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Critique : World War Z
World War Z est présenté aujourd’hui au Champs Elysées Film Festival en avant-première française. Il y a quelques jours, le Livre de Poche ressortait le roman à l’origine de l’histoire et signé par Max Brooks dans deux éditions aux couleurs du film dont un coffret collector contenant différent goodies.
Mais entre la sortie du livre et celle du film en salles, il s’est passé plusieurs années. Et pour bien comprendre le résultat à l’écran, il était important de revenir sur la genèse du projet et les aléas de la production.
Décryptage et critique en milieu hostile.
Les films se tournant dans la douleur sont monnaie courante à Hollywood et depuis toujours. Certains comme Apocalypse Now sont devenus cultes. Bduget dépassés, acteurs qui quittent le tournage, scénario écrit sur place. On a déjà tout vu. La production de World War Z est un modèle du genre comme l’explique très bien cet excellent papierr de Vanity Fair (en anglais).
A la base un bouquin de Max Brooks racontant des témoignages de gens ayant croisés des zombies, le projet a tout connu. Acheté par Plan B, la société de production de Brad Pitt, le livre a été confié à J. Michael Straczynski (Babylon 5) qui a commencé à écrire une première version du scénario, scénario qui passera entre plein de mains dont celles Michael Carnahan (Lions et Agneaux) et de Damon Lindelof, appelé à la rescousse en plein tournage pour réécrire le troisième acte qui ne plaisait pas (il devait se dérouler sur la Place Rouge à Moscou et Brad Pitt aurait été à la tête d’une armée de rescapés partant affronter les zombies et aurait pu être le point de départ d’une franchise).
Budget complétement dépassé (on parle de plus de 200 millions de dollars), des oublis dans les dépenses lors du tournage à Malte (qui a servi de doublure aux scènes en Israël), Marc Forster qui s’engueule autant avec John Nelson, en charge des effets spéciaux, qu’avec Brad Pitt, tout y passera. Pire, alors que le tournage de la fameuse scène moscovite se préparait, le matériel militaire a été saisi par la police de Budapest car non démilitarisé.
Lindelof fait alors appel à Drew Goddard (La Cabane dans les Bois) et à deux ils proposent une fin de scénario qui recolle les morceaux. En décembre 2012, des mois après la fin de la première cession de tournage et une première tentative de montage, une nouvelle fin est tournée, plus raisonnable mais coutant néanmoins encore 20 millions supplémentaires. Christopher McQuarrie (Jack Reacher) fut également embauché pour superviser le tournage final et rester sur le plateau si des ajustements étaient nécessaires.
Au vu de toutes ses galères, on a forcément une pensée pour Paramount qui, à l’image de Disney avec John Carter, a laché un budget colossal. Paramount qui a également perdu les droits de distribution de Dreamworks Animation ainsi que ceux de Marvel. Si World War Z ne cartonne pas, le studio aura bien du mal à s’en remettre.
Si j’évoque les problèmes de tournage qu’a connu le film de Marc Forster, c’est que, malheureusement pour lui, ça se ressent dramatiquement à l’écran.

Exit la notion de témoignages du livre de Max Brooks. On fait la connaissance du personnage de Brad Pitt, ancien employé de l’ONU, qui démarre tranquillement sa journée à Philadelphie avec femme et enfants. En route pour déposer ses gamines à l’école, il se retrouve pris dans un invasion de zombies. Scène d’ouverture hallucinante enchainant les séquences d’accidents et de panique nous permettant de découvrir très rapidement que ces zombies-là sont différents de ceux que la culture populaire nous a fait connaitre : ils courent et surtout cherchent à contaminer le plus d’humains possible, sachant que le passage du virus se fait en douze secondes. Autant dire que c’est tellement rapide que ce sont des hordes de zombies qui en quelques minutes mettent une ville à feu et à sang. Mais l’ONU a besoin de Pitt sur le terrain et lui propose un marché : il reprend du service et sa famille sera protégée sur un bateau, zone garantie non hostile puisqu’en pleine mer. On ne sait rien du personnage de Brad, mais on découvrira vite qu’il a toutes les qualités d’un héros de base : des valeurs familiales fortes, une maitrise du combat, des armes à feu, une intelligence hors norme…Il sait même piloter un avion. Malheureusement rien dans le film ne le fera devenir un héros à nos yeux, on ne fera qu’accepter sa capacité à se tirer de toutes les situations sans avoir la sensation de découvrir un nouveau héros émergeant.
