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Critique : L’Homme qui Tua Don Quichotte

Enfin ! Après des années de galère, du tournage catastrophique avec Jean Rochefort au producteur chelou qui a voulu bloquer la sortie du film à quelques jours de sa présentation cannoise, L’Homme qui Tua Don Quichotte.

Le film rassemble finalement Jonathan Pryce, Adam Driver, Olga Kurylenko, Joana Ribeiro, Stellan Skarsgård et même Rossy de Palma déjà au casting de la toute première version.

 

LA CRITIQUE

Il aura fallu plus de vingt ans à Terry Gilliam pour écrire, tourner et finalement sortir en salles sa vision du personnage de Don Quichotte, d’après l’œuvre de Miguel de Cervantes. L’Homme Qui Tua Don Quichotte a longtemps été considéré comme un film maudit, comme le raconte le documentaire Lost in la Mancha revenant sur le premier tournage avec Jean Rochefort dans le rôle titre. Les derniers rebondissements (le procès récent de Gilliam avec un producteur mettant en péril sa sortie cannoise) ne faisaient que renforcer la situation. Pourtant, ce 19 mai 2018, le film de Terry Gilliam est sorti. Pour notre plus grand bonheur.

Le long-métrage s’ouvre sur une image d’Epinal : Don Quichotte, accompagné de son fidèle Sancho Panza, s’apprête à attaquer un moulin qu’il prend pour un géant. Puis un homme crie « coupez ! » et on se retrouve sur un plateau de tournage. Surprise, le long métrage de Terry Gilliam n’est pas une transposition exacte du roman. C’est l’histoire d’un jeune cinéaste qui tourne des publicités, dont une avec le personnage culte. En galère de tournage en Espagne (tiens tiens…), il va mettre la main sur une copie pirate d’un autre film consacré à Quichotte, qu’il a lui-même tourné quelques années auparavant. Il va alors se mettre en quête de son acteur principal d’époque et découvrir que celui-ci a pété un câble et se prend complètement pour le personnage qu’il a jadis incarné, voulant sauver la veuve et l’orphelin dans l’Espagne contemporaine. Le jeune publicitaire et le vieil acteur vont alors faire un bout de route, semée d’embuches, ensembles.

Les écrits de Cervantes évoquaient déjà la folie, le Don Quichotte de départ n’ayant jamais été le héros qu’il croyait. C’était un allumé qui se prenait pour un chevalier. Ici, on n’est pas loin du compte si ce n’est que c’est un acteur qui se prend pour son personnage. La séquence d’ouverture rappelle les galères de tournage de Gilliam et nous permet alors de plonger dans un univers complètement meta, où la réalité va se mêler à la fiction mais pas seulement. Le jeune cinéaste va avoir des visions, transposant dans sa tête ce qui se déroule dans l’univers contemporain mais au Moyen-Age. Si l’histoire est donc simple, elle sera visible à l’écran de différentes manières, parfois en noir et blanc, jusqu’à un acte final ébouriffant où tout s’entremêle.

C’est à travers le personnage du réalisateur incarné par Adam Driver que le réalisateur s’exprime, non content de montrer un metteur en scène désabusé face à la galère mais aussi quelqu’un qui plonge de plein pied dans un univers imaginaire. Steven Spielberg avait déjà évoqué son rapport à l’imaginaire face à la dureté de la réalité dans l’indispensable Ready Player One. Gilliam en rajoute une couche avec son Don Quichotte, aidé par la performance de Driver qui confirme s’il y en avait besoin qu’il peut tout jouer. Face à lui, Jonathan Pryce livre sans doute sa meilleure performance depuis … Brazil, de son ami Gilliam. On est forcément curieux de se demander ce que le film aurait donné avec Jean Rochefort ou John Hurt (à qui l’oeuvre est naturellement dédiée) mais Pryce est complétement habité par son personnage et sa folie se ressent jusque dans son regard. Et on citera aussi Joana Ribeiro, véritable révélation.

L’aspect désabusé du personnage d’Adam Driver, qui finit par tout accepter se sent dans le travail de Gilliam qui, après mille tentatives, livre une mise en scène bien sage. Le réalisateur a-t-il voulu en finir rapidement après toutes ces années. L’Homme Qui Tua Don Quichotte est toujours propre, et son dernier acte est une belle prouesse, mais l’ex-Monty Python nous a déjà offert plus de folie. L’histoire met également du temps à se mettre en place, les enjeux se cherchent eux-même pendant toute la première partie.

L’Homme Qui Tua Don Quichotte n’est pas aussi dingue que Brazil, c’est peut-être même l’une des œuvres les plus sages de Terry Gilliam mais ça n’enlève en rien ses qualités. Et on ne peut que reconnaitre la persévérance du réalisateur qui a fini par rompre le sortilège qui le liait aux aventures de Don Quichotte.

L’Homme qui Tua Don Quichotte, de Terry Gilliam – Sortie le 19 mai 2018

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