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Critique : Renaissances
Son affiche vous fait forcément penser à tout un tas d’autres, à commencer par Transcendance avec Johnny Depp sorti l’année dernière ou à certains visuels de Source Code.
Le nouveau film de Tarsem Singh avec Ryan Reynolds sort dans les salles le 29 juillet prochain et a été projeté en cloture du NIFFF, ce qui a permis à ce grand amateur de science-fiction qu’est Arkaron d’aller voir ce que valait le petit dernier du réalisateur d’Immortals et Blanche Neige.
LA CRITIQUE
Renaissances (Self/Less) – sortie le 29 juillet 2015
Réalisé par Tarsem Singh
Avec Ryan Reynolds, Ben Kingsley, Matthew Goode
Damian est un riche homme d’affaires aux portes de la mort. Il décide de subir une procédure visant à transférer son esprit dans un corps plus jeune, qu’on lui présente comme ayant été conçu de toutes pièces en laboratoire. Assumant une nouvelle identité, Damian revit un temps, du moins jusqu’à ce qu’il découvre que sa renaissance induit des conséquences bien plus lourdes qu’il ne l’aurait jamais imaginé…
Le paradoxe de Renaissances tient de la médiocrité du résultat final à la lumière des talents impliqués. Le scénario est en effet une création des frères Pastor, qui s’étaient illustrés en écrivant et réalisant le concis et efficace Infectés en 2009, puis le fort bien reçu post-apo Les derniers jours en 2013. Tarsem Singh, quant à lui, avait jusque-là su prouver qu’il détenait une conception hautement visuelle du cinéma, avec des films certes inégaux mais toujours impressionnants au niveau graphique. Quant aux acteurs, si la polyvalence de Ben Kingsley n’est plus à prouver, Reynolds a déjà su montrer qu’il pouvait faire preuve d’assez de professionnalisme pour passer comme compétent le temps d’un film.
N’en espérez pas trop : le scénario repose sur un concept de science-fiction éculé et déjà exploré par des auteurs tels que Heilein, Hamilton, Clarke, ou encore Burroughs. Au cinéma, on se souvient que le poncif fut utilisé dans Stargate, Chucky, Solo pour deux, Matrix, Angel Heart, Volt Face et surtout le film allemand Transfer, qui faisait bien mieux le tour de la question.
Les frères Pastor accouchent ici d’un script en pilotage automatique, cochant les étapes traditionnelles de l’intrigue du transfert d’esprit pour au final ne rien apporter de plus au sujet. Pire, le scénario nous impose une morale et des scènes semblant sortir d’un autre âge (probablement les années 1950), durant lequel il convenait de respecter des mœurs bien pensantes et de ne prendre aucun risque discursif. À vrai dire, l’approche aseptisée du film fait d’autant plus mal lorsque comparée à une œuvre dont elle s’inspire quasiment à chaque retournement de situation : en 1966, L’opération diabolique (Seconds) de John Frankenheimer nous faisait suivre l’histoire d’un homme vivant une seconde vie grâce à une opération avancée et à une mort simulée grâce à un cadavre. S’en suivaient des péripéties similaires pour ne pas dire identiques : crise d’identité, faux amis espions, tentative de réparation… du moins jusqu’au dénouement, infiniment plus osé à l’époque.
Soyez donc sûr d’une chose : la fin que vous vous imaginez à 20 minutes de film est la bonne. Le problème d’écriture s’étend par ailleurs beaucoup plus loin, car il aligne les incohérences, ce qui détruit le peu de crédibilité que le film pouvait espérer véhiculer (sans spoiler : un personnage clé semble stupéfait d’une révélation au milieu du film, et l’on découvre cinq minutes plus tard qu’il savait en fait tout ; autre exemple : le grand méchant était semble-t-il trop idiot pour réaliser une petite enquête sur le passif du corps hôte et de ses capacités, ce qui nous aurait pour ainsi dire épargné toute l’histoire).
Comme sous-entendu plus haut, le flair visuel de Tarsem Singh s’en est allé. Adieu les prouesses de transition et de composition de The Fall, au revoir le parti pris graphique burné de Immortals et l’univers immaculé de Blanche Neige, il ne reste dans Self/Less plus rien du tout d’un cinéaste qui s’était autrefois illustré pour ses visions puissantes.
Tourné avec beaucoup d’argent dans des décors paradoxalement économes, le film se présente comme un petit thriller sans ambition, trimballant une photographie stérile et grise, digne des téléfilms les plus friqués. La facture technique du film est tellement médiocre qu’on se demande honnêtement comment les artistes impliqués en sont arrivés là. La réalisation statique n’est jamais déterminée par l’histoire ou les thèmes abordés, et se contente d’illustrer mollement une intrigue insipide, tandis que le montage s’emballe sur les quelques scènes d’action, les rendant incohérentes et multipliant les faux raccords.
Les acteurs ne sont pas en reste dans cette soupe imbuvable, car si Ben Kinglsey s’en sort honorablement, Reynolds ne parvient jamais à nous faire croire qu’il peut jouer plusieurs personnalités occupant tour à tour un même corps : son visage, inexpressif, semble coincé dans une ou deux mimiques limitées. Matthew Goode, lui, se roule tellement la moustache que l’on croirait par moments revivre le calvaire Ozymandias.
Renaissances aurait pu être bouclé en 30 minutes de moins, sans même effacer ses innombrables inepties logiques. En ce sens, il rappelle quelque peu le fastidieux Time Out d’Andrew Niccol, à ceci près que ce dernier avait le mérite d’articuler quelques petites idées sympathiques. Il n’en est rien dans le dernier film de Tarsem Singh, une pâle copie de blockbuster qui aurait pu être réalisée par n’importe quel yes-man, qui n’a rien à dire et qui ne sait même plus faire illusion.
1 commentaire
par Terenn
« le calvaire Ozymandias » ?