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Critique : Hellboy (2019)

En 2017, Guillermo del Toro prenait la température sur Twitter : le public voulait-il un troisième volet à sa vision de Hellboy ? Sur 130 000 votants, 68% ont répondu oui. Le réalisateur a alors réuni les différents intéressés pour en discuter.

Deux ans plus tard, c’est finalement un reboot qui arrive sur les écrans. Exit del Toro et Ron Perlman, bienvenue à Neil Marshall et David Harbour. Deux noms qui ont une lourde tâche : tenter de faire au moins aussi bien.

 

LA CRITIQUE

Si vous suivez un peu l’actualité ciné sur Internet, vous saurez que le reboot de la franchise Hellboy au cinéma s’est viandée dans les grandes largeurs lors de sa sortie américaine début avril. Les critiques acerbes sont tombées comme une avalanche : le film de Neil Marshall serait une catastrophe incommensurable où rien ne marche. S’il faut avouer qu’il ne s’agit pas d’un bon film, il serait également prudent de ne pas tomber dans un excès de négativité discutable.

Je sais, presque tout le monde adore (ou au moins respecte) les adaptations relativement libres de Guillermo del Toro sorties en 2004 et 2008. Et pour cause : ayant extrait le cœur de la BD de Mike Mignola, le réalisateur avait signé deux films puissants, brillamment mis en scène et foisonnants. Ceci étant, il serait bon de faire le deuil du potentiel troisième volet de cette série de films avant de se lancer dans cette nouvelle mouture. Croyez-moi, toute comparaison serait contre-productive.

Pour cette nouvelle adaptation, le studio fait donc appel à Neil Marshall, cinéaste anglais ayant signé la bombe horrifique The Descent, puis d’autres films plus ou moins bien reçus tels que le rigolo Dog Soldiers, le divertissant Centurion, ou le complètement sans gêne Doomsday. Réalisateur plein d’idées généreuses mais très souvent malhabilement exécutées, Marshall semblait être tout indiqué pour le projet, à condition d’être bien épaulé par ses producteurs et son équipe. Et avec Mignola en producteur exécutif, on était en droit de s’attendre à quelque chose d’intéressant.

La production a finalement été criblée de problèmes, le réalisateur s’opposant aux producteurs à de multiples reprises, et délaissant temporairement le projet en plein tournage, et le directeur de la photographie étant remplacé en cours de route. Ces troubles se voient aisément à l’écran, le ton du film étant trop hétérogène pour provenir d’un même groupe d’individus avec un objectif commun. En résulte donc un long-métrage globalement très laid, souffrant de visuels qui passent du convaincant à l’atroce en quelques secondes. Les maquillages sont approximatifs, les prothèses mal ajustées, les images de synthèse exhumées des années 1990.

Et pourtant, dans ce naufrage subsistent des instants d’émerveillement fugaces pour les amateurs de films de monstres pulpy et débridés. Au milieu des immondices en CGI, surgissent parfois des plans puissants et beaux (Hellboy épée à la main et cornes enflammées, par exemple). Il faut dire que le script ne sera pas du goût de tout le monde : essayant d’intégrer maladroitement ses expositions par petites touches, le récit ne s’arrête pas, enchaînant les séquences sans laisser le spectateur reprendre son souffle un seul instant. Parfois, on a l’impression d’assister à une anthologie des meilleurs moments d’une série plus ample. L’intrigue, qui reprend de plus près une histoire des comics, multiplie les créatures et les lieux communs de la fantasy horrifique avec une allégresse communicative.

La réalisation de Neil Marshall est assez proche de ce à quoi il nous a précédemment habitué : proche de l’exploitation, généreuse, bancale, avec un montage souvent trop rapide. Beaucoup de critiques auront reproché au film d’être trop gore ou trop vulgaire. Je conseillerais à ces gens de regarder plus de films, rien dans Hellboy n’étant susceptible de susciter l’indignation. Je me joins cependant à ceux qui ont trouvé la bande son insupportable, le film enfilant les morceaux de rock comme des perles pour essayer de se donner une identité provocatrice.

Le plus étonnant dans tout ça, finalement, est l’association de Mignola au projet, tant le film ne retrouve jamais ni l’atmosphère ni l’esprit des bandes dessinées, malgré les innombrables clins d’œil qu’il comprend. Il s’avère assez clairement être un film malade, déchiré de l’intérieur par des forces opposées. Il suffira, pour s’en convaincre, de voir le climax dans lequel le pivot émotionnel du film, censé affecter pleinement le spectateur, repose sur l’un des effets les plus ignobles vus au cinéma ces vingt dernières années (en fait, depuis Le Roi Scorpion !). C’est ce que fait continuellement ce film : il n’a de cesse d’aliéner un public qu’il essaie pourtant de rallier à sa cause avec dynamisme.

Côté acteurs, David Harbour fait ce qu’il peut avec un Hellboy sous-écrit, tandis que Milla Jovovich apporte une certaine tenue à l’antagoniste, dans un style superlatif se faisant un peu trop rare dernièrement. Le reste du casting suit mollement, Ian McShane ne parvenant pas, malheureusement, à transformer son rôle en quelque chose de mémorable.

Proche de l’accident industriel, bel exemple de ce que les producteurs ne devraient jamais faire lorsqu’il s’agit de collaborer avec un réalisateur, ce Hellboy version 2019 s’impose au final comme une expérience de cinéma assez unique, à la fois douloureuse et hypnotisante, tant la somme de ses défaut en fait un tout qui demeure inexplicablement divertissant. Un nanar, dîtes-vous ? Moi, je suis client.

Hellboy, de Neil Marshall – Sortie le 8 mai 2019

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