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Critique : The Square
La 70e édition du Festival Cannes s’est terminée ce dimanche. Après un repos bien mérité, il est donc temps de vous parler du film qui est parti avec rien de moins que la Palme d’Or.
The Square de Ruben Östlund rassemble Dominic West, Elisabeth Moss. C’est le premier long au casting international pour le réalisateur de Snow Therapy sorti en 2014 et après plusieurs films produits uniquement en Scandinavie…
LA CRITIQUE
The Square ou la Palme d’or du syndrome Festival de Cannes.
Il ne vous aura pas échapper que le nouveau film de Ruben Östlund s’est vu attribué de la prestigieuse 70e Palme d’or. Cependant, le long-métrage était loin de faire l’unanimité auprès ces critiques et du public cannois. Le cinéma scandinave motive rarement le consensus et le réalisateur de Snow Therapy et Play n’allait pas déroger à la règle, au risque de passer inaperçu. Östlund n’en était pas à sa première visite sur la croisette, déjà éprouvé par la Quinzaine des réalisateurs et Un Certain regard avant d’affronter la compétition officielle (et d’en décrocher la timbale). Mais que raconte The Square pour avoir suffisamment séduit le jury vis-à-vis de ses 18 concurrents ?
Le long-métrage écrit et réalisé par Ruben Östlund s’articule autour du personnage de Christian, le conservateur d’un grand musée d’art contemporain de Stockholm qui va enchainer les galères à la veille de l’inauguration d’une nouvelle exposition intitulée “The Square” sur fond d’inégalités sociales et dont l’œuvre phare voudrait faire dépasser les barrières. Elle nous rendrait ainsi tous égaux dans son sobre espace quadrilatère. À l’instar de ses précédents films, le réalisateur suédois préserve toujours cette science quasi mathématique de la composition et de la perspective de ses plans. Avare de mouvements, ses plans fixes et champ-contre-champs qui se répondent entretiennent la mécanique froide et perfectionniste de son cinéma qui se prête pourtant à l’humour. En effet, l’univers iconoclaste dans lequel s’inscrit le long-métrage y est détourné pour le ridiculiser dans ses limites les plus absurdes.
The Square se plait à faire se succéder les situations cocasses où sa galerie de protagonistes pittoresques se transforment à leur insu en caricatures grotesques de ce qu’ils représentent. Ruben Östlund reste fidèle à son cinéma du malaise et poursuit sa déconstruction-reconstruction des relations humaines à laquelle on avait pu assister au sein de cette famille en vacances à la montagne dans Snow Therapy. Évidemment, le traitement de faveur de la vie de famille pas facile du personnage principal bien incarné par Claes Bang donne à Christian le minimum d’humanité qu’il manque totalement au reste du casting. Le réalisateur s’internationalise un peu néanmoins en engageant Elizabeth Moss et Dominic West, mais garde son ton bien à lui. Le rythme est assez laborieux et parfois trop insistant sur certaines séquences gênantes sur la durée, notamment une scène de happening interminable. Pis encore, le montage du film pourrait être rallongé selon les aveux mêmes du réalisateur d’ici sa sortie en salle.
Récompensé par la Palme d’or, The Square est en réalité le meilleur représentant de toutes les contradictions de l’événement qu’a été le Festival de Cannes de cette année. Le film est malheureusement aussi déconnecté et prétentieux que les personnages qu’il est censé brocarder. Pur produit d’un cinéma élitiste, le long-métrage Ruben Östlund divise plus qu’il ne rassemble dans sa critique de cette caste qui vit en autarcie des normes du quotidien, cloitrée derrière les murailles de leurs citadelles de la culture qu’ils sont censés défendre. La question n’est ici pas de déterminer si l’art contemporain est bien un art légitime, et donc que ces personnes ne participent pas malgré leur bonne volonté à une géante usine à gaz. Vient alors le thème sensible accolé à l’œuvre centrale et à sa promo polémique qui font l’une des intrigues de ce film à tiroir.
Vantant les mérites du partage de la culture au plus grand nombre, ces acteurs du monde de l’art contemporain sont issus de la bourgeoisie et s’imaginent altruistes en s’achetant des voitures électriques hors de prix en pensant sauver la planète de l’effet de serre. Le personnage de Christian, qui manipule d’importantes subventions pour financer son musée clinquant, voudrait que ce fameux carré lumineux découpé dans les pavés de la cour du musée soit un emblème de la lutte contre les discriminations, en particulier celles qui accablent les nombreux réfugiés provenant de Syrie. Cette année plus encore, de nombreux long-métrages des sélections cannoises ont usé la carte des “migrants” pour servir leurs récits. Dans le cadre des paillettes, des montées des marches de stars et des fêtes alcoolisées organisées chaque nuit, la formidable vitrine qu’offre le Festival de Cannes à de nombreux cinéastes venus du monde entier se fissure ici dans son propre miroir auquel le jury à accordé la Palme d’or. Autant que Cannes, The Square affiche les mêmes contradictions d’une élite bienveillante trop loin des problèmes terre à terre de survie d’une population en danger qu’elle ne connaît pas directement et où l’ignorance à en parler peut être assimilée à une condescendance maladroite.
Qui se ressemble s’assemble et The Square n’a que ce qu’il mérite du jury de ce 70e Festival de Cannes : la Palme d’or ! Pour les autres, si vous voulez vous foutre de la gueule des artistes bobos pédants de manière cool et intelligente qui ne vous prendra pas de haut, privilégiez plutôt The Big Lebowski des frères Coen. Au moins, tout le monde rira avec vous !
The Square, de Ruben Östlund – Sortie prochaine