Il faut dire qu’une fois Brad Pitt lancée sur la trace du patient zéro, histoire d’espérer trouver un remède, les problèmes scénaristiques vont se faire sentir. Gestion spatio-temporelle à l’ouest (il semble traverser trois continents en 48 heures sans dormir), facilités scénaristiques (le super scientifique qu’il est censé escorter … se tire dessus et meurt !) et réactions étranges des personnages sont légion (si on sait que les zombies réagissent au son, est il vraiment nécessaire de faire autant de bruit tout le temps ?).
Il ne faut pas pour autant bouder son plaisir. Le fait que les zombies soient capables de se déplacer et de se reproduire très vite permet des scènes très spectaculaires et on en prend plein les yeux. La scène du mur de Jérusalem, bien présente dans les bandes annonces et la promo en générale n’en est qu’une parmi d’autres. On retiendra notamment une séquence où tous les passagers d’un avion deviennent des morts vivants les uns après les autres, dans la confusion la plus totale. Marc Forster filme son action comme Quantum of Solace. Ca bouge, le montage est ultra cut mais ça fonctionne correctement.

Oui, mais voilà, les aléas de la production se ressentent tout au long du film, qui change de tonalité en cours de route, commençant par une introduction en mode grand spectacle pour finir sur quelque chose de plus dramatique et donc … de beaucoup plus lent. C’est la fameuse partie écrite par Lindelof destinée à remplacer le combat en Russie. Exit ce qui aurait pu être une baston dantesque, exit les centaines de zombies qui se grimpent les uns sur les autres. Préférant l’émotion (qui ne viendra pas), Lindelof délaisse l’aspect blockbuster pour ramener le film à ce que le « genre zombie » a de plus classique, soit quelques humains contre un petit groupe de morts vivants esseulés dans un batiment. Le fossé avec la scène d’introduction est trop énorme. Il fallait faire des économies pour que ces nouvelles scènes soient financièrement raisonnables et moins violentes que ce qui était prévu mais la réduction de moyens est bien trop importante.
L’implication de Pitt se ressent également dans son jeu. Producteur, au milieu de la galère, il est parfois très motivé et parfois totalement à l’ouest. Enfin, certains détails laissent penser qu’il y a eu des problèmes et qu’on est face à un film entièrement remonté, fait de bric et de broc, qui se tient mais sans plus. Vous constaterez notamment que Matthew Fox (Lost, Speed Racer) figure au générique dans les premiers noms mais se contente de faire de la figuration. Ou comment comprendre que son personnage n’a pas survécu au montage définitif.
A l’instar de John Carter (qui est plus réussi) et selon le score qu’il fera au box office mondial, on retrouvera sans doute World War Z dans les écoles de cinéma dans les prochaines années tant la production a été un bordel sans nom, ce qui se ressent terriblement à l’écran.
Cela dit, peut-être n’en avez vous rien à foutre de tout cela tant que des zombies mangent des gens et que Brad Pitt se démerde pour survivre tout en parcourant le globe. Si c’est cela, vous en aurez pour votre argent. Si vous êtes simplement curieux, le premier quart reste un chouette moment d’action. Sinon, il vous reste à crier votre haine envers le système, Hollywood et Damon Lindelof.
