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Critique : Nocturnal Animals

On commence l’année 2017 -que nous vous souhaitons une nouvelle fois excellente et parsemée de bons films- parce qu’on appelle « du lourd ».

Six ans après « A Single Man », le styliste devenu réalisateur Tom Ford revient derrière la caméra et embarque avec lui rien de moins qu’Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Armie Hammer, aron Taylor-Johnson et Isla Fisher. Excusez du peu. Ça s’appelle Nocturnal Animals.

 

LA CRITIQUE

Au début de l’année 2010, on nous avait proposé un expérience : qu’un personnage venu de l’univers de la mode comme le styliste Tom Ford puisse accomplir quelque chose de pertinent dans le monde du cinéma. Lui qui avait fait une apparition dans son propre rôle à l’époque dans le déluré Zoolander de Ben Stiller s’essaya donc au Septième art avec un brillant premier long-métrage. A Single Man était porté par l’extraordinaire Colin Firth dans le rôle d’un professeur d’université dévoré par la solitude après la perte tragique de son compagnon. Également producteur et scénariste, Tom Ford y avait adapté le roman éponyme de Christopher Isherwood.

Bien que son entrée à Hollywood fut remarquée, il aura fallu six années à Tom Ford pour revenir derrière la caméra et plancher sur un nouveau long-métrage qui s’incarne sous la forme de Nocturnal Animals. Ici encore, le réalisateur transpose sur le grand écran le roman d’un autre. Le film est tiré du livre d’Austin Wright Tony and Susan et nous plonge dans un mélo dont le décor est la bonne grosse bourgeoisie américaine, avec Amy Adams dans le rôle d’une galeriste de Los Angeles. Une romance passée partagée avec le personnage de Jake Gyllenhaal va ressurgir quand ce dernier lui fera parvenir l’épreuve de son nouveau roman.

Ce premier univers dans lequel nous plonge le film devrait avoir tout de hautain et pompeux, étant donné l’ensemble de personnalités hautes en couleurs qu’il rassemble. Pourtant, Tom Ford nous désarçonne complètement avec ses premiers plans hypnotiques qui nous amènent au bord du malaise. En bon Monsieur Loyal, le réalisateur nous annonce de but en blanc le début d’un spectacle grotesque et pathétique dans ce cirque des apparences et des choses superficielles qu’est la bourgeoisie. C’est dans ce monde clairement malade que vit Susan, incarnée par une Amy Adams en beauté glacée en surface qui n’attend que d’exploser. Aidé par la très belle photographie presque hallucinatoire de Seamus McGarney, le réalisateur donne au premier acte de Nocturnal Animals des accents littéralement hitchcockiens. La sublime composition musicale d’Abel Korzeniowski renforce cette ressemblance en nous rappelant par moment les sonorités du grand Bernard Herrmann. Tom Ford parvient alors à faire monter la tension sur une action anodine et filmée en plan fixe.

De cette ambiance électrique et inconfortable, Ford commence ainsi un autre film dans le film, Nocturnal Animals étant le titre du roman dans le roman d’Austin Wright ici adapté. De ses lectures passionnées de l’épreuve de son ex, le personnage de Susan se et nous perd dans plusieurs temporalités qui s’entrecroisent à travers un montage ciselé.

Nous aurons essentiellement son imagination qui nous représentera ce sombre roman qui lui est dédié et conte le tragique parcours de Tony dont la rencontre avec des voyous au milieu de nulle part aura de terribles conséquences pour sa petite famille. Tandis que Susan s’imagine ce malheureux héros sous les traits d’Edward, son auteur (Jake Gyllenhaal), Aaron Taylor-Jonhson tire son épingle du jeu. La séquence où tout bascule prend aux tripes et la pression qu’y instaure Tom Ford est digne de celle d’un John Boorman de Délivrance. Plus loin, ce film dans le film perdra un peu de sa saveur en se muant en errance puis en quête de vengeance. Apparaîtra un Michael Shannon moins bon qu’à son habitude, s’autocaricaturant en sheriff cowboy à la limite du cabotinage de Jeff Bridges dans le même rôle pour le film Comancheria sorti l’an dernier. Les images du désert sont certes toujours aussi magnifiques que celles de la ville de Los Angeles, cependant le récit de la fiction de Nocturnal Animals manque un peu plus de tenue vis-à-vis de celui du monde réel.

D’autant qu’il se mêle pareillement à ce passé qui refait surface, de lorsque Susan était en couple avec Edward, vivant le parfait amour, mais dont les prédictions de son avenir avec lui s’avéraient défavorables… mais surtout prémonitoires. Et c’est à l’heure où son nouvel amour bat de l’aile que Susan s’interroge sur l’idée de retrouver, peut-être, celui qu’elle avait quitté brutalement il y a plusieurs années. C’est sous cet angle que le long-métrage de Tom Ford vient trouver sa conclusion, tout en évitant de nous apporter un final explicite à son histoire. Le réalisateur semble tourner une dernière page, mais sans avoir su vraiment donner sa pertinence à cette mise en abime qui aura été le cœur de son film, et nous laisse sur la sensation d’un cheminement assez vain.

Malgré ses quelques défauts mineurs, Nocturnal Animals dépasse par sa mise en scène la curiosité qu’avait pu être A Single Man et est une nouvelle preuve que le styliste s’est bien métamorphosé en un vrai réalisateur de cinéma avec ses obsessions et ses thématiques bien à lui.

Nocturnal Animals, de Tom Ford – Sortie le 4 janvier 2017

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