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Critique : Effets Secondaires

Steven Soderbergh devrait prendre sa retraite après ce film. C’est du moins ce qu’il a annoncé mais nul doute que ce boulimique de travail reviendra sans doute derrière la caméra.

Ce qui devrait donc être son dernier long métrage s’appelle Effets Secondaires et s’offre encore une fois un casting prestigieux : Rooney Mara, Jude Law, Catherine Zeta-Jones et Channing Tatum se partagent l’affiche d’une histoire évoquant les effets que procure un médicament prescrit par son psychiatre à une patiente.

Le film est projeté ce jeudi soir à Paris en présence de Soderbergh et Jude Law. Il sort en salles le 3 avril prochain.

« Attention, vous êtes prêts ? Top chrono !
Je suis un réalisateur américain extrêmement prolifique, alignant presque 30 ans carrière et tout autant de films. Auréolé d’une Palme d’Or et de nombreuses récompenses dont un Oscar du meilleur réalisateur, je vogue d’un genre à un autre sans que personne ne sache où m’attendre au prochain film, ai fait tourner les plus grandes stars hollywoodiennes devant ma caméra tout comme une vedette du porno et au cas où tourner partout dans le monde et tous les styles de films m’ennuyait, il m’est arrivé d’occuper plusieurs postes, dont ceux de directeur de la photographie ou de monteur.
Je suis, je suis… Steven Soderbergh bien sûr ! Et avant de prendre ma retraite (que vous imaginez tous provisoire) avec le téléfilm Behind the Candelabra produit par HBO, je me suis permis de proposer à mon pote Scott Z. Burns de réaliser son script Side Effects sur lequel il bossait depuis presque une décennie. Et avant que vous commenciez à faire des parallèles avec Contagion, je tiens à vous préciser que Side Effects est différent. Très différent ! »

Side Effects, qui est toujours plus classe en VO qu’Effets Secondaires, suit le parcours d’une jeune New-Yorkaise dépressive qui va avoir à faire à des effets secondaires pour le moins violent suite à la prescription d’un nouveau médicament par son psychiatre. Il n’est pas nécessaire d’en dire plus pour que le parallèle naisse de lui-même avec son récent Contagion, que nous avions apprécié ici-même.
Soderbergh semble lui-même jouer de la comparaison avec un début de film qui partage bien des similitudes, entre une photographie froide et cette même volonté d’ausculter au plus près le comportement d’une patiente en proie à des angoisses qui semblent, comme le virus de Contagion, sans remède. L’analyse et l’étude de cas sont réduites à un cas unique et le film tourne autant sur le personnage de psychiatre joué par Jude Law que sur sa patiente Emilie incarnée par Rooney Mara.
La suite des évènements et des fameux effets secondaires voilent l’histoire d’une atmosphère anxiogène et paranoïaque au possible en capitalisant sur l’absence total de contrôle d’Emilie face aux médicaments, amenant le film sur un terrain pour le moins surprenant du thriller schizophrénique aux accents hitchcockien et délaissant petit à petit l’étude de cas psycho pharmaceutique que Soderbergh exposait jusqu’alors, en bon réalisateur d’investigation qu’il est ou aimerait être.
Et au fond, tout le but de l’opération est d’embrouiller le spectateur pour mieux le perdre dans une intrigue tortueuse remplie de surprises afin de le manipuler jusqu’au bout. C’est là où Side Effects devient surprenant et d’autant plus grisant, tant le scénario de Scott Z. Burns est équilibré, entre un réalisme solide, un univers médical détaillé et documenté (il faut dire que l’auteur a passé plusieurs semaines avec l’équipe d’un hôpital psychiatrique histoire d’être calé sur le sujet) et une structure scénaristique intelligemment alambiquée. Vous en dire plus serait de l’ordre du spoiler et franchement, ça nous ennuierait autant que vous…

Brillant exercice sur les faux-semblants et les illusions retords, Side Effects joue aussi de sa mise en scène clinique pour brouiller les pistes. Il faut dire qu’avec sa mise en place faisant la part belle à une lumière dans les tons bleus-gris doux, Soderbergh nous fait croire naturellement que l’on s’apprête à rentrer dans un film sur l’univers médical et non dans un thriller plus complexe qu’il en a l’air.
D’ailleurs, la seule utilisation de couleurs plus chaudes (limites cramées pour le coup) se fait lors d’un flashback heureux et insouciant, le reste du film préférant se conforter dans son univers monotone et quelque peu sinistre. On peut cependant reprocher à Soderbergh, comme à chaque fois, d’être un peu pépère dans sa réalisation. Propre, carrée et sans bavure, cette dernière se fait aussi sans éclat particulier et se limite à une illustration assez simple de l’histoire, en lui donnant un environnement parfois suffocant. Il ne fait aucun doute que dans les mains d’un maître comme David Fincher ou Polanski, le résultat aurait été hautement plus prenant mais en l’état, le produit reste suffisamment léché pour qu’on en profite avec plaisir. D’autant que Soderbergh reste un excellent directeur d’acteurs, et sans un tel casting et notamment un Jude Law et une Rooney Mara impeccables, le film n’aurait pas tenu debout comme il le fait. Comme quoi, même si on ne sera pas les premiers à qui Soderbergh va manquer, force est de constater que le cinéma américain va perdre un faiseur capable de belles surprises.

Effets Secondaires s’inscrit sans mal dans la lignée de ces thrillers manipulateurs qui créent et tordent les illusions comme bon leur semble pour mieux perdre le public dans des récits à tiroirs aussi tordus que passionnant. Décemment exécuté et incarné, le nouveau Soderbergh repose avant tout sur l’excellent scénario d’un Scott Z. Burns inspiré, donnant au final un film noir de haut niveau que ne renierait pas Brian de Palma. Venant de Soderbergh, c’est peut-être ça la vraie surprise.

 

Effets Secondaires – Sortie le 3 avril 2013
Réalisé par Steven Soderbergh
Avec Rooney Mara, Jude Law, Catherine Zeta-Jones
Le monde d’une jeune femme s’éclaircit quand un médicament prescrit par son psychiatre a des effets secondaires inattendus.

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