World War Z– Sortie le 3 juillet 2013
Réalisé par Marc Forster
Avec Brad Pitt, Mireille Enos, Matthew Fox
Gerry Lane se lance dans une course contre la montre pour aider le monde à surmonter ses divisions et faire face à l’apocalypse. Dans tous les pays, par tous les moyens, chacun devra se battre car l’humanité n’aura plus qu’un seul espoir de survie : la guerre.
7 commentaire
par Jerome
J’ai l’impression qu’on n’a pas vu le même film !!! D’abord (ça n’est qu’un détail), à aucun moment on nous dit que Brad sait piloter un avion.
Ensuite, le film a plein de défauts, mais il ne fait effectivement pas bouder son plaisir !!! Le film est une montagne russe de sensations, et franchement, le fait que la fin soit un peu plus intimiste que le reste ne fait pas du tout baisser le rythme cardiaque, et n’est pas du tout incohérent avec le debut. Je trouve que Lindelof a fait du super boulot, et la fin est la fin d’un excellent blockbuster !
Entre nous, c’est un peu facile de chercher à tout prix des problèmes qui s’expliquent par les anecdotes négatives sur le tournage.
Franchement, si on n’était pas au courant, on ne chercherait pas la petite bête !
par Marc
Tu trouves pas gênant de passer du gigantisme de la scène d’ouverture au final où Brad Pitt court dans un couloir ?
par Jerome
Ben non, je trouve que ce qui est plus important, c’est que le rythme soit soutenu et qu’on ne s’ennuie pas.
Je pense justement que s’il n’y avait que des scènes gigantesques dans le film, on en aurait marre à la fin. Là c’est varié et c’est rythmé.
Même s’il y a quelques défauts de cohérence dans le scénario, je trouve que c’est le blockbuster le plus efficace et divertissant qu’on ait vu depuis longtemps.
Et je ne serais pas surpris qu’ils tournent une suite (en changeant une partie de l’équipe évidemment, pour ne pas renouveller les problèmes). Je suis sûr que malgré les coûts élevés, le film va cartonner et rapporter du blé !
par rezga
Je n’ai aps vu le film Jérome mais je ne suis pas d’accord avec toi sur ce point :
« Entre nous, c’est un peu facile de chercher à tout prix des problèmes qui s’expliquent par les anecdotes négatives sur le tournage.
Franchement, si on n’était pas au courant, on ne chercherait pas la petite bête ! »
As tu vu Men in Black 3 ? qui a souffert pendant son tournage d’un peu près les même problèmes … ça se ressent énormément à l’écran… et ça ne m’étonne pas de lire que les conditions de tournages chaotique de ce WWZ se ressentent à l’écran.
Quand plusieurs réalisateurs se succèdent, que le script est réécrit en cours de route tu n’y loupes pas… Apocalypse Now est peut être considéré comme culte mais est très loin d’être un chef d’oeuvre à mon sens avec son rythme haché et un scénarion parfois bien fouilli… mais c’est un autre débat avec pour thème les films au tournage foireux :D
par Marc
En terme d’efficacité, c’est quand même largement moins bien gaulé que Star Trek pour citer un truc récent.
Et puis, ça te choque pas de voir des hordes de zombies grimper un mur gigantesque comme une vague géante dans un premier temps. Puis d’être douze et d’être lents dans un couloir ensuite ?
par Thor
Bah il est pas si mal du tout pour un film qui a connu tant de déboires!
Même si les écarts se ressentent ça reste quand même un bon divertissement.
Au final, le seul vrai gachis de ce film c’est que si tout s’était bien passé on se dit que ça aurait pu être grandiose.
Très sympa quand même, à voir assurément.
par Martin J
J’ai trouvé ça bien dégueulasse! Absolument incohérent, pas de morts, pas de sang, pas de danger.
A aucun moment je n’ai ressenti une pression, on épargne aucun des poncifs désagréables du genre (« C’est quoi le problème de l’aile B? », le téléphone qui sonne etc…)
Franchement, sans les grosses scènes pleines d’effets spéciaux,bien produites, ça vaut que dalle:!