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Critique : Un Heureux Évènement

Quand j’ai croisé Louise Bourgoin sur un plateau de télévision alors qu’elle s’apprêtait à allumer une clope devant un ministre de l’époque, j’étais loin de me douter qu’elle serait sans doute la « Miss Météo » de Canal+ qui réussirait le mieux.

Depuis La Fille de Monaco en 2008, elle s’est mise à prendre du galon. Pour son septième long-métrage, elle a tourné devant la caméra de Rémi Bezançon sur un sujet qui ne touchera surement qu’une partie du jeune lectorat de CloneWeb : la maternité.

Et Louise Bourgoin en Maman, ça mérite le coup d’oeil ou pas ?

 

Un Heureux Évènement – Sortie le 28 septembre 2011
Réalisé par Rémi Bezançon
Avec Louise Bourgoin, Pio Marmai, Josiane Balasko
« Elle m’a poussée dans mes retranchements, m’a fait dépasser toutes mes limites, m’a confrontée à l’absolu : de l’amour, du sacrifice, de la tendresse, de l’abandon. Elle m’a disloquée, transformée. Pourquoi personne ne m’a rien dit ? Pourquoi on n’en parle pas ? »
Un heureux événement ou la vision intime d’une maternité, sincère et sans tabous.

 

Avec ses deux premiers films Ma vie en l’air & Le premier jour du reste de ta vie, Rémi Bezançon sonnait presque comme un miracle pour beaucoup. Réussissant à combiner des histoires proches de monsieur tout le monde avec un traitement suffisamment frais et contemporain pour qu’on s’y accroche sans tomber sans les excès clipesques ou autres, le jeune cinéaste renouait avec un cinéma français populaire auquel on pouvait facilement s’identifier sans profondément s’emmerder, avec une grande sincérité dans le propos et sans faire la leçon. Ca peut sembler bête comme ça, mais cela suffit à beaucoup pour célébrer son deuxième film, par ailleurs auréolé d’un joli succès en salles.
Partant de là, l’attente du troisième film était tangible, d’autant que le cinéaste s’attaque à nouveau à un sujet auquel nous avons tous eu à faire (ou aurons…), à savoir la grossesse et l’arrivée d’un nouveau né dans cette sphère déjà délicate qu’est le couple.
Connaissant la subtilité de traitement des précédents films du cinéaste, cet Heureux Evènement est-il parti pour nous émouvoir aux larmes et bien porter son nom au sein du cinoche national actuel ?

Un heureux événement diffère en un point des précédents films de Rémi Bezançon et ce point est suffisamment important pour être noté puisqu’il constitue la variation majeure entre ce film et les deux précédents : il s’agit d’une adaptation.
Originellement, cette histoire est contée dans un roman écrit par Eliette Abécassis, femme au fort caractère et philosophe qui plus est, qui s’appliquait à exploser littéralement l’image embellie et joyeuse de la naissance en expliquant combien la naissance de son enfant lui avait renvoyé de plein fouet le baby blues en pleine tête, tout en creusant une faille certaine dans son couple.
En connaissance de cause, il semble que le film tiré du livre constitue une bonne adaptation, certes pas aussi noire à certains moments, mais posant en tout cas un avis tout aussi incisif et clair sur la question.
Dépeignant certains passages de la grossesse et de l’éducation avec une férocité intacte, Un Heureux Evénement étonne à plusieurs reprises par les traits de noirceur qui le caractérise, portés par une Louise Bourgoin pour ainsi dire toute trouvée pour le rôle.
De ce paramètre découle un problème fondamental dont va dépendre inévitablement l’attachement du public pour le film, puisque ce dernier pose un point de vue très fermé sur la chose, et seulement celui ci. Etant donné la noirceur relative du propos et l’universalité de l’expérience, un Heureux Evènement s’évertue tellement à raconter l’histoire de son auteur, la manière dont cette femme a passé un an chez elle complètement esclave un peu malgré elle de son enfant, que si votre expérience personnelle ou ce que vous avez pu voir autour de vous s’avère différent, vous risquez de ne pas être en accord avec le personnage et son mari, et donc de ne pas vous identifiez à eux…

L’héroïne du film et son mari n’ont quasiment aucun repère parental concernant l’éducation et notamment pour la figure paternelle qui a été absente durant leurs enfances respectives, ce qui a bien des conséquences sur leur manière d’élever leur enfant. Si vous n’êtes pas en accord avec leur manière de voir les choses, le film ne laisse malheureusement aucune porte de secours tant il s’attarde à retranscrire ce point de vue le plus fidèlement possible, parfois de manière trop implacable.
Et quand il ne s’embourbe dans des élucubrations philosophiques étant là seulement pour appuyer l’humeur de plus en plus négative de l’héroïne, le métrage ne propose malheureusement pas grand chose à se mettre sous la dent puisqu’il ne présente pas d’enjeu majeur tant il suit simplement le train-train quotidien de cette femme et l’érosion de celui ci.
C’est d’autant plus dommage que Rémi Bezançon emballe plutôt correctement la chose et propose quelques idées de situations plutôt charmantes notamment durant la rencontre des deux tourtereaux, malgré certaines images stylisées tombant un peu à côté de la plaque, dont une représentation virtuelle du fœtus dont on se demande encore l’intérêt véritable sinon pour boucher les illustrations visuelles des dissertations de Bourgoin.
Le film souffre aussi d’un bémol assez gênant venant directement de cette narration trop appuyée, qui a tendance a tellement surchargé le propos par soucis d’authenticité qu’on finit par avoir du mal à y croire lors de certaines scènes. Vouloir représenter et donner une puissante sensation de vie au cinéma, c’est une chose, mais il en faut peu pour que le dosage soit trop fort au point de sonner faux, un travers dans lequel le film tombe à plusieurs reprises tant il appuie certains clichés de manière très consciente par ailleurs.
Le talent du réalisateur pour la direction d’acteurs n’en souffre pas trop tant on voit mal ce qu’on pourrait reprocher aux comédiens principaux, Pio Marmaï et Louise Bourgoin étant d’un naturel et d’une justesse assez remarquable, d’autant plus pour la comédienne qui sort enfin de son rôle de bimbo affriolante et insolente tapant rapidement sur les nerfs. (Que les fans se rassurent, l’insolence est encore de mise).
On n’en dira pas autant des seconds rôles dont une Josiane Balasko en mode automatique et qui peine sérieusement à convaincre, mais le film reposant sur le couple central, autant dire que le pari est rempli, même si l’adhésion dépendra essentiellement du spectateur et de son histoire personnelle.

En choisissant de suivre un événement auquel on fait tout face à un moment ou à un autre avec un avis aussi acerbe et tranché, Rémi Bezançon limite clairement l’ouverture de son film. Souvent très forcé sur certains points et imposant sans retour l’histoire particulière de cette femme, Un Heureux Evènement touchera uniquement ceux et celles qui parviendront à se retrouver dans les mésaventures de ce couple, tandis que les autres regarderont soit la chose avec une certaine curiosité, soit avec une incompréhension la plus totale.
Le signe que, dans le fond, le réalisateur a bien porté le livre à l’écran.

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