le 21 août 2019

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2 Comments

  • Trackback: Critique : Thalasso de Guillaume Nicloux, avec Michel Houellebecq et Gérard Depardieu – Cinéma – Littérature – Musique
  • par Saint-Martin
    Posté lundi 16 septembre 2019 21 h 32 min 0Likes

    De prime abord, un film nul, et qui n’a fait rire personne dans ma salle de cinéma. Ni comédie, ni dramatique (au sens du drame grec). Et puis, réflexion faite, il faut peut-être le prendre au deuxième degré : chaque scène, même la plus minime, me semble être – volontairement – une illustration des profondeurs insondables de la bêtise humaine. Et là, c’est très réussi.
    Reste la question de savoir si telle était la volonté du scénario. Si tel n’était pas le cas, il ne reste qu’un film nul.

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