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Critique : Queens

Réalisatrice du sympathique Jusqu’à Ce que la Fin du Monde nous Sépare en 2012, Lorene Scafaria revient sur grand écran avec un film de gangsters au casting 100% féminin. Constance Wu, Jennifer Lopez, Julia Stiles ou encore Lili Reinhart de la série Riverdale sont de la partie…

 

LA CRITIQUE

L’onde de choc provoquée par la crise économique de 2018 était dévastatrice dans beaucoup de domaines, y compris certains auxquels on ne pense pas au premier abord… Les clubs de strip tease par exemple !
Inspiré d’une histoire vraie, Queens (Hustlers en V.O) suit un groupe de femmes travaillant dans un club près de Wall Street qui décida suite à la crise de faire payer les traders à leur façon. L’opportunité pour la réalisatrice Lorene Scafaria de se lancer dans un film de gangsters un peu différent de ce que le genre nous offre habituellement…

L’une des influences revendiquées dès la conception du film n’est autre que les Affranchis de Martin Scorsese, et si la comparaison parait énorme, elle prend du sens une fois devant Queens.
Avec cette bande de strip teaseuses qui prend de plein fouet la crise économique avec des clubs qui se vident après avoir été des déversoirs à cash, le film prend cependant un point de départ assez social et universel tant le postulat qui enclenche la mécanique infernale nous est commun. Et l’intelligence de l’écriture, liée sans doute aux origines du film, est l’identification assez forte qu’offrent les héroïnes du film, que ce soit la narratrice principale jouée par Constance Wu ou la baronne du groupe incarnée par Jennifer Lopez. Avant de dépeindre des gogo danseuses qui émoustillent tout ce qui bouge sur leurs barres de pole dance, Queens offre des portraits de femmes qui détournent les dérives du patriarcat à leur avantage.

Le risque premier du film était d’en faire trop ou pas assez dans la peinture de ce milieu de la nuit, qui pouvait facilement être glamourisé à outrance dans le sexy bling-bling, ce qu’une production de ce genre ne peut se permettre d’assumer pleinement en général, ou au contraire prendre le contre point misérabiliste en rendant l’ensemble très glauque et moralisateur.
Coup de bol : Lorene Scafaria a trouvé un juste milieu au scénario et derrière la caméra, en montrant bien les coulisses pas toujours très heureuses d’un tel domaine, avec des femmes qui joignent difficilement les deux bouts comme vie privée et nocturne, ou études et boulot à côté, mais qui profitent de l’émulation de groupe et du soutien qu’elles se donnent mutuellement pour avoir le dessus sur leurs clients, et rester dans un environnement sain. La camaraderie qui se dégage de tout ça est assez touchante, et semble en tout cas authentique avec des femmes de divers horizons ethniques et sociaux, qui prennent un malin plaisir sur scène à mener en bateau leur clientèle. D’ailleurs, on peut saluer l’approche formelle dans le filmage des scènes de club, puisque la discipline n’est jamais prise de haut, et on sent que la réalisatrice a voulu rendre hommage aux performances offertes par de telles danseuses, dont certaines figures sont belles et bien athlétiques.

Cette identification joue grandement dans l’appréciation du film puisqu’on est véritablement du côté de ces femmes, y compris quand elles mettent en place leur plan pour arnaquer des traders, en passant allégrement au-dessus de la loi et entrer à leur manière dans la criminalité.
La comparaison avec le classique de Scorsese intervient globalement sur la structure du film assez similaire, qui voit tout ce beau monde partir du bas de l’échelle et la grimper avec ses propres règles avant que les choses ne dégénèrent. Le clin d’œil va même plus loin lors de certains passages dans la boite de nuit qui singent rapidement un plan séquence ça ou là, tout comme Scafaria s’adonne à des gimmicks récurrents de mise en scène pour structurer intelligemment certains passages redondants de son film en leur donnant du peps. Que ce soit dans les arnaques ou dans le chamboulement de leur train de vie, on comprend de bout en bout les raisons et la motivation de ses femmes, y compris quand elles franchissent certaines limites. Preuve s’il en est de l’efficacité de la narration et de la réussite du casting, mené par une Jennifer Lopez charismatique qui tient l’un des meilleurs rôles de sa carrière et fait preuve de nuances dans l’interprétation de cette femme assez extravertie, avec des fêlures qu’elle infuse petit à petit. Elle et ses comparses semblent toutes s’éclater devant la caméra, et donnent une belle énergie au film qui s’impose comme le penchant féminin et évidemment féministe d’un genre que l’on connait par cœur.

A ce petit jeu, Queens éclate sans détour des tentatives plus mercantiles comme Ocean’s 8, en faisant preuve d’une sincérité touchante grâce à un point de vue résolument féminin, qui n’aurait pu être fait autrement. Et cela ne veut pas dire pour autant que le film est gentil tant il dénonce via son décorum toute la violence de l’économie U.S et des tonnes de victimes qu’elle laisse dans son sillage tel un dommage collatéral sans importance. La réalisatrice Lorene Scafaria ancre avant toute autre chose le contexte social de son histoire, et dépeint la crise du bas de l’échelle, dans un contexte assez inédit, qu’elle retranscrit sans trop le polir, que ce soit dans la représentation de la nudité ou le comportement atroce de certains hommes.

Le résultat a quelque chose de familier tout en étant original, et s’avère suffisamment rythmé et honnête dans son approche pour que Queens s’impose comme une bonne surprise, aussi plaisante que contemporaine.

 

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