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Critique : Promised Land
Quand on entend le titre du film de Gus Van Sant, on pense irrémédiablement à la chanson de Bruce Springsteen.
Il y a d’autres points communs entre Promised Land et l’univers du Boss, au delà de la comparaison avec la chanson parue sur l’album Darkness on the Edge of Town en 1978 et notamment le fait que Matt Damon compare son film avec le dernier album du chanteur, Wrecking Ball, comme l’un était l’expression visuelle de l’autre.
Il faut dire que Springsteen n’a cessé d’écrire sur l’Amérique profonde et ses habitants, comme Damon l’a fait ici avec le film qui nous intéresse.
Il y a des films qui sont tellement raccords avec l’actualité qu’on se demande si ils n’ont pas étés faits par des devins. Alors que la question du gaz de schiste a provoqué un débat assez vif dans les médias récemment et s’avère être l’une des luttes les plus vives en ce moment chez les écologistes de France, Promised Land sort sur nos écrans et suit le parcours d’un commercial pour une grande société énergétique dont la mission va être de plier les habitants d’un village à sa cause pour exploiter leurs terres. Mais concrètement, qu’est-ce que le nouveau film de Gus Van Sant peut bien apporter au débat ?
Initialement écrit et porté par Matt Damon, Promised Land devait même être réalisé par l’acteur avant que celui-ci ne le fasse lire à Gus Van Sant qui a proposé immédiatement ses services.
Un choix cohérent puisque le réalisateur n’en est pas à son premier film sur un thème dans l’air du temps aux Etats-Unis. Je précise aux Etats-Unis, car Promised Land est bien un film américain et parle de son pays avant tout. Evidemment, le thème de l’écologie y est traité et même si on se doute bien de la « morale » du film, il faut accorder au scénario de Matt Damon & John Krasinski une vraie intelligence dans le traitement de la question écolo. Car le film, qui voit ce vendeur proposer des sommes faramineuses à des habitants pour mieux flinguer leur terrain au final, ne manque pas de montrer toute la difficulté de l’action écologiste. Préserver l’environnement, c’est bien, mais c’est aussi au détriment d’une certaine qualité de vie et de petits sacrifices à droite et à gauche qui peuvent atténuer le confort du quotidien. Et pour une classe moyenne pas toujours financièrement à l’aise, ces fameux sacrifices ne sont parfois pas possibles ou accessibles. C’est sur ce point que le film a le mérite de dépasser un peu son message initial en prenant en considération l’impact sur la vie de tous les jours d’une telle démarche. Il ne la diabolise pas tout comme il ne l’enjolive pas, il la traite de manière simple, directe et réaliste. Pourtant, le thème de l’écologie n’est qu’une façade pour Promised Land, dont les échos plus profonds ont à voir avec l’état d’esprit entier d’un pays.

On pouvait déjà voir dans le titre du film un rapport direct à la terre promise pour son caractère naturel, mais cela a principalement à voir avec la nation des Etats-Unis.
Car derrière la question écologique, il s’agit bien un pays brisé par une économie défaillante et qui en vient à sacrifier son territoire pour survivre, d’un peuple usé par les promesses et dont les croyances dans les fondamentaux de sa nation se sont affaiblies. C’est ce qui semble intéresser le plus Gus Van Sant qui dresse ici le portrait d’une Amérique profonde à l’atmosphère calme et reposante pour mieux y dévoiler le conflit qui gronde de l’intérieur. Formellement très carrée, la mise en scène reste à hauteur d’homme pour que le spectateur ait le sentiment de faire partie d’un village comme il en existe des milliers.
C’est d’ailleurs avec cette simplicité que le film parvient à donner chair à cette communauté et à ses habitants. Le choix par exemple d’avoir pris Matt Damon, LE « monsieur tout le monde » américain par excellence, est en total accord avec ce parti pris même si il est utilisé concrètement dans le rôle du « méchant » dans l’histoire, quand bien même son personnage est évidemment plus profond que ça. Même si on sait pour quel parti penchent forcément le film ou certains personnages, jamais le traitement est manichéen et c’est dans l’ambiguïté ou la difficulté du choix que le film parvient à devenir sympathique. Le récit s’embrouille un peu trop dans une love story pas des plus pertinentes, le déroulement est finalement sans surprise et la formule est loin d’être des plus virulentes ou subversives, mais l’ensemble a le mérite de ne jamais prendre son spectateur pour un imbécile en posant le pour et le contre sans rien nous imposer, ce qui est déjà pas si mal.

Si la tranche de vie proposée par Matt Damon n’a rien d’original et si le récit n’apporte rien de nouveau dans la forme comme dans le fond, Promised Land parvient à faire mouche parce qu’il retranscrit aussi bien la complexité de la question qui l’anime tout comme l’anxiété d’une nation dont les fissures sont nombreuses. Ca ne fera pas avancer le schmilblick pour autant, mais ça le résume de façon agréable.
Promised Land – Sortie le 17 avril 2013
Réalisé par Gus Van Sant
Avec Matt Damon, Rosemarie DeWitt, Frances McDormand
Steve Butler, représentant d’un grand groupe énergétique, se rend avec Sue Thomason dans une petite ville de campagne. Les deux collègues sont convaincus qu’à cause de la crise économique qui sévit, les habitants ne pourront pas refuser leur lucrative proposition de forer leurs terres pour exploiter les ressources énergétiques qu’elles renferment. Ce qui s’annonçait comme un jeu d’enfant va pourtant se compliquer lorsqu’un enseignant respecté critique le projet, soutenu par un activiste écologiste qui affronte Steve aussi bien sur le plan professionnel que personnel…