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Critique : Secret d’Etat

Jeremy Renner, le Hawkeye des Avengers, joue dans un film sortant ce mercredi. Vous n’étiez pas au courant ? Il faut dire que la promo autour de Secret d’Etat est quasiment nulle alors qu’il y avait moyen de surfer sur la popularité du comédien.

Mis en scène par Michael Cuesta, un réalisateur habitué des pilotes de série (Homeland, Dexter), Kill the Messenger en version originale rassemble quand même aussi Rosemarie DeWitt, Oliver Platt, Michael Sheen et Ray Liotta dans un thriller politique évoquant une affaire d’Etat…

 

 

Les Américains ont sûrement compris mieux que n’importe quel pays le pouvoir d’exorcisation du cinéma concernant leur histoire. Il n’y a qu’à voir le peu de temps entre les faits réels et la sortie de films tels que Vol 93 ou Zero Dark Thirty récemment pour voir à quel point ils savent prendre du recul sur une situation, l’analyser à froid et en dresser le bilan. Ce n’est pas une pratique qui date d’hier puisque le thriller politique est presque devenu un genre à part entière là-bas, sur lequel trône en maître Les Hommes du Président. Malgré cela, il faut parfois du temps à certaines vérités pour arriver à bon port. En bon descendant revendiqué du film d’Alan Pakula, Secret d’Etat n’arrive qu’en 2014 alors qu’il parle d’un fait divers datant des années 80, celui des articles «Dark Alliance » de Gary Webb…

Gary Webb était un journaliste d’un petit journal appelé le San Jose Mercury News à la recherche du grand papier, celui qui allait faire du bruit dans la nation tout entière. Un jour, un peu par hasard, il mit le doigt dans l’engrenage au détour d’une rencontre et découvrit que la CIA avait eu des contrats avec le Nicaragua stipulant la vente de crack aux Etats-Unis dont les retombées financières colossales aideraient à l’armement des milices. Les articles qui en découlèrent firent leur effet, placèrent Gary Webb sous le feu des projecteurs et secoua les institutions américaines mais très vite, le journaliste allait subir un retour de bâton phénoménal, qui plomba sa carrière à jamais pour la suite malgré un Prix Pulitzer. La fin de cette affaire fît révélée bien plus tard, raison aussi pour laquelle un film sur le sujet ne paraît qu’aujourd’hui, d’autant que lorsque la vérité éclata au grand jour pour de bon, c’était au beau milieu du scandale Monica Levinsky/Bill Clinton, et forcément les médias avaient d’autres chats à fouetter que des histoires de corruption.

Secret d’Etat, ou Kill the Messenger en VO, est un film un tantinet embêtant à traiter tant il faut bien faire la part des choses entre l’œuvre en elle-même et la réalité qu’elle dépeint.

J’imagine que je ne suis pas le seul à ne pas avoir eu vent de cette affaire avant de mettre les pieds dans la salle et en cela, il faut bien admettre que le film m’a intéressé puisqu’il m’a ouvert les yeux sur des faits proprement stupéfiants, d’autant plus par la manière avec laquelle cet homme s’est fait publiquement humilié pour avoir fait éclater la vérité au grand jour. Seulement, Kill The Messenger s’avère assez faible en tant qu’œuvre de cinéma tant elle semble se reposer sur l’importance de ce qu’elle raconte plutôt que d’essayer de transcender les faits et d’y injecter un vrai regard de metteur en scène. Il n’y a qu’à voir la vitesse hallucinante avec laquelle l’intrigue part, montrant vite qu’on est face à une illustration sage des faits, académique à souhait, qui ne cherche jamais à impliquer le spectateur directement. Assez mal géré en fin de compte, le rythme du récit et surtout sa structure délivrent les faits assez platement, et peinent ne serait-ce qu’à faire douter quant à la suite des évènements.

Il ne faut pas oublier que lorsque l’on regarde un film comme les Hommes du Président, on est tellement happé que l’on doute avec les personnages et que l’on oublie l’issue à un moment, se demandant comme les héros si ils vont réussir à s’en sortir et à mener leur projet à termes. C’est d’ailleurs là le sel de n’importe quelle fiction réussie basée sur un fait divers. Ici, on se pose rarement la question, d’autant que le scénario très verbeux n’est pas toujours cristallin concernant l’évolution de l’enquête, même si celle-ci était très dense évidemment. Le film semble presque finir par jeter l’éponge sur sa toute fin, où il rechigne à montrer la conclusion de l’histoire et se contente des sempiternels cartons qui donnent les ultimes clés du dossier. Heureusement, l’une des dernières scènes, lors d’une conférence, parvient à créer le doute une seconde et renvoie la terrible vérité brutalement au public pour bien lui faire réaliser l’injustice qu’a vécu Gary Webb, mais on sort du film avec la sensation d’avoir vue une reconstitution trop sage, à laquelle on aurait sans doute préféré un reportage avec des archives réelles. Le mérite du film repose donc sur une réelle médiatisation tardive de toute l’affaire, mais c’est peu dire que Gary Webb aurait mérité un traitement plus paranoïaque et intense que celui là.

 

Secret d’Etat – Sortie le 26 novembre 2014
Réalisé par Michael Cuesta
Avec Jeremy Renner, Rosemarie DeWitt, Ray Liotta
Une vérité incroyable se dessine : les rebelles du Nicaragua travailleraient directement avec la CIA pour introduire de la cocaïne aux Etats-Unis et l’argent résultant de ce trafic servirait à armer les milices des Contras que veulent soutenir les Etats-Unis. Pour faire exploser la vérité, Webb prend tous les risques et se rend au Nicaragua afin de soutirer des informations essentielles au baron de la drogue Norwin Meneses. Il écrit bientôt une série d’articles qui secoue l’Amérique tout entière…
Webb devient alors une cible pour les journalistes rivaux mais aussi pour les responsables du trafic : un véritable complot se trame contre lui…

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