Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Critique : Les Amours Imaginaires

De temps en temps sur CloneWeb, on tente de vous proposer d’autres critiques de films que des choses tournant autour du blockbuster, du film à grand spectacle ou de genre. On va voir pour vous quelques comédies romantiques, un peu de documentaire ou des films anglais déjantés.
On va aussi voir des drames francophones, comme Les Amours Imaginaires, le deuxième film du Québécois Xavier Dolan

Les Amours Imaginaires – Sortie le 29 septembre 2010
Réalisé par Xavier Dolan
Avec Monia Chokri, Niels Schneider, Xavier Dolan
Francis et Marie, deux amis, tombent amoureux de la même personne. Leur trio va rapidement se transformer en relation malsaine où chacun va tenter d’intérpréter à sa manière les mots et gestes de celui qu’il aime…

Être critique chez CloneWeb n’est pas toujours une chose facile.

Ainsi, alors que vous êtes en plein groove de l’Etrange Festival et que vous êtes comme un poisson dans l’eau au sein de toutes ces projections folles et sans limites, votre boss vous envoie en projection presse pour vous remettre les pieds sur terre avec un film d’auteur, un vrai : Les Amours Imaginaires.

Alors oui, le film est le deuxième d’un « jeune prodige » de 21 ans appelé Xavier Dolan et oui, il est québécois, ce qui peut avoir son importance quand on connaît l’amour que je porte à ce pays et à cet accent incroyable, qui peut me faire craquer en un instant. Problème majeur cependant, et de taille, les héros du film ne vivent visiblement pas dans le même monde, voir la même planète.

Les Amours Imaginaires porte bien son nom puisqu’il part d’amour… imaginé. Suivant le parcours d’un couple d’amis vivant tranquillement et sûrement leur petite vie de jeunes adultes au Québec, le film voit Francis & Marie (c’est leur nom) avoir chacun de leur côté un coup de foudre pour la même personne et dès lors se lancer à la conquête du garçon en question quitte à rentrer en compétition l’un et l’autre, la jalousie finissant évidemment par pointer le bout de son nez pour mettre un peu de piment dans l’histoire. Une histoire que chacun d’entre nous peut vivre donc et qui devait laisser place à une magnifique œuvre poignante de réalisme et de sensibilité sur les grands sentiments, la difficulté d’exprimer ces derniers et la manière de chacun de les assumer. Sauf que voilà, pour que le film marche dans ce sens, encore faut-il s’identifier aux personnages ou qu’ils nous soient un minimum sympathique. Banco, c’est tout l’inverse qui s’est produit pour moi.

L’impression de vivre dans un autre univers que les héros se fait dès le début, les deux jeunes gens vivant clairement dans leur bulle faite d’illusions, d’argent facile et… c’est tout.

Avec autant de défis dans leur vie, notre couple de héros vacante à son peu d’occupations et passe donc le clair de son temps à chercher l’âme sœur histoire de combler le néant que constitue leur existence pas franchement folichonne où l’on aime se prendre le chou avec des questions comme « m’aime-t-il ? » ou « cette robe va-t-il lui plaire ? ».
Ce décalage s’affiche chez eux d’ailleurs dans leur façon d’être ou de s’habiller, comme le montrent quelques scènes de fête dans lesquelles nos compagnons font tâche et n’arrivent pas à se sortir le balai de 15 kilomètres de long coincé au fin fond de leur colon pour s’amuser ou penser à autre chose que le beau garçon en ligne de mire bien trop occupé à prendre du bon temps.

Alors évidemment, tout cela est bien subjectif. Certains arriveront sûrement à se projeter dans ses personnages et y verront le reflet du malaise profond qu’ils partagent mais face à ce que je considère comme de simples bobos nébuleux trop occupés à se morfondre sur du sentimentalisme à deux balles auquel je n’adhère pas une seule seconde tant cela me paraît artificiel et vain, il m’est impossible d’avoir une demi seconde d’émotion ou quoi, alors que d’autres films « romantiques » telles que Two Lovers arrivent à me toucher au plus profond de mon être parce que précisément leurs personnages avaient des défauts et des failles auxquelles on adhérait.

Pour comprendre de plus près pourquoi les Amours Imaginaires peine tellement à m’intéresser, il faut aussi revenir sur sa forme.
2ème film de ce jeune metteur en scène déjà qualifié de prodige et j’en passe, cette romance fait pourtant preuve d’une certaine paresse dans sa mise en scène tant on y retrouve en boucle essentiellement 3 gimmicks de réalisation.
Le premier constitue le déroulement de l’histoire dans ce qu’il y a de plus simples, avec des scènes de dialogues comme on en voit couramment dans le cinéma ou quand on suit un personnage dans quelques-unes de ses activités. Rien d’anormal, passons à la suite.
Les deux autres points sont souvent cités par les critiques qui voient en Xavier Dolan un metteur en scène d’une grande maturité et à l’identité visuelle déjà forte.

Le deuxième gimmick assez récurent dans le film et dont la bande annonce est remplie à 75% concerne certaines scènes avec des actions banales, comme lorsque Marie arrive devant son apollon dans la rue après s’être méticuleusement fait belle. Du coup, pour symboliser toute la puissance dramatique et tout ce qui se trame dans les esprits des personnages dont les tracas explosent de toute part dans leur crâne, on fait du « beau » ralenti sur les chaussures au sol, sur le visage assuré de la belle vue de devant puis de derrière, sur le fessier de la dame, sur le regard attendri de la cible, etc… Et là où certains n’y verront que la retranscription cinématographique de la beauté de l’instant et de sa complexité émotionnelle, je n’y vois qu’une esthétique de pub de parfum, aussi paresseuse soit elle et faisant preuve d’une quasi-totale absence d’originalité ou de point de vue, l’exercice revoyant finalement à des canons visuels à la mode. Surtout que ce cher Dolan nous ressert la même soupe à de nombreuses reprises dans son film avec fierté et si comme moi la première fois vous a amplement gavé, autant vous dire que les suivantes ne seront que des occasions supplémentaires de regarder votre montre.

Enfin, troisième petit exercice de style visant à montrer que le jeune cinéaste a réussi à capter quelque chose dans l’air du temps, des témoignages de personnes similaires à nos héros et qu’on ne verra que lors de ces séquences dans lesquelles ils raconteront leurs histoires d’amour, leurs attentes, leurs déceptions, leurs manières de voir les choses. De grands moments de philosophie que vous pourrez avoir vous aussi en faisant la conversation avec n’importe qui sauf qu’ici, comme c’est imprimé sur de la pellicule 35 mm, il semblerait que ça soit une magnifique retranscription de ce que certains pensent aujourd’hui.

Si la bande annonce des Amours Imaginaires vous chamboule et vous émeut à ne savoir qu’en faire, alors oui, votre cœur chavirera avec ces personnages et vous trouverez peut être dans ce film un bijou d’émotion et de subtilité. Si vous êtes comme moi, vous verrez la chose comme vous aviez pu voir les Chansons d’Amour ou autre cagoterie pour jeune bourgeoisie : un long atermoiement amoureux un rien à côté de ces pompes et surtout des vôtres.
Après tout, chacun sa sensibilité…

– Jean Victor

Voir les commentairesFermer

Laisser un commentaire