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Critique : Rock the Casbah
Attention, ne confondez pas Rock the Casbah avec son homonyme.
Certes, il y a l’excellente chanson des Clash avec son chérif qui n’aime pas ça mais il y a aussi deux films cette année sortant avec le même titre. Le premier est un drame isréalien sorti en mai dernier. Le second, celui qui nous intéresse, est le nouveau film de la réalisatrice marocaine Laïla Marrakchi, une belle histoire de famille à Tanger avec notamment Omar Sharif au casting.
Et un véritable coup de coeur.
En mai 2005, la jeune réalisatrice marocaine Laïla Marrakchi présentait un film intitulé Marock. Sorti discrètement en salle, cette histoire sur la jeunesse dorée de Casablanca était pourtant une réussite. Joli film, soigneusement réalisé et porté par une révélation -Morjana Alaoui, vue ensuite dans Martys de Pascal Laugier- le film mettait en avant l’opposition des familles à l’union d’un jeune couple, elle musulmane et lui juive, dans un univers partagé entre tradition et modernité. Si le film était très ancré dans dans la culture marocaine, il cachait quand même un sujet pouvant s’appliquer à n’importe quelle opposition de culture. Et l’ensemble dégageait quelque chose de charmant et d’émouvant.
Huit ans plus tard, Laïla Marrakchi revient avec un nouveau long métrage tout aussi réussi.
Rock the Casbah est à l’instar de Marock une histoire se déroulant au pays du Soleil Couchant, donnant elle aussi envie de lait chaud à la fleur d’oranger et de promenade sur le front de l’océan atlantique. Nous sommes cette fois à Tanger, ville choisie par Laïla Marrakchi à cause d’une incroyable et très grande maison idéale à l’histoire. Le patriarche d’une grande famille bourgeoise est décédé et le film raconte les traditionnels trois jours de deuil qui entourent l’enterrement. Comme on s’en doute dans ce genre de situation, l’homme tenait la famille et son décès la fait voler en éclats : les animosités se réveillent sur fond d’héritage et les secrets sont dévoilés au grand jour. Rock the Casbah porte donc bien son titre.

Le film est volontairement emprunt de traditions, celles qui se perdent en Europe autour d’un décès. Les trois jours sont dédiés à accueillir des gens venus présenter leurs condoléances, à l’enterrement et à une dernière journée où tout le monde partage ensemble un cap difficile à passer en évoquant des souvenirs. L’évènement va être marqué par l’arrivée de Sofia, benjamine de la famille partie aux Etats Unis pour tenter une carrière d’actrice (qui finira dans une parodie de 24 à jouer, forcément, une terroriste arabe). Elle est maman d’un petit garçon qui ne parle pas arabe et vit comme de l’autre coté de l’Atlantique. Choc des cultures inévitable qui démontre qu’au delà de son histoire, Rock The Casbah est un film engagé.
Comme dans Marock, Leila Marrakchi montre une société en pleine mutation très emprunte de culture ancienne et de religion où les hommes ont le pouvoir sur les femmes et où celles-ci ont tendance à se laisser faire. Contrairement à ses sœurs, Sofia se laisse guider par l’amour, par son cœur et ses sentiments et pas par la volonté d’un tel ou d’un tel. Ce grain de sable au milieu des rouages d’une famille jusqu’à alors bien huilée par le patriarche va mettre en lumière les évolutions de la société marocaine et les choix de chacun. La réalisatrice évite la facilité et les clichés et livre un film féminin sans virer au féminisme.
La réalisatrice n’a pas besoin d’esbroufe visuelle. Sa réalisation sobre et efficace est magnifiée par les paysages et l’ambiance du Maroc. Qui plus est, au milieu de comédiens tous très bons, le film est une nouvelle fois porté par Morjana Alaoui aussi éblouissante que talentueuse. Il faut également mentionner Omar Sharif qui vient ponctuer le film d’apparitions fantômatiques, véritable bonne idée mettant en avant la transmission (le vieux patriarche traditionnel qui communique de l’au-delà avec son petit-fils très américain) et faisant le lien avec le spectateur assis dans son fauteuil à qui il s’adresse directement au début et à la fin.

Comédie douce-amère, Rock The Casbah est un film étonnant. Ce n’est pas quelque chose qu’on irait voir de prime abord en salle vu son sujet qui nous échappe sans doute et pourtant cette production Alexandre Aja révèle bien des trésors à commencer par Morjana Alaoui définitivement trop peu présente au cinéma et se révèle très émouvante. Comme quoi, finalement, le sujet abordé est bien universel.
Rock the Casbah – Sortie le 11 septembre 2013
Réalisé par Laïla Marrakchi
Avec Morjana Alaoui, Nadine Labaki, Lubna Azaba
C’est l’été à Tanger. Une famille se réunit sur 3 jours dans la maison familiale suite au décès du père, pour se remémorer les souvenirs et partager sa perte, comme le veut la tradition musulmane. Il faut quitter les plages, les maillots de bain pour se vêtir de djellabas, réunir tout le monde et donner à la maison des allures d’enterrement. L’agitation est à son comble d’autant plus que cet homme n’a laissé derrière lui que des femmes. Tout va basculer avec l’arrivée de Sofia, la dernière des filles, celle qui a fait sa vie ailleurs. Actrice n’interprétant que des rôles de terroristes dans des séries américaines, elle arrive de New York après plusieurs années d’absence. Son retour va être le moyen de régler ses comptes avec ses sœurs et bouleverser l’ordre établi depuis toujours par ce patriarche. Entre rire et larmes, une hystérie collective va mener chacune de ces femmes à se révéler à elle-même…
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