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Critique : Tu ne Tueras Point

En 1995, Mel Gibson tournait son deuxième long-métrage pour raconter la vie de William Wallace. Braveheart repartit avec cinq Oscars dont celui du Meilleur Réalisateur et le metteur en scène entrait dans la cour des grands.

Le revoici derrière une caméra dix ans après le tout aussi incroyable Apocalypto, cette fois avec Andrew Garfield dans le rôle principal et une pléthore de seconds rôles luxueux : Teresa Palmer, Vince Vaughn, Sam Worthington ou le toujours impeccable Hugo Weaving. Avec cette fois la Seconde Guerre Mondiale en toile de fond…

 

LA CRITIQUE

Certains l’appellent le meilleur ami des Juifs, d’autres Mad Max. Mel Gibson, aussi célèbre et iconique soit-il, revient en tout cas d’une longue traversée du désert. Renié à Hollywood et planqué ces derniers temps dans des petites séries B pas franchement folichonnes, ce briscard à qui on ne l’a fait pas semblait presque perdu pour toujours, et l’annonce de son retour derrière la caméra laissait augurer de grands espoirs pour le voir enfin remettre le pied à l’étrier et prouver combien il est un cinéaste vif et affuté, possédant une hargne et un courage rares dans le cinéma mainstream US.

Et réjouissez-vous, car avec Tu ne Tueras Point, Mad Mel n’est pas là pour rigoler…

Inspiré de l’histoire vraie de Desmond Doss, un soldat américain qui refusa de prendre une arme et de tuer durant la seconde guerre mondiale, Hacksaw Ridge semblait tout indiqué pour Mel Gibson tant ses thèmes de prédilection transpirent à travers la pellicule à chaque seconde.
Ce personnage historique au parcours absolument sidérant ne méritait pas moins, et l’intérêt que porte le réalisateur à son sujet s’avère rapidement passionnant puisque la première heure de film, bien loin des conflits sanglants, s’évertue à retracer les étapes importantes de la vie de cet homme pour mieux comprendre comment il en est arrivé à une situation aussi étrange.
De sa plus tendre enfance, avec une vie de famille loin d’être aisée, à la rencontre capitale avec sa femme et les différents traumas qu’il a traversé, capitaux dans son rapport à la violence.
Dans cette partie « introspective », qui va jusqu’à sa lutte au sein de l’armée pour faire accepter ses idéaux, Tu ne Tueras Point nous donne les éléments pour comprendre les convictions de cet homme parti en guerre en essayant de préserver la vie et en quoi cela n’a rien d’idéaliste et de fou.
A la manière du récent Pont des Espions de Steven Spielberg, il est question de voir comment ce patriote s’est retrouvé en porte-à-faux par ses confrères à cause de ses croyances les plus profondes et d’une intégrité en béton armé, alors même qu’elles prenaient racines dans les fondations religieuses et idéologiques de son pays. Bafoué par ceux-là même pour qui il se bat, le personnage campé par Andrew Garfield s’impose comme un miroir sur l’obscurantisme moral en temps de guerre et en quoi son sacrifice a commencé bien plus tôt qu’on pourrait le penser. Mel Gibson a toujours été fasciné par les dérives religieuses, surtout quand elles concernent le christianisme. Son dernier film est une nouvelle pierre à cet édifice, en confrontant le point de vue d’un croyant qui applique les commandements divins à la lettre, face à d’autres pratiquants qui violent ces préceptes et les tordent en revendiquant pourtant le même bagage spirituel et moral.

La première partie du film peut surprendre par sa mise en scène convoquant un classicisme à l’ancienne, avec la ferme intention de la part du réalisateur de jouer dans les grandes émotions et les grands sentiments. Entre la musique de Rupert Gregson-Williams qui ne lésine pas sur les violons ou les acteurs qui s’en donnent à cœur joie en exacerbant chaque réaction de leurs personnages, on a l’impression de voir un film contaminé par l’énergie de son personnage et son amour de la vie, notamment lors de sa rencontre avec sa femme, qui donne lieu à des scènes presque sorties d’une comédie romantique à l’eau de rose tant tout y est presque parfait.
Mais cet écrin presque académique, qui se revendique en tout cas d’un grand cinéma hollywoodien, n’est pas à condamner pour autant. Déjà parce qu’il est très fluide et lisible dans son propos et ses intentions, et surtout parce qu’il conditionne le spectateur pour la seconde partie, celle qui se déroule lors de la fameuse bataille d’Okinawa au Japon.

Sans crier gare, Mel Gibson nous balance en pleine poire 20 minutes de bataille absolument terrassantes qui nous font comprendre que l’on a encore rien vu.
Dans une reconstitution fidèle, crasseuse et âpre, la caméra vogue entre les balles pour mieux filmer sans détour toute l’horreur de la guerre, sans aucune musique de fond, en nous plongeant la tête la première dans l’intensité du conflit, sa violence sans limites, et son mélange de bout, de métal, de cris, de chair et de sang. Un moment de bravoure hallucinant, qui n’épargne rien au public, en montrant la boucherie infâme du front pour mieux faire comprendre combien la tâche du héros, qui joue les infirmiers de combat, semble désespérée et impossible. Un choc cinématographique, à la photographie hallucinante tant certains plans sont de véritables peintures de l’horreur, qui s’en suit par d’autres scènes de batailles entrecoupées d’introspections du personnage au milieu du chaos.
Gibson oblige, le symbolisme chrétien revient s’immiscer dans certaines images pour suivre Garfield dans son parcours, mais il s’agit moins d’une quelconque propagande religieuse que de la célébration d’une humanité indestructible, d’un homme à l’héroïsme et au courage infinis même quand tout est contre lui, jusqu’au bout. Réussissant à rester proche de son personnage et à ne jamais sacrifier l’intime tout en étant capable de filmer l’anarchie et la confusion qui règnent dans les rangs au cœur de l’action, Mel Gibson rappelle son immense talent de metteur en scène, la frontalité dont il est capable et livre l’une de représentations les plus puissantes d’un conflit de cette période, tenant par exemple la comparaison avec Il faut sauver le soldat Ryan, sans perdre de vue son sujet. Mieux encore, toute l’introspection psychologique du personnage finit par prendre sens dans le dernier acte, où les différents aspects de la vie du héros montrés jusqu’alors se reflètent tous, prouvant combien la construction scénaristique était savamment pensée.

Aussi intime et profond que massif et frontal, le nouveau film de Mel Gibson est une démonstration de tout son talent pour mettre en scène des sujets tourmentés.
Avec une évidence ravageuse dans l’action, il offre le premier grand rôle à un Andrew Garfield qui n’a pas froid aux yeux et nous livre une œuvre d’une humanité bouleversante, qui redonne du sens à la notion d’héroïsme à l’heure où cette dernière est de plus en plus tronquée dans les blockbusters.
On espère que ça suffira à lui redonner sa carte à Hollywood, où il revient par la grande porte avec une force qui ne laissera personne indifférent.

Tu ne Tueras Point, de Mel Gibson – Sortie le 9 novembre 2016

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1 commentaire

  • par Dan
    Posté mardi 8 novembre 2016 15 h 23 min 0Likes

    Gibson a la réa….l’excellent Garfield (moi je l’ai beaucoup aimé dans les Spider Man, mais surtout dans Boy A et Facebook de Fincher).

    Il en fallait pas plus !

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