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Critique : Once Upon a Time… in Hollywood

Le Festival de Cannes s’est terminé ce samedi, couronnant le très attendu Parasite de Bong Joon-Ho d’une Palme d’Or qui fait bien plaisir. Mais avant d’évoquer prochainement le cinéaste coréen, direction Hollywood. Et Quentin Tarantino.

 

LA CRITIQUE

Chaque nouveau projet de Quentin Tarantino semble être le plus important de toute sa carrière, celui dans lequel il a mis toute sa personnalité, toute son expérience et pour lequel il a attendu le bon moment. Once Upon a Time… in Hollywood ne déroge pas à cette règle paradoxale, et débarque donc au festival de Cannes 25 ans après la palme d’or pour Pulp Fiction, avec l’intention de raviver une époque capitale pour le réalisateur cinéphage.

Bienvenue donc en 1969, à Hollywood. Ou plutôt il était une fois 1969, à Hollywood…

Le titre du film est on-ne-peut-plus explicite quant aux intentions de Tarantino, né en 1963 et qui a passé une partie de son enfance à Los Angeles, dont l’année 69 a été marquée notamment par l’assassinat de Sharon Tate par le clan de Charles Manson.
Ce film, c’est l’occasion pour le cinéaste de retourner à ses origines et de mettre en scène l’industrie qui l’a fait rêver gamin, à la base de toute sa cinéphilie. Au cœur du film, on retrouve donc l’acteur fictif Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), toujours suivi par son cascadeur et assistant Cliff Booth (Brad Pitt). Abonné aux séries TV et ayant du mal à percer au cinéma alors qu’il commence à devenir trop vieux pour être une star, Rick Dalton va alors tout tenter pour sauver sa carrière et ne pas disparaitre des projecteurs. Son parcours, fait de rencontres avec un agent, de célébrités dans des soirées guindées ou de tournages, va permettre à Tarantino de replonger tête baissée dans cette époque qui lui est chère, au fil d’une reconstitution ultra soignée, où les rues d’Hollywood ont bel et bien étés redécorées pour retrouver leur cachet d’antan, afin que le casting s’y retrouve aussi fidèlement qu’en ayant utilisé une machine à remonter le temps. De ce point de vue-là, le film est bien une lettre d’amour à l’âge d’or du cinéma hollywoodien, où le cinéaste se complaît à imaginer ses personnages croiser des légendes tels que Bruce Lee ou Steve McQueen, reconstitue l’atmosphère joyeuse et faste des tournages de l’époque, filme avec un enthousiasme évident l’effervescence du milieu, le vivier de talents bruts et la liberté d’une industrie qui s’émancipait de toute contrainte, des films comme Easy Rider, La Horde Sauvage ou Macadam Cowboy étant les succès du moment.

Un tel projet est évidemment ultra alléchant sur le papier tant le cinéaste est réputé pour sa capacité à procurer du plaisir via sa mise en scène, avec une énergie qui nous a toujours laissé pantois, et une filmographie alimentée majoritairement par sa cinéphilie gloutonne, où il transcende ses influences en les marquant de sa patte. On reconnaissait tous le costume jaune et noir de Bruce Lee sur Uma Thurman dans Kill Bill, mais ce n’était qu’une des innombrables références remixées au shaker Tarantino, dont la passion et le talent lui permettait d’en ressortir un film tout à fait singulier, avec une histoire inédite et forte, et qui ne nécessitait même pas de connaître les œuvres citées pour en profiter.

Once Upon a Time… in Hollywood semble marquer un arrêt à cette tendance pourtant tenace, tant le cinéaste se complaît dans ce retour en arrière sans y injecter le panache suffisant pour être aussi communicatif que par le passé. Bon nombre de scènes de son nouveau film montrent son comédien sur le tournage d’un western ou d’une nouvelle production, dans laquelle QT nous immerge comme si nous en étions les spectateurs principaux, imposant par conséquent une distance compte tenu du caractère fictif du film dans le film. Et si certains passages sont des clins d’œil amusants à des genres disparus (la Nazisploitation, la comédie musicale, le film d’évasion…), il a surtout tendance à étirer ses scènes, notamment quand il est question de western, sans y apporter le mordant qu’on lui connaît pour élever le niveau au-delà du simple copycat. Un tournage avec une très jeune actrice hyper consciencieuse amuse plus par exemple sur les coulisses de la scène que sur cette dernière, où DiCaprio se lance dans un long dialogue qui permet certes à son personnage de retrouver foi dans son jeu, mais dont la durée assomme plus qu’autre chose.
Réputé pour ses talents de scénariste et de dialoguiste hors pair, Tarantino étonne ici par le calme relatif de son entreprise, ou du moins sa sobriété. On peine à se souvenir d’un dialogue qui fuse, d’une réplique qui claque et d’une scène à la malice foudroyante tant le réalisateur semble s’être assagit et peine à offrir à ses comédiens des instants de grâce.

Un constat qui se retrouve aussi sur la mise en scène du film, dont la tenue est aussi classieuse que simple. Une simplicité qui finit par peser contre elle, déjà parce que tout le film semble pensé de la même manière, amenant par exemple une scène à suspense dans un ranch à être aussi intense que n’importe quel dialogue, c’est-à-dire sans grande tension. S’il y a bien ça et là quelques tubes décochés ou quelques scènes amusantes, le rythme de l’ensemble et sa longue durée (2H40 dans son montage cannois, visiblement amené à être rallongé pour la sortie salle) pèsent sur l’émulation créée par le long-métrage, qui se réveille en fin de course pour retrouver la fureur de son auteur, sans doute un peu trop tard d’ailleurs. Tarantino a évolué, et se fait plus mélancolique que jamais, avec une tendresse certaine pour son duo principal, d’autant que Brad Pitt illumine par son charisme, et surpasse son confrère DiCaprio en ayant un rôle plus timoré, et aussi plus attachant.

Après tout, le projet du film est de retrouver l’innocence et la frivolité de son temps, y compris via le personnage de Sharon Tate, que l’on voit somme toute assez peu dans le film puisqu’elle reste une toile de fond, qui amènera les non-initiés au fait divers initial à se questionner sur la présence d’un tel personnage. Mais à l’instar d’une scène où son interprète Margot Robbie va au cinéma pour voir « The Wrecking Crew », avec le vrai film diffusé dans la salle et donc la vraie Sharon Tate face à son incarnation, la finalité méta du film reste quelque peu vaine tant on a du mal à voir l’intérêt de l’exercice passé la citation, et la lettre d’amour. A ce petit jeu, on repense facilement au Avé César des frères Coen, qui convoquait l’âge d’or d’Hollywood avec autrement plus d’entrain et d’inventivité, tout en distillant une vraie densité thématique où tout ce qui touchait la civilisation humaine passait un moment ou à un autre par le 7ème art et son industrie, régissant à peu près tous les rapports humains.
Tarantino fonctionne beaucoup ici plus en vase clos, et ses jolies intentions en ressortent sans doute plus romantiques, mais aussi plus limitées.

Certes, Once Up a Time… in Hollywood est avant tout une célébration.
De la beauté du cinéma, de ses stars et de tous les artisans de l’ombre qui travaillent de façon acharnée pour faire perdurer ce rêve. Mais aussi passionnée soit cette note d’intention, elle peine malheureusement à aller plus loin, tant elle est faite par un cinéphile pour les cinéphiles, dont la ligne de mire ne dépasse pas la planète cinéma et l’année 1969.

Après nous avoir brillamment prouvé que le 7ème art pouvait réécrire la grande histoire avec audace, Tarantino nous conte ici que le cinéma peut aussi réécrire sa propre légende. La démarche reste sympathique et touchante, mais feindre la surprise et l’émerveillement serait sans doute forcé, surtout pour un auteur qui semble avoir perdu sa fougue légendaire pour un pamphlet aussi mielleux.

Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino – Sortie le 14 août 2019